
Les tests effectués par Samuel Gagnon dans la région de Salluit montrent que l'efficacité du système développé par les chercheurs du CEN s'approche de celle des systèmes commerciaux. En y apportant quelques améliorations, il pourrait faire le même travail pour une fraction du prix.
— Samuel Gagnon
Le pergélisol des régions circumpolaires renferme, sous forme de matière organique et de végétation morte, environ 50% du carbone présent dans les sols de la planète. Comme le réchauffement climatique et la fonte du pergélisol qui s'ensuit risquent d'accroître les concentrations des GES dans l'atmosphère, il est important de suivre étroitement l'émission de ces gaz par les sols de la toundra. Les systèmes commerciaux utilisés pour faire ce suivi sont composés d'une chambre dans laquelle les gaz s'accumulent pendant une période déterminée et d'un analyseur de gaz à rayons infrarouges qui en mesure les concentrations.
«Ces systèmes comportent plusieurs inconvénients, souligne le doctorant Samuel Gagnon du Département de géographie. Le plus important est leur prix, qui s'élève à environ 10 000$ US.» Par ailleurs, poursuit-il, ces systèmes nécessitent la présence d'un opérateur qui doit passer plusieurs jours au même endroit pour que les données reflètent les variations horaires et quotidiennes de production de GES par les sols. Il est nettement préférable d'avoir recours à un système automatisé qui récolte des données en continu, mais la facture passe alors du simple au double. En plus, comme il faut disposer de plusieurs appareils pour mesurer simultanément la production de GES dans différents milieux, les études de ce type deviennent vite hors de prix.
Samuel Gagnon, Emmanuel L'Hérault, Mickaël Lemay et Michel Allard ont donc uni leurs forces pour concevoir un système qui ferait le même travail, mais pour une fraction du prix. «Je n'étais pas particulièrement bricoleur et je suis moi-même surpris de ce que nous avons réussi à faire», admet l'étudiant-chercheur, qui a consacré ses travaux de maîtrise à la mise au point de ce système.
Pour arriver à leurs fins, les chercheurs ont dû faire quelques visites à la quincaillerie. En effet, la chambre qui accumule les gaz est une section de tuyau en PVC recouverte de ruban réfléchissant qui diminue le réchauffement produit par le rayonnement solaire. Le couvercle de la chambre a été taillé dans une planche à découper qu'on utilise dans les cuisines. Deux petits ventilateurs, du même type que ceux présents dans les ordinateurs, ont été fixés à l'intérieur de la chambre pour uniformiser la distribution des gaz. Quant à la structure du système, elle a été dessinée par les chercheurs et fabriquée dans une usine de Québec.
Pour mesurer les concentrations de CO2, les chercheurs ont acheté des capteurs commerciaux valant environ 100$ l'unité. De plus, ils ont eu recours à un microcontrôleur de type «open source» pour automatiser la fermeture et l'ouverture de la chambre ainsi que la prise de données à intervalles réguliers. Enfin, un panneau solaire assure l'alimentation électrique du système.
Les tests effectués dans la région de Salluit pour tester leur système ont montré que les capteurs constituent un bon compromis par rapport aux analyseurs de gaz. «Ils surestiment d'environ 6% les concentrations de CO2, ce qui est très acceptable considérant l'écart de prix entre les deux instruments», commente Samuel Gagnon. Pour ce qui est des données récoltées par le système automatisé, l'écart est d'environ 15% avec le système commercial. «Nous avons entrepris d'améliorer l'efficacité de notre système en réduisant le volume de la chambre. Nous croyons que les petites variations dans la concentration de CO2 seront plus facilement détectées dans un volume d'air plus petit. Nous envisageons aussi d'ajouter une mémoire pour le stockage des données.»
Si ces améliorations portent leurs fruits, les chercheurs n'écartent pas l'idée de déposer un brevet pour cette innovation. «Notre système a été conçu pour l'étude des sols dans les régions circumpolaires, mais tous les chercheurs qui s'intéressent à l'émission de CO2 par les sols pourraient l'utiliser, peu importe le milieu où ils mènent leurs travaux.»