Les interactions complexes entre le microbiote intestinal et les aliments influencent la santé humaine. Des scientifiques de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) étudient ces mécanismes essentiels à l’aide de systèmes in vitro reproduisant les conditions de l’intestin.
« Ces systèmes dynamiques permettent d’évaluer l’évolution du microbiote en réponse à un stimulus tout au long de la digestion », explique Joseph Lupien-Meilleur, doctorant à la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation et co-premier auteur de l’étude.
Les approches métabolomiques se sont imposées comme outil essentiel pour identifier et détecter des métabolites d’intérêt générés par le microbiote en présence d’un aliment. Elles permettent aussi d’étudier l’importante variabilité bactériométabolique observée entre les individus. Le SHIME et le PolyFermS, considérés dans l’étude, se retrouvent parmi les modèles les plus utilisés.
« Nous étions enthousiastes à l’idée d’utiliser ces ressources, mais il nous est rapidement apparu qu’une part importante des variations observées dans la concentration des composés alimentaires et de leurs métabolites bactériens résultait de la nature complexe de nos systèmes, comme la durée d’activation des pompes, plutôt que d’une activité microbienne », souligne Jacob Lessard-Lord, stagiaire postdoctoral et co-premier auteur.
Ce constat a poussé les deux chercheurs à intégrer la dynamique des fluides à leur système grâce à des modèles mathématiques illustrant des phénomènes de dilution. Pour arriver à ces équations, les chercheurs ont fait appel à une équipe multidisciplinaire composée de scientifiques en microbiologie, en chimie, en bio-informatique et en physique. « Ce fut un véritable défi d’arriver à des équations pour chaque configuration des appareils », ajoute Joseph Lupien-Meilleur. Une fois générés, les modèles mathématiques ont été testés en comparant avec le comportement d’un traceur inerte coloré dans les systèmes métaboliques.
« Cette étude est la première analyse décrivant mathématiquement la dynamique des fluides au sein de différentes configurations du SHIME et du PolyFermS. Notre approche aidera à vérifier si les résultats obtenus découlent de la mécanique des systèmes ou d’une activité bactérienne », indique Jacob Lessard-Lord.
Les deux chercheurs ont d’ailleurs appliqué leurs modèles pour interpréter les données métabolomiques de tanins, générés par l’ajout d’un extrait de canneberge riche en polyphénols dans les systèmes in vitro. Les résultats suggèrent une dégradation des tanins par le microbiote intestinal par rapport à la modélisation d'un composé inerte.
Les équations générées pourraient aussi être utilisées dans la planification des expériences, pour calculer les doses de composés par exemple. Cela permettra de conduire des analyses métabolomiques plus rigoureuses et d’affiner les résultats générés par ces systèmes in vitro.
L’étude, intitulée Mathematical modeling of fluid dynamics in in vitro gut fermentation systems: A new tool to improve the interpretation of microbial metabolism, a été publiée dans la revue scientifique The FASEB Journal.