1 octobre 2024
L’influence du tissu adipeux sur l’efficacité des traitements contre le cancer du sein
Kaoutar Ennour-Idrissi, doctorante en épidémiologie et résidente en pathologie à la Faculté de médecine, étudie le lien entre le tissu graisseux mammaire et la réponse aux anti-œstrogènes
La série Échantillons de la recherche raconte l'expérience de membres de la communauté étudiante en recherche. Ils partagent un aperçu de leur projet aux cycles supérieurs.
«Tout le monde, dans son entourage proche ou lointain, a une histoire de cancer du sein. C'est tellement fréquent», lance Kaoutar Ennour-Idrissi, doctorante en épidémiologie et résidente en pathologie, qui a vu trois mères de famille dans son entourage succomber à la maladie.
Son projet de doctorat, sous la direction des professeures Caroline Diorio et Francine Durocher, s'intéresse à l'efficacité d'un traitement anti-œstrogène utilisé pour les cancers du sein hormonodépendants et l'influence du tissu adipeux mammaire. «Après la ménopause, ce sont les adipocytes, les cellules graisseuses, qui fabriquent les œstrogènes chez les femmes, explique Kaoutar. Comme la tumeur baigne dans le tissu adipeux mammaire, nous voulions déterminer ses caractéristiques et voir son effet sur la réponse au traitement. Si le poids joue un rôle, on peut se demander si c'est possible d'ajuster la dose ou d'utiliser un médicament avec un autre mécanisme d'action.» L'étude concerne aussi les patientes préménopausées, chez qui un traitement est prescrit pour induire la ménopause, en plus des anti-œstrogènes.
Kaoutar travaille avec des cohortes de patientes, un contact qui lui plait beaucoup. «Je voulais être plus proche de la réalité, plus proche des patientes, en combinant la biologie moléculaire à l'épidémiologie.»
Pour ce projet, 160 patientes ont été recrutées au Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia, situé à l'Hôpital Saint-Sacrement. Elles ont été regroupées en deux catégories: celles qui répondent bien au traitement et celles qui y répondent moins bien. Kaoutar voulait ainsi trouver des marqueurs ou des facteurs chez les patientes qui influencent le pronostic de la maladie et la réponse au traitement pour mieux personnaliser l'approche thérapeutique.
Durant son projet, Kaoutar a testé des échantillons de tissus adipeux et de sang pour mesurer le niveau d'œstrogène des patientes avant le traitement et six mois après le traitement. Parmi les facteurs d'influence, Kaoutar s'attarde au profil épigénétique des cellules graisseuses qui influence leur fonctionnement et au niveau d'œstrogènes avant le début du traitement.
Aller voir ce qui se passe à l'intérieur de la cellule
Kaoutar a suivi un parcours atypique, motivée par son désir de comprendre la maladie. «J'ai commencé par des études en médecine, parce que je voulais apporter de l'aide, me sentir utile, raconte-t-elle. Durant mes stages, j'ai réalisé qu'il y avait souvent besoin d'un examen pathologique, à l'œil nu et au microscope, pour expliquer les anomalies et orienter vers le bon traitement.» C'est ce qui a mené à sa spécialisation en pathologie, mais ce n'était pas suffisant pour répondre à toutes ses questions.
— Kaoutar Ennour-Idrissi, doctorante en épidémiologie et résidente en pathologie
«Je voulais zoomer plus encore, aller voir ce qui se passe à l'intérieur de la cellule.» Kaoutar a suspendu sa formation pour développer une expertise en recherche. Elle a réalisé une maîtrise en épidémiologie clinique et s'est lancée au doctorat.
Allier clinique et recherche
En parallèle à son projet doctoral, Kaoutar a repris sa résidence en pathologie dans le cadre du Programme de formation de clinicien-chercheur. «Ce n'est pas tout le monde qui se lance dans cette aventure. Ça amène des défis, mais aussi beaucoup d'épanouissement et de satisfaction professionnels.»
Kaoutar veut travailler comme clinicienne-chercheuse, partageant la moitié de son temps à voir des cas de patients et l'autre à faire de la recherche. Elle souhaite ainsi orienter ses travaux par les questions qui surviennent en clinique et orienter les pratiques en pathologie grâce à sa recherche. «C'est là où je pense pouvoir faire une différence, car il n'y a pas beaucoup de cliniciens-chercheurs en pathologie en cancer du sein.»
Kaoutar a reçu plusieurs bourses pour son projet, dont la bourse Vanier en 2017. Elle souligne que ce soutien financier l'a aidée dans son parcours doctoral et qu'il contribuera à sa carrière. «Je pense que ça va m'aider à me démarquer, ça va m'aider dans mon dossier de clinicienne-chercheuse pour obtenir des subventions.»
La vulgarisation occupe une place importante dans la vie de Kaoutar, qui aime faire des présentations grand public. Au fil de son parcours, elle a noté une incompréhension de la maladie, même au sein de la cohorte pour son projet. «Une proportion non négligeable des patientes ne prenaient pas le traitement, même s'il était prescrit, parce qu'elles ne connaissaient pas son utilité. Il y a un besoin à combler», rapporte la doctorante et résidente. Elle aimerait mettre en place un projet pour répondre aux questions des patientes et leur expliquer la maladie.