
Michel Pleau invite ses étudiants à découvrir la beauté et la richesse des mots. Son atelier se veut une rencontre avec soi-même et avec la poésie qui habite tout être humain.
— Louise Leblanc
Reine Audibert, 73 ans, est inscrite à cet atelier pour la 19e année consécutive. Ses passages à l'UTAQ lui procurent une petite dose de bonheur qu'elle n'est pas prête à abandonner. «Les ateliers m'apportent une meilleure connaissance de moi-même. Tel un sanctuaire, c'est un lieu où l'on explore notre monde intérieur. En plus, on a du plaisir! J'ai appris avec Michel que la poésie est une langue en soi. Pour l'apprendre, il faut l'écouter et la lire. C'est pourquoi la lecture est aussi importante que l'écriture», souligne cette retraitée de l'enseignement.
Éminent poète, Michel Pleau a publié de nombreux recueils, dont La lenteur du monde et Le ciel de la basse-ville. De 2014 à 2016, il a été poète officiel du Parlement du Canada, une fonction qui lui a permis de propager son amour des mots d'un océan à l'autre. En 2015, l'Institut canadien de Québec lui a remis le Prix de la personnalité littéraire pour souligner l'ensemble de sa carrière. Il a aussi été lauréat du Prix du Gouverneur général dans la catégorie «Poésie de langue française».
Michel Pleau a donné son premier atelier de poésie à l'Université Laval en 1992, alors qu'il était doctorant en création littéraire. Ses débuts de formateur, il les doit à son ancien professeur et mentor, le poète Jean-Noël Pontbriand. C'est lui qui lui a donné son premier contrat d'auxiliaire d'enseignement. «En 1992, je venais de publier mon premier recueil, j'étais inscrit au doctorat; j'étais persuadé de tout savoir sur la poésie. Vingt-six ans plus tard, je réalise que j'en sais de moins en moins sur le sujet. Le poème, pour moi, est devenu un mystère. C'est ce qui, je crois, me donne le droit d'animer des ateliers», dit-il humblement.
On l'aura compris, chez Michel Pleau, la poésie n'est pas une affaire de vérité absolue. Dans ses ateliers, qu'il donne à l'UTAQ, mais aussi à la Maison de la littérature et dans des écoles secondaires, il veut ouvrir des portes, susciter des réflexions. De ses étudiants, il apprend énormément. «L'animateur d'atelier, c'est quelqu'un qui crée une ambiance, un lieu propice à l'éclosion d'une parole intérieure. Particulièrement à l'UTAQ, les participants sont intéressés par la création et ont plein de choses à dire. La poésie est un feu qui sommeille en chaque être humain; l'animateur n'est que celui qui souffle sur les braises», illustre-t-il.
Jean Langlois, 64 ans – «le plus jeune de la gang de l'UTAQ», précise-t-il avec humour – apprécie cette approche pédagogique. «Il m'est arrivé de suivre des ateliers dans d'autres établissements, mais c'était trop théorique. Avec Michel, je ne pense pas à ce que j'écris. Il nous donne des trucs et nous laisse aller. Je m'éloigne de la logique pour me laisser emporter par les mots.»
Michel Pleau encourage ses étudiants à écrire à partir de ce qui les touche. Pour lui, c'est la mort de son père, survenue alors qu'il avait douze ans. Toute son œuvre, dit-il, est teintée par ce triste événement. Son plus récent recueil, J'aurai bientôt ton âge, porte sur la relation qu'il entretenait avec son père. Empreint de nostalgie et d'espoir, cet ouvrage revêt une signification particulière. «Dans un mois, j'aurai l'âge de mon père lorsqu'il est décédé. C'est une étape peu banale d'être plus âgé que son parent. Ces prochaines années, dans mes poèmes, je continuerai de m'adresser à mon père pour lui raconter la beauté de la vie et toutes les choses qu'il n'a pas pu connaître parce qu'il est parti trop tôt. J'ai l'intention de vivre plus longtemps que lui, si possible! J'ai envie d'être vieux», conclut le poète.
Pour lui, de même que pour ses nombreux lecteurs, on l'espère plus que tout.
Extrait de J'aurai bientôt ton âge
par-dessus ton épaule
la lumière n'avait aucun défaut
j'aurai tout fait pour m'approcher
de ta voix
trouver refuge dans une parole
qui s'élèverait avec la mienne