
Georges-Henri Lévesque en 1934
Commissaire de l’exposition, Josée Pomminville a passé trois mois à éplucher des documents qui, mis bout à bout, font 23 mètres, soit presque la largeur d’une piscine olympique! «J’ai accédé à un épisode très important de notre histoire, estime la spécialiste. Engagé et rassembleur, le père Lévesque n’a jamais cessé d’encourager les Québécois à s’inscrire dans la modernité.»
Originaire de Roberval au Lac-Saint-Jean, Georges-Henri Lévesque est vite animé par le désir d’améliorer la vie des gens d’ici. Il croit en leur capacité de se pendre en main, surtout par le modèle coopératif. «Il choisit de devenir prêtre dominicain pour changer les choses, explique Josée Pomminville. Sa vision était libérale. Il s’est battu pour séparer État et religion.»
Sacerdoce ou pas, Georges-Henri Lévesque trouve le moyen de suivre sa voie. À ses supérieurs qui voudraient l’envoyer en mission au Japon, il réplique qu’il préfère se spécialiser en sciences sociales. Ce qu’il fera pendant deux ans à l’Université de Lille, en France. De retour au pays, il combine l’enseignement auquel le voue sa congrégation et sa véritable passion, l’action sociale, en fondant en 1938 l’École des sciences sociales à l’Université Laval. «Le père Lévesque croyait en l’importance d’aller au bout de ses convictions, raconte Josée Pomminville. Il le répète dans ses lettres à ses anciens étudiants avec qui il gardait contact.»
L’École des sciences sociales, politiques et économiques deviendra la Faculté des sciences sociales en 1943. Georges-Henri Lévesque en sera le doyen jusqu’en 1951. Les objectifs de la Faculté? Étudier de manière scientifique les problèmes du Québec afin de trouver des solutions, favoriser l’engagement social et promouvoir l’effort commun en mettant sur pied une chaire de coopération et assurer l’indépendance de l’enseignement.
Ces visées sont audacieuses pour l’époque. Georges-Henri Lévesque est considéré comme une menace par le gouvernement conservateur et son chef, Maurice Duplessis. «Les deux hommes s’affronteront fréquemment, relate Josée Pomminville. Duplessis, dit-on, dépêchait des espions à la Faculté pour affiner ses angles d’attaque. Il promettra une subvention à la Faculté pour autant que le père Lévesque en soit évincé; il traitera ce dernier de communiste.»
Les réponses de Georges-Henri Lévesque lui vaudront des réprimandes, dont celles du recteur Ferdinand Vandry. Pourtant, il a su maintenir la ligne directrice de sa faculté où son héritage subsiste. «Nous poursuivons cette recherche d’équilibre entre analyse rigoureuse des enjeux sociaux et engagement à améliorer la société», note l’actuel doyen de la Faculté, François Blais. Il se dit très interpelé par l’idée défendue par le père Lévesque voulant que les universités soient porteuses du droit de parole et de la liberté d’expression.
Parallèlement à son enseignement, le père Lévesque a conseillé des politiciens comme Jean Lesage et René Lévesque. Ses réalisations dépassent le Québec puisqu’il a fondé l’Université nationale du Rwanda.
Pourquoi lui attribue-t-on la paternité de la Révolution tranquille? Parce que de nombreux étudiants formés à son école en sont devenus les porteurs. En 2010, rappelle Josée Pomminville, le gouvernement du Québec a honoré 50 grands artisans de la Révolution tranquille. Parmi eux, 14 étaient diplômés de la Faculté des sciences sociales, dont Fernand Dumont, Gérard Dion, Guy Rocher et Jean-Charles Falardeau. «Georges-Henri Lévesque a prouvé que religion et ouverture d’esprit peuvent aller de pair», soutient l’archiviste. Un courant de pensée qui émerge actuellement dans le débat entourant la Charte des valeurs proposée par le gouvernement. «Nul doute qu’il serait intéressant d’entendre le point de vue du père Lévesque sur la question», avoue la spécialiste.
Inaugurée le 26 septembre dernier, l’exposition permanente sur Georges-Henri Lévesque est présentée dans le hall de la Faculté des sciences sociales du pavillon Charles-De Koninck. Une version virtuelle sera disponible dès le 4 décembre.

























