
Olivier Morin et Mélina Picard-Dion au travail dans leur milieu de stage respectif, le premier à l’école primaire Migwan, à Pikogan, la seconde à l’école primaire Nussim, à Pessamit.
— Patty Riverin (photo de Mélina Picard-Dion)
S’ils ont choisi ce type de stage, loin des villes et parmi une population différente de la majorité, c’était pour vivre une expérience hors du commun. «Je voulais savoir si j’étais en mesure d’enseigner dans des milieux plus difficiles, explique Olivier Morin. Un défi professionnel et aussi personnel, en sortant complètement de ma zone de confort dans un tout nouvel environnement sans repères.» Pour sa part, Mélina Picard-Dion a accueilli l’idée avec un grand enthousiasme, étant huronne-wendat. «Je ressentais, dit-elle, une grande envie de contribuer au développement des apprentissages éducatifs des jeunes des Premières Nations, et ce, dans le respect de leur culture.»
Les deux étudiants, ainsi que leur consœur Roxanne Larouche, réalisent actuellement leur stage dans le cadre d’un projet subventionné par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Dans ces stages de fin de formation, les étudiants sont invités à prendre en charge une classe complète. Cette collaboration avec le milieu autochtone constitue une première pour la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval. Par visioconférence, les responsables du projet maintiennent un contact régulier avec les stagiaires.
Olivier Morin est rattaché à l’école primaire Migwan. Mélina Picard-Dion, quant à elle, est à l’école Nussim du conseil de bande de Betsiamites. Le premier enseigne à une classe de 5e année et à une classe de 6e année. La seconde s’occupe des enfants de première année. L’un et l’autre ont été accueillis chaleureusement par l’équipe enseignante et par la communauté. «C’est facile, souligne-t-il, d’entrer en contact avec les gens! Je me sens à ma place. L’école et les enseignants ont le soutien de la direction et du conseil de bande. La profession d’enseignant est valorisée.» Mélina Picard-Dion abonde dans le même sens. «Je me suis intégrée très rapidement, à ma grande surprise, indique-t-elle. J’ai senti que j’avais ma place ici en raison des agissements de chacun à mon égard.»
À Pikogan, la communauté est tissée serrée, au dire de l’étudiant. L’esprit de famille prédomine. «La sagesse, l’amour, le respect, la bravoure, l’honnêteté, l’humilité et la vérité sont les valeurs prépondérantes ici», ajoute-t-il. À Pessamit, l’étudiante a découvert une mentalité assez différente de celle de Québec. «Cependant, poursuit-elle, cette différence est, selon moi, très positive. En effet, les Innus profitent pleinement de la vie et vivent au jour le jour. La famille et la culture sont également deux choses très importantes pour eux. Les enfants ont un respect incroyable envers les aînés.»
Olivier Morin enseigne les mathématiques, la science, l’univers social, les arts plastiques, l’éthique et la culture religieuse. Au cours de sa journée type, il accueille les élèves, discute brièvement de l’actualité avec eux et enclenche l’horaire des cours pour les quatre périodes de la journée. «Sur neuf jours, précise-t-il, les élèves ont quatre périodes d’éducation physique et trois périodes de cours de langue anicinape. La journée se termine à 15h30. Ensuite, c’est le moment de faire toutes les autres tâches connexes.»
Dans sa classe de l’école Nussim, Mélina Picard-Dion accueille les élèves à 8h15. La journée prend fin à 15h15 pour les enfants. Ensuite, la stagiaire prépare la journée du lendemain avec son enseignante associée. Elle rappelle qu’au préscolaire, l’enseignement se fait davantage dans la langue innue. «En première année du primaire, explique-t-elle, l’enseignement se fait en innu ainsi qu’en français. J’ai été agréablement surprise de voir que les élèves s’exprimaient très bien dans ces deux langues. Aussi, je n’ai rencontré aucune difficulté sur le plan de l’enseignement. Bien au contraire, ce sont des enfants tellement attachants qui adorent venir à l’école. L’enseignement se fait de manière très harmonieuse.»
Le fait d’être un enseignant masculin au primaire change-t-il quelque chose? «Cela peut surprendre le premier jour, répond Olivier Morin, mais tout se place grâce à la création du lien de confiance et au fil des interactions. La discipline masculine un brin plus directe, moins enrobée et le ton de voix peuvent être plus saisissants pour les élèves. Un peu comme à la maison avec sa mère et son père. Sur ce point, le fait d’être un homme me permet d’entrer plus facilement en contact avec les jeunes garçons. Mon rôle est également d’être une figure masculine significative et positive pour eux autant que pour les filles.»
À quelques semaines de la fin de son stage, l’étudiant le résume comme une expérience à vivre, autant sur le plan personnel que professionnel. Pour lui, ce fut une occasion de dépassement de soi et d’apprentissage, tant culturel qu’humain. «Je suis beaucoup plus ouvert à l’histoire, à la culture et aux valeurs des communautés autochtones, affirme-t-il. Ce stage confirme que je suis dans le bon domaine d’études et qu’il est possible comme enseignant de faire la différence, d’être valorisé par sa profession et d’avoir du plaisir à travailler pour la réussite des enfants.»
Si c’était à refaire, Mélina Picard-Dion dirait oui «sans aucune hésitation». «J’ai tellement adoré mon expérience, lance-t-elle. Je conseille à chacun de vivre ce genre d’expérience dans sa vie, puisque cela amène à s’ouvrir sur le monde et à voir quelque chose de différent, mais tellement enrichissant. Je considère que mon identité professionnelle s’est grandement construite ici et j’ai hâte de ramener ce baluchon d’expérience et de connaissances à Québec. Mis à part mon travail sur mon côté professionnel, j’ai également grandement évolué en tant que personne. Je suis maintenant une femme beaucoup plus positive et je profite davantage de chaque petit moment que la vie m’offre.»