Dans la nuit du 31 décembre 1998, des membres de la communauté de Kangiqsualujjuaq réunis dans le gymnase d’une école pour les festivités du Nouvel An ont été frappés par une avalanche, faisant 9 morts et plus de 25 blessés. « Cette tragédie indiquait clairement une lacune dans les connaissances associées à la dynamique des avalanches au Nunavik », lance Jérémy Grenier, diplômé de la maîtrise en sciences géographiques à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique. Durant son projet, il a voulu répondre à cette lacune, s'intéressant au cas de la vallée Tasiapik, traversée par la seule route donnant accès au lac Tasiujaq depuis le village d'Umiujaq.
« Dans le contexte actuel des changements climatiques qui amènent davantage de redoux hivernaux et qui perturbent les régimes de précipitations, il est nécessaire de mieux comprendre les conditions météorologiques favorables au déclenchement des avalanches afin d’empêcher qu’une autre tragédie liée aux avalanches se produise dans le Nord-du-Québec », souligne Jérémy Grenier.
Comme l’équipe de recherche ne peut être sur le terrain à l’année et que s’aventurer dans ce terrain éloigné en hiver est risqué, elle a choisi de documenter la dynamique avalancheuse à l’aide d’appareils photographiques automatisés, positionnés de façon stratégique dans les couloirs de la vallée. Malgré les conditions météorologiques difficiles, telles que le brouillard, les vents violents et la noirceur hâtive, l’équipe a pu capturer et inspecter près de 40 000 photographies, documentant 130 événements avalancheux.
Déterminer le niveau de risque
Deux principaux régimes d’avalanches, chacun associé à différentes combinaisons de conditions météorologiques, ont été identifiés. En hiver, la probabilité d’avalanche était plus élevée lorsque les chutes de neige cumulées sur 3 jours excédaient 10 cm. Au début du printemps, le risque augmentait considérablement lorsque la température minimale quotidienne de l’air était supérieure à 2 °C et que la somme des températures moyennes journalières positives permettant donc la fonte sur une période donnée n'avait pas dépassé la valeur de 46 degrés-jour. « Dépassé cette valeur, la neige avait trop fondu. Il y a donc une période cruciale au début du printemps lors de laquelle les avalanches sont très fréquentes au site étudié », précise Jérémy Grenier.
L’équipe de recherche souhaite mettre en place une façon de communiquer aux communautés nordiques le niveau de risque quotidien, calculé en fonction des conditions météorologiques. « Ce serait un peu à la manière de ce qui est fait dans les parcs nationaux pour démontrer le niveau de risque d’incendies de forêt, avec les codes de couleur », précise le diplômé.
Dans un esprit de collaboration scientifique et de partage des connaissances, l’équipe explore la possibilité de créer une plate-forme numérique par laquelle les communautés concernées pourraient transmettre des signalements d’avalanches en y ajoutant des photographies et une brève description de l’emplacement et du moment de l’observation.
L’équipe prévoit étendre ses recherches en collaboration étroite avec l’Administration régionale de Kativik et les communautés les plus vulnérables à ces aléas soient Inukjuak, Ivujivik, Kangirsuk, Kangiqsujuaq, Quaqtaq et Salluit.
L’étude, intitulée Meteorological conditions and snow-avalanche occurrence over three snow seasons (2017–2020) in Tasiapik Valley, Umiujaq, Nunavik, a été publiée dans la revue scientifique Arctic, Antarctic, and Alpine Research.