Plus une personne contrevenante est jeune à sa sortie de prison, plus les probabilités qu'elle retourne sous les barreaux sont grandes, selon une récente étude. Le système de justice pénale traite tout le monde sur un pied d'égalité dès 18 ans et, pourtant, «l'âge compte» dans le processus de réinsertion sociale, montrent des chercheurs de l'Université Laval et du Centre international de criminologie comparée.
«On savait que les jeunes adultes sont plus à risque d'être incarcérés, mais on n'avait pas encore pris conscience à quel point ils entrent tôt dans les services correctionnels et à quel point il leur est presque impossible d'en sortir pendant une longue période», indique Isabelle Fortin-Dufour, professeure au Département des fondements et pratiques en éducation, et autrice principale de l'étude.
Au Canada, plus de la moitié (58%) des personnes incarcérées dans les établissements correctionnels provinciaux et fédéraux sont des hommes de moins de 40 ans. Le groupe de recherche s'est penché sur le parcours de 1558 hommes de 18 à 34 ans incarcérés au moins 6 mois au Québec et les a suivis sur une période de 5 ans. «On s'est posé la question: combien de temps peuvent-ils survivre dehors sans retourner en dedans?» demande la professeure Fortin-Dufour.
Parmi ceux qui ont été libérés, seulement 36,8% ont été capables d'éviter une réincarcération. Certains se sont retrouvés sous les barreaux une seule fois, mais l'un d'eux y est retourné 12 fois. «Cela suggère qu'il est difficile pour les jeunes hommes qui ont été emprisonnés de se désister du crime», peut-on lire dans l'article scientifique publié début décembre dans l'International Journal of Comparative and Applied Criminal Justice.
Le profil des récidivistes
«Pourquoi? Qu'est-ce qu'ils ont fait? Qui sont c'est jeunes-là?» a voulu savoir la professeure.
Les résultats ont révélé que les récidivistes sont souvent célibataires. «Le fait de ne pas avoir d'attache amoureuse dans la communauté fait que certains reviennent pratiquement un an plus vite que ceux qui sont en couple», précise la chercheuse.
Les personnes moins éduquées, qui ont davantage de difficulté à maintenir un emploi, et celles qui ont commis une offense plus violente sont aussi plus à risque de retourner en prison. Les problèmes de consommation d'alcool et de drogue arrivent en tête de liste parmi les facteurs de risque, pointe encore la professeure Fortin-Dufour.
Les chercheurs ont aussi eu la surprise de découvrir que les jeunes adultes supervisés après leur remise en liberté retournent plus rapidement derrière les barreaux que ceux soumis à aucune surveillance. «Les agents de probation et de libération conditionnelle sont des tuteurs de résilience pour aider à la réinsertion, mais ils semblent surtout s'assurer que la personne respecte un ensemble de conditions. Avec parfois 7, 10, 15 conditions à respecter, la probabilité qu'il y en ait une de brisée est grande», explique l'autrice principale.
Matures et responsables devant la loi?
Selon elle, «à 18 ans, peu sont adultes», même s'ils sont tenus 100% responsables de leurs actes devant la loi. De nouvelles études en neuroscience ont démontré que le développement du cerveau se poursuit jusqu'à l'âge de 25 ans, «en particulier dans les domaines du raisonnement fondé sur le jugement et du contrôle des impulsions».
«Ils ne sont pas capables de prendre toutes les décisions de façon éclairée, ne connaissent pas les impacts», indique la professeure, en ajoutant que le système de justice pénale ne s'est pas adapté à cette réalité.
Par ailleurs, elle précise que les crimes sont 30% moins graves que dans les années 1990 et aussi moins nombreux. «Les jeunes qui rentrent en prison présentent plutôt des problèmes diversifiés sur le plan de l'insertion sociale et familiale, et de la consommation.»
L'incarcération en dernier recours
Devant cette analyse, et l'échec de la prison à empêcher la récidive, l'incarcération devrait être le dernier recours pour les personnes contrevenantes de 18 à 25 ans, prône Isabelle Fortin-Dufour. Sauf si elles posent un danger grave et imminent pour tout le monde.
Elle souligne qu'un homme en établissement correctionnel provincial ou fédéral coûte en moyenne 100 000$ par an à la société. «Qu'on prenne cet argent et qu'on le réinvestisse dans la communauté pour mettre le maximum de ressources.»
Elle donne l'exemple d'intervenants qui font des visites régulières à leur clientèle contrevenante, qui l'aident à remplir ses papiers, qui l'accompagnent en cour. «Quand les jeunes trouvent quelqu'un qui croit en eux, ils se sentent redevables. Ceux qui se sont désisté du crime ont en commun une personne qui a fait la différence. Tout ça prend de l'huile de coude, de l'amour et du temps», conclut la professeure Fortin-Dufour.
Les autres signataires de l'étude sont Stéphanie Chouinard-Thivierge, du programme de psychoéducation de l'Université Laval et Patrick Lussier, professeur à l'École de travail social et de criminologie et chercheur au Centre international de criminologie comparée.