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— Getty Images/Martin Prescott
Une enquête menée en 2020 avait rapporté un taux d'épuisement professionnel élevé chez les médecins d'urgence pratiquant au Canada. Deux ans plus tard, même si la pandémie de COVID-19 s'était calmée, ces médecins n'allaient pas mieux, constatent les auteurs d'une étude parue dans la revue Annals of Emergency Medicine.
Cette nouvelle enquête, menée entre le 28 septembre et le 28 octobre 2022, a permis de comparer l'évolution de la situation de 309 médecins qui avaient participé à l'enquête de 2020. Les analyses montrent que 59% des répondants ressentaient un épuisement émotionnel élevé. Il s'agit d'une hausse de 18 points de pourcentage par rapport à la précédente enquête. L'épuisement émotionnel est associé au sentiment d'être émotionnellement débordé et épuisé par son travail, et à l'impression de manquer d'énergie et de motivation pour l'accomplir.
Par ailleurs, 64% des répondants ressentaient un niveau élevé de dépersonnalisation, une forme de détachement qui nuit à leur capacité d'écoute et d'empathie. Il s'agit d'une hausse de 11 points de pourcentage par rapport à l'enquête de 2020.
Enfin, 74% des répondants présentaient un niveau élevé de l'une ou l'autre des manifestations précédentes d'épuisement professionnel. Encore là, on parle d'une hausse substantielle de 14 points de pourcentage par rapport à la précédente enquête.
Les commentaires fournis par les répondants suggèrent des pistes pour expliquer la dégradation de leur état psychologique. «Le commentaire le plus fréquent est que le système de santé est devenu dysfonctionnel. Les standards de qualité des soins diminuent, il y a un manque de personnel et de ressources, et les médecins d'urgence ressentent de la colère à l'endroit des dirigeants des hôpitaux et du gouvernement», souligne l'un des auteurs de l'étude, Patrick Archambault, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval, chercheur à VITAM – Centre de recherche en santé durable et au Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches, et urgentologue intensiviste à l'Hôtel-Dieu de Lévis.
La situation ne semble pas s'être redressée depuis la fin de 2022. «Pendant la pandémie, les médecins d'urgence ont senti une certaine solidarité: tout le monde se serrait les coudes, il y avait une bonne communication et de l'entraide avec les autres départements des hôpitaux. Cette solidarité s'est estompée avec la fin de la pandémie et les hôpitaux sont retournés à leurs anciennes habitudes. Les urgences sont redevenues le service qui prend en charge les patients qui ne peuvent avoir de soins de première ligne ailleurs ainsi que les patients qui doivent attendre que des lits se libèrent dans l'hôpital. Le personnel des urgences se retrouve avec une surcharge de travail et la détresse augmente», constate Patrick Archambault.
Les résultats de l'étude sont un appel explicite à l'action à l'endroit des gouvernements et des directions d'hôpitaux, poursuit le professeur. «Si rien n'est fait, le système de soins d'urgence pourrait s'effondrer. Pour l'instant, les urgences fonctionnent parce que le personnel est très dévoué et qu'il s'investit corps et âme pour les patients.»