«Le concept de care ne devrait pas avoir de sexe et concerner aussi bien les hommes que les femmes, a souligné la conférencière. Malheureusement, il reste encore fortement associé aux femmes travaillant dans le milieu de la santé, où le care prend tout son sens face aux malades, aux faibles et aux handicapés. On s’attend même des femmes qu’elles soient plus "humaines" que les hommes. En fait, on souhaite qu’elles soient aussi performantes mais en même temps différentes de leurs collègues masculins. Tout cela est assez compliqué. Disons seulement que c’est difficile d’être fidèle à l’idéologie de la performance quand on doit aller chercher les enfants à l’école à la fin de la journée, une tâche qui demeure encore et toujours le lot des femmes.»
La corde au cou
Cela dit, le travail tue en France. La quête de la performance fait beaucoup de victimes, particulièrement chez les dirigeants d’entreprises qui décident de mettre fin à leurs jours parce qu’ils sont désespérés et se jugent incapables de livrer la marchandise. En 2007, année où la France a connu une vague de suicide importante, l’un des numéros de la revue Santé et travail montrait en première page la photo d’un homme dont la cravate était remplacée par une corde. Très forte, l’image excluait du coup les femmes et les ouvriers. «À travers cette iconographie se dégage un nouvel imaginaire social, explique Pascale Molinier. Dans notre société, ce sont les hommes blancs, compétents et très qualifiés, riches, en quelque sorte, qui se suicident. On se dit pourtant qu’ils appartiennent à la catégorie des chanceux, de ceux qui ne devraient pas souffrir. Mais la logique de la performance les rattrape vite. On est loin du care.»