
Il a fallu plus d'une centaine d'heures de forage pour parvenir à prélever une carotte de neuf mètres dans des sédiments reposant au fond du Cratère du Nouveau-Québec.
Situé sur le territoire du parc national des Pingualuit, le lac Pingualuk est aussi connu sous le nom de Cratère du Nouveau-Québec ou d’Œil de cristal du Nunavik, en raison de la limpidité extraordinaire de ses eaux. La cuvette de ce lac a été formée par la chute d’une météorite survenue il y a 1,3 million d’années. Sa profondeur, de 145 mètres en moyenne, atteint 267 mètres par endroit, ce qui en fait l’un des plus profonds lacs du Nord canadien. L’eau qui l’alimente provient exclusivement des nuages et la plupart des formes de vie aquatique qu’on y trouve auraient colonisé le lac au cours de brèves périodes de contact avec les lacs environnants, qui seraient survenues après les glaciations.
Au début de mai, Reinhard Pienitz et ses collaborateurs du Québec, des États-Unis, de Finlande et d’Autriche ont mené une expédition scientifique sur ce lac avant la fonte du couvert de glace. «Les conditions météorologiques étaient extrêmement difficiles, raconte le professeur Pienitz. De plus, de façon à respecter les mesures de conservation en vigueur dans ce parc, aucun équipement motorisé à essence n’était autorisé dans l’enceinte du cratère.»
Le bourrelet du cratère a une pente qui dépasse une trentaine de degrés, ce qui rendait les déplacements de l’équipe et le transport du matériel scientifique particulièrement ardus. Il a fallu plus d’une centaine d’heures de forage pour parvenir à prélever une carotte de neuf mètres dans des sédiments reposant à une profondeur de 260 mètres. «La nature et la composition des sédiments lacustres permettent de croire qu’ils renferment l’histoire des événements climatiques et environnementaux des 120 000 dernières années, estime le professeur. Il existe très peu de lacs qui peuvent raconter une histoire aussi longue.»
L’expédition, financée par la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, comportait également un volet sur l’étude des populations actuelles de ce plan d’eau. Les chercheurs ont notamment récolté une trentaine d’ombles chevaliers dans les eaux de ce lac et d’un lac voisin. «Les spécimens du lac Pingualuk ont une apparence particulière. Ils ont une grosse tête et un petit corps, peut-être en raison de la rareté de la nourriture», avance-t-il. Ces spécimens serviront à étudier le transport aérien et la répartition des contaminants dans l’environnement nordique, de même que l’évolution et la génétique de cette population isolée de poissons. Au cours des prochaines années, une vingtaine de chercheurs participeront à l’analyse des données recueillies pendant les deux semaines d’expédition.