La série Échantillons de la recherche raconte l'expérience de membres de la communauté étudiante en recherche. Ils partagent un aperçu de leur projet aux cycles supérieurs.
La nouvelle loi permettant la vente d'assurances sur Internet au Québec, entrée en vigueur en 2019, a levé un drapeau rouge pour David Beauchemin, doctorant en informatique à la Faculté des sciences et de génie. Fort de ses connaissances en actuariat, acquises durant son baccalauréat, il a vu un risque de mésinformation pour les clients.
«Comment pouvons-nous informer quelqu'un qui ne passe pas par un humain? Beaucoup de mauvaises informations circulent déjà au sujet de l'assurance, il y a donc le risque de choisir le mauvais produit», lance David Beauchemin.
Ce constat a motivé le choix de son projet de doctorat. Le jeune chercheur veut élaborer un programme, basé sur l'intelligence artificielle (IA), qui pourrait expliquer un contrat d'assurance comme le ferait un humain. «Notre objectif est d'avoir un outil de langage qui fournit une information de qualité aux clients, et ce, dans un vocabulaire facile d'approche», explique le doctorant, affilié à l'Institut intelligence et données.
Alors qu'il était encore au début de son projet, David Beauchemin a fait face à un changement majeur dans le domaine: l'arrivée de ChatGPT. «Ça a été une grosse surprise. Nous avons dû recadrer le projet pour voir comment nous pouvions mettre le programme à profit», rapporte-t-il.
Le doctorant souligne toutefois que ChatGPT n'a aucune notion par rapport au monde de l'assurance au Québec. «Quand il ne connaît pas quelque chose, il va imaginer de fausses informations. C'est possible de lui injecter des connaissances, mais ce n'est pas certain qu'il va répondre la bonne chose à tout coup.»
Dans son projet, David Beauchemin travaille sur un modèle de langue. «Le programme modélise la manière dont les humains écrivent. C'est comme une dictée trouée pour laquelle il doit prédire le prochain mot. Si nous avons “le chat boit du…”, c'est plus probable que la suite soit “lait” et non “whisky”», illustre-t-il avec un sourire.
Son modèle doit être capable de simplifier les informations d'assurance. «Tout est à faire, souligne le doctorant. Il n'y a pas eu de travaux dans le domaine de l'assurance pour la simplification du langage. Nous sommes aussi confrontés à la dualité entre la précision et la compréhension.»
Son système d'IA apprend actuellement à reformuler des informations fournies. Pour ce faire, il propose une formulation qui est évaluée selon le degré de similitude avec l'énoncé d'origine et le maintien du sens. Le programme analyse sa proposition et détermine à quel point il a réussi à simplifier l'énoncé. Il va ensuite recommencer jusqu'à atteindre un niveau satisfaisant. En phase d'entraînement, réaliser 50 000 itérations lui prend environ 8 heures. À terme, il pourrait proposer 3 ou 4 formulations possibles en quelques minutes.
Répondre en langage simple ne suffit pas, le programme doit aussi répondre de manière conforme d'un point de vue légal. Pour entraîner son modèle, le doctorant a créé un jeu de données de contrats d'assurance, avec de faux noms et de fausses informations à des fins de simulation.
La prochaine étape serait de tester le prototype complet auprès d'un groupe de clientes et de clients. «Nous pourrions imaginer une centaine de personnes qui posent des questions d'assurance au programme. Nous ferions ensuite un bilan des réponses données, en vérifiant que l'information est bonne et que les solutions sont satisfaisantes pour la clientèle.»
Le projet de doctorat est en collaboration avec l'entreprise Beneva. David Beauchemin reçoit également un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.
Parallèlement à son doctorat, David Beauchemin a fondé une coopérative d'expert en intelligence artificielle avec des collègues de l'Université Laval. Il met à profit les compétences développées durant ses études pour aider les petites et moyennes entreprises à intégrer l'IA dans leur processus. «Souvent, elles ne savent pas dans quoi se lancer ni comment le faire, rapporte-t-il. Nous offrons donc des conférences et des formations, et nous les aidons à comprendre les occasions et les retombées possibles.»