Tel est l’un des constats qu’a dressés Jean Bernier, professeur au Département des relations industrielles, lors d’une conférence portant sur les jeunes, le travail et les syndicats, qu’il a donnée le 7 novembre à l’Amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. «On dit des jeunes qu’ils sont voués à la précarité d’emploi et qu’ils s’en accommodent assez bien, a souligné Jean Bernier. On dit aussi d’eux qu’ils sont à haut risque d’être victimes d’accidents de travail, qu’ils ne connaissent pas leurs droits et que, même quand ils les connaissent, ils ne les exercent pas. On dit aussi qu’ils estiment parfois que la sécurité d’emploi est synonyme d’incompétence.» Selon Jean Bernier, les jeunes travailleurs ont pourtant bien besoin des protections sociales qu’offrent les syndicats, d’abord et avant tout parce qu’ils sont les champions du travail atypique, qu’il s’agisse de travail à temps partiel, temporaire, occasionnel, sur appel ou autonome. Pour plusieurs, ces formes atypiques de travail sont même devenues un mode de vie.
Des luttes intestines
«Si ces nouvelles formes d’emploi comportent des avantages pour les entreprises, comme par exemple une plus grande flexibilité dans l’utilisation et la gestion de la main-d’œuvre, elles engendrent des effets sociaux moins désirables», souligne Jean Bernier. Ainsi, pourquoi deux personnes exerçant un travail similaire et qui sont couvertes par la même convention collective ne jouiraient-elles pas des mêmes conditions de travail, qu’on parle de congés payé ou d’ancienneté? Pourquoi cette distinction fondée sur le statut d’emploi? Pourquoi un salarié aurait-il des conditions de travail inférieures à celles d’un autre pour le seul motif qu’il travaille moins d’heures par semaine? Selon le professeur Bernier, la solution réside dans une législation mieux adaptée, capable de prendre en ligne de compte la situation particulière des travailleurs atypiques, comme l’ont fait certains États membres de l’Union européenne, qui ont favorisé l’accès des salariés atypiques à des emplois permanents à temps complet.
Cela dit, les syndicats ont compris l’importance de travailler à diminuer la méfiance des jeunes, qu’ils soient syndiqués ou non, envers les organisations syndicales. Comme le dit Jean Bernier, les jeunes ont parfois des préjugés négatifs envers les syndicats, ayant été parfois témoins de luttes intestines qui leur ont laissé un goût amer. Pour pallier l’écart culturel entre leurs attentes et le fonctionnement des syndicats, il faut changer les approches, par exemple, ne pas chercher à obtenir l’accréditation des jeunes à tout prix mais établir un lien avec eux, construire des ponts, afin de leur faire saisir toute l’importance de l’action collective pour leur propre avancement et celui de la société.