Placés sur des barques presque sans lumière, les instrumentistes laissent les notes glisser le long des ondes, jusqu’au public au bord du lac, tout oreilles dehors. Attentifs au moindre son et enveloppés d’obscurité, les spectateurs entendent tour à tour chanter les batraciens, puis les huards, bramer les orignaux et hurler les loups. Le concert s’organise autour de quatre saisons, mettant chacune en vedette l’animal de l’heure. Il comprend aussi de douces ballades avec flûtes, violon, accordéon, djembé, deejeridoo, un bâton creux inventé par les aborigènes d’Australie, un tambour amérindien et des appeaux. «Pour moi, tout est musique, vibration, et les instruments acoustiques se marient très bien aux sons des animaux, raconte Pierre Vaillancourt. Cela fait des années que je me promène dans le bois, et que le soir je joue de la guitare, près du feu. Il arrive fréquemment que les animaux me répondent.»
Bien connu dans la région pour avoir mis sur pied ses célèbres appels au loup à l’automne, le naturaliste a convaincu d’autres amoureux de la nature de tenter cette aventure musicale hors du commun. Ils ont conçu ensemble une trame musicale, s’appuyant en grande partie sur le silence, une donnée indispensable pour permettre aux auditeurs de s’ouvrir à la nature. Les spectateurs jouent le jeu en s’efforçant de se faire des plus discrets au bord du lac sombre. Les musiciens profitent du concert pour contempler la Voie lactée et suivre des yeux les étoiles filantes. «Lorsqu’on joue, on n’entend que son instrument, témoigne la flûtiste Audrey Marleau. Contrairement aux autres spectacles, on se sent très calme à la fin, cela ressemble finalement à une séance de méditation.»
Des projets
Les Naturalistes, groupe de musiciens épris de nature et de mélodies, préparent déjà activement leur prochaine saison de concerts prévue en juin 2008. D’ici là, ils vont enregistrer un disque en tentant de se rapprocher le plus possible des conditions du spectacle. La prise de son aura lieu sur un lac, en enregistrant les bruits de la forêt boréale. Cet environnement sonore naturel devrait s’insérer entre les passages musicaux interprétés par les instrumentistes. L’album va également comprendre un texte afin d'éclairer le grand public sur les enjeux environnementaux concernant la forêt. «Je veux attirer l’attention des gens sur la situation précaire du loup dans la réserve faunique des Laurentides, précise Pierre Vaillancourt, aussi surnommé Pierre-Le loup. Si la Forêt Montmorency interdit le piégeage de cet animal, ce n’est pas le cas des bois environnants, puisque les trappeurs disposent de plusieurs mois pour en tuer sans aucun quota. Or, le loup n’est pas une grosse bête méchante. Au contraire, on peut le considérer comme un indice biologique de la bonne santé de la forêt, car il permet à des espèces comme le lynx, la martre et le renard de survivre en laissant de la nourriture disponible sur de grandes proies.»
Guide-interprète de la nature, Pierre Vaillancourt se promène une bonne partie de l’année dans la Forêt Montmorency pour initier le public aux réalités de la forêt. La prochaine activité aura lieu les fins de semaine de la mi-septembre à la mi-octobre. En sa compagnie, un petit groupe de randonneurs part à la rencontre de l’orignal, à l’aube ou au crépuscule. Pas question bien sûr de ramener un panache à la maison, mais plutôt d’observer ce géant de la forêt dans ses activités quotidiennes au bord d’un lac. Information à la Forêt Montmorency: 656-2034.