La peinture que vous avez appliquée sur le lambris de bois du mur extérieur de votre maison s'écaille? Les planches de votre patio ont fendillé et des champignons se sont installés dans les interstices? Voilà le genre de problèmes qui surviennent lorsque le bois gonfle et se rétracte à répétition. Des chercheurs de l'Université Laval pourraient bien avoir trouvé une solution écologique à ce casse-tête. Et, étonnamment, le procédé qu'ils ont conçu pour améliorer la stabilité dimensionnelle du bois fait intervenir un sous-produit de la fabrication du fromage! Les détails de ce procédé ont été présentés il y a quelques jours, à Vancouver, dans le cadre de la Canadian Chemical Engineering Conference.
Le sous-produit en question est le perméat d'ultrafiltration de lactosérum. «Le lactosérum est le fluide qui reste une fois que la majorité des protéines et de la matière grasse ont été extraites du lait pour produire du fromage, explique Julien Chamberland, professeur au Département des sciences des aliments. Il existe des procédés pour valoriser les protéines résiduelles du lactosérum, mais ils génèrent eux aussi un abondant volume de perméat – on parle de plus de 500 millions de litres chaque année au Québec – qu'il faut aussi valoriser.»
Les solides de ce perméat sont composés à 80% de lactose, le principal sucre du lait, poursuit le professeur Chamberland. «On peut en faire un agent de remplissage dans les médicaments ou un ingrédient important dans les formulations pour nourrissons. Comme le perméat ne contient que 5% de solides, les coûts de transformation sont bien souvent trop élevés par rapport à la valeur des produits qu'on en tire. Nous pensions qu'il y avait moyen de faire mieux.»
Le professeur Chamberland, la professeure Véronic Landry, du Département des sciences du bois et de la forêt, et le professeur Gaétan Laroche, du Département du génie des mines, de la métallurgie et des matériaux, ont uni leurs efforts pour trouver une application non alimentaire pour le perméat d'ultrafiltration. Le procédé qu'ils ont mis au point consiste à utiliser le perméat d'ultrafiltration pour assurer la stabilité dimensionnelle du bois.
Pour ce faire, le bois à traiter est immergé dans une solution contenant le perméat et des composés non toxiques comme l'acide citrique et le glycérol. Après deux heures de trempage, le bois est placé dans un four pendant 24 heures. «Nos analyses montrent que les petites molécules du perméat s'intègrent dans la paroi cellulaire du bois et qu'ils rendent le tout très stable, explique Véronic Landry. Les cellules restent gonflées en permanence, ce qui prévient les dommages causés par le gonflement et la contraction du bois.»
Les chercheurs évaluent présentement l'efficacité de ce traitement sur des échantillons d'épinettes blanches et de peuplier faux-tremble exposés aux éléments à la Forêt Montmorency. «Chaque essence a ses particularités structurelles et nous devons évaluer dans quelle mesure le traitement assure sa stabilité dimensionnelle, précise la professeure Landry. Les intrants auxquels nous faisons appel sont beaucoup moins coûteux que l'acétylation du bois, un traitement utilisé en Europe. En plus, notre procédé ne fait pas intervenir de produits nocifs pour l'environnement ou pour la santé des travailleurs. Si les essais menés à la Forêt Montmorency sont concluants, nos travaux pourraient conduire à la création de nouveaux marchés pour des essences peu valorisées comme le peuplier faux-tremble.»