
Être bon pour soi
L’usure de compassion se manifeste de différentes façons, a expliqué Johanne Lessard, chargée d’enseignement à la Faculté de théologie et de sciences religieuses où elle donne depuis de nombreuses années un cours intitulé Intervention auprès du mourant à des étudiants provenant de diverses facultés de l’Université. Par exemple, le soignant se détache des situations ou des expériences émotionnelles entourant le malade ou sa famille. Il se sent responsable de la souffrance et de la mort de quelqu’un, a de la difficulté à faire confiance aux autres dans sa vie professionnelle ou personnelle. Il s’identifie trop à la détresse des autres, ce qui le mène à enfreindre les frontières des relations interpersonnelles. Il est irritable, cynique ou méfiant. Devant ces symptômes, le soignant doit revenir à ses sources, c’est-à-dire lui-même, sous peine de se perdre complètement.
«La compassion envers soi-même implique d’être bon pour soi, dit la conférencière. Elle implique également d’adopter une attitude de compréhension et de non-jugement envers ce qu’on croit être un échec, en l’occurrence la grande souffrance ou la mort d’un patient.» Comme prévenir vaut mieux que guérir, Johanne Lessard recommande aux soignants d’avoir un «espace-temps symbolique» où ils pourront se recueillir ou se ressaisir après de longues heures passées auprès des personnes malades. «Il faut participer à la vie, prendre contact avec quelque chose qui nous dépasse, créer du neuf et de la beauté autour de soi, dit Johanne Lessard. On peut aussi s’inventer de petits rites qui symboliseront la séparation entre le travail et la vie personnelle. L’important est de voir ce qui me convient, en tant que médecin ou infirmière, et si je veux pouvoir continuer à aider ceux qui souffrent.»