Les données de santé composent un vaste ensemble d'information disparate. La diversité des formats et de la qualité de ces données n'a d'égal que la diversité des sources de données. Seulement dans le système de santé et de services sociaux, quelques exemples incluent des images et des notes cliniques – manuscrites et d'autres consignées sur des plateformes numériques –, des résultats de projets de recherche en sciences fondamentales ou en santé publique, ou encore des résultats de tests médicaux inscrits aux dossiers médicaux électroniques ou au registre de l'assurance maladie.
Leur disponibilité et leurs modalités d'utilisation sont plus que jamais vues comme étant des éléments clés de l'amélioration du système de santé et de services sociaux.
La récente table ronde «Des données et des gens: construire un écosystème apprenant en santé», tenue dans le cadre de la récente présentation de TechSantéQC, a mis en évidence les bénéfices d'une plus grande et d'une meilleure utilisation de ces données. Elle a également présenté des freins et des facilitants à leur utilisation, ainsi que leur rôle central dans l'atteinte des objectifs du système de santé et de services sociaux.
L'accessibilité et l'utilisation accrue et sécuritaire des données de santé jouent un rôle clé dans l'atteinte de ces objectifs: l'amélioration de la santé des populations, l'amélioration de l'expérience de prestation des soins, la réduction du coût des soins et des services ainsi que l'amélioration de l'expérience du patient en matière de soins.
«Pour les patients, les proches-aidants, les intervenants, la gestion du parcours de soins du patient, l'implication du patient dans sa propre expérience de soins est avantageuse, car elle favorise une meilleure compréhension des enjeux et une meilleure adhésion aux traitements», souligne Samira Amil, coresponsable patiente-citoyenne de la composante Stratégie de recherche en partenariat avec les patients et le public de l'Unité de soutien SRAP du Québec, Pôle RUISSS de l'Université Laval.
Soutenir le cycle de vie des données
Pour être accessibles et utilisables, les données doivent d'abord être créées, puis gérées et ensuite communiquées pour être mises en action. Soutenu de façon continue, ce cycle représente le moteur de l'amélioration continue des pratiques.
«Pour être en mesure d'utiliser des données créées dans le contexte des soins afin d'en tirer de nouvelles connaissances et d'enfin prendre des décisions, le premier enjeu est celui de la capture des données, propose Marc Cuggia, professeur d'informatique médicale à l'Université de Rennes 1. Une fois les données capturées, le second enjeu est celui de les mettre en qualité afin de les réutiliser.» Sur ce point, il suggère une réflexion tirée de l'expérience française en la matière, qui s'articule selon ce principe: «Jamais seul face aux données». Le professeur Cuggia met ainsi l'accent sur la mise en commun des expertises pour interpréter et utiliser les données.
Le système de santé apprenant repose donc sur le cycle de vie des données et une expertise interdisciplinaire qui, ensemble, permettent l'utilisation de connaissances et l'amélioration des pratiques pour le bien de tous.
Les citoyens profitent de meilleurs conseils en prévention ainsi que de pratiques innovantes en matière de soins. Les décideurs profitent de meilleurs tableaux de bord pour évaluer l'efficacité et l'efficience des pratiques dans leurs établissements. Les cliniciens sont davantage en mesure d'évaluer la performance de leurs pratiques. Les chercheurs contribuent pour leur part à l'évolution et au transfert des connaissances et à l'évaluation des pratiques en ayant accès à de meilleurs jeux de données.
Accompagner le changement
Du point de vue de la gestion du système de santé, Martin Beaumont, président-directeur général du CHU de Québec – Université Laval propose cette réflexion: «En ayant davantage d'information, notamment sur les besoins de la population, des patients et des intervenants, le système de santé apprenant nous permet de prendre des décisions de façon plus éclairée, de trouver de réelles solutions à meilleurs coûts, de concevoir de meilleurs parcours de soins et ainsi, de mieux respecter nos responsabilités normatives en matière populationnelle».
L'amélioration de l'environnement de pratique a aussi des répercussions sur les ressources humaines. L'implication des intervenants et des patients, soutenus dans une démarche de gestion de changement, dans l'amélioration des pratiques permet une meilleure rétention et même l'attraction de ressources humaines, ainsi que la diminution de différents coûts associés aux enjeux de santé et de bien-être du personnel soignant.
Évaluer les pratiques en continu
Tous les intervenants bénéficieraient d'avoir les outils pour «se regarder travailler» comme l'explique France Légaré, médecin de famille et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la décision partagée et l'application des connaissances de l'Université Laval. Selon elle, le système de santé apprenant favorise un exercice d'introspection professionnelle. Aussi, la mise à l'échelle provinciale de changements de pratiques individuelles aurait des répercussions majeures, dont certaines associées à des diminutions considérables de coûts.
Ainsi, le système de santé apprenant existe lorsque tous ses partenaires apprennent les uns des autres, dans une dynamique circulaire – telle une roue qui tourne – et d'innovation par itération, ce qui améliore toujours un peu plus les connaissances et les pratiques qui en découlent. «Il s'agit d'un environnement dans lequel nous sommes tous en mesure de prendre de meilleures décisions éclairées par des données», résume Antoine Groulx, directeur général de l'Alliance santé Québec. «Un environnement dans lequel tous les groupes, les décisionnaires, les cliniciens, les patients et les chercheurs, sont en interdépendance, apportent leurs expertises, coconstruisent le savoir et y trouvent leur compte.»
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Les participants à TechSantéQC désireux de revoir la rencontre ont accès à la retransmission vidéo.