Peut-on aspirer à des études collégiales ou universitaires lorsqu'on éprouve des difficultés scolaires dès le secondaire? Benjamin Vézina Boily, finissant du baccalauréat en aménagement et environnement forestiers, le croit aujourd'hui fermement. Toutefois, ce ne fut pas toujours le cas. Après avoir terminé «de peine et de misère», selon ses dires, son secondaire en sept ans, le jeune Benjamin pensait qu'il n'était pas fait pour les études.
Aujourd'hui tuteur pour le programme Le diplôme avant la médaille (DAM), il puise, dans sa propre expérience, pour soutenir un jeune élève en difficulté de l'école secondaire Pointe-Lévy.
«J'ai moi-même eu recours à du tutorat au secondaire et ça m'a aidé. Je veux donc aider à mon tour. Ça fait deux ans que j'accompagne le même adolescent dans ses apprentissages. Mais le tutorat DAM, c'est plus que de l'aide aux devoirs. Parfois, je sens que le jeune a besoin de jaser. Je lui parle alors de mon parcours. J'essaie aussi de l'aider à développer des techniques d'étude. Ces techniques, je les ai moi-même durement acquises, par essai et erreur, lorsque je suis allé au cégep, puis à l'université, après avoir arrêté les études pendant à peu près 10 ans», témoigne Benjamin Vézina Boily.
— Benjamin Vézina Boily, à propos du jeune qu'il accompagne dans le cadre du tutorat de l'organisme DAM
Toutefois, ce que l'étudiant en aménagement et environnement forestiers espère surtout léguer à son jeune protégé, c'est la pensée que les études supérieures sont accessibles à tous. «Je veux semer une graine dans sa tête, lui faire voir les études d'une autre façon. La graine ne germera peut-être pas tout de suite. Ça prendra peut-être 5, 10 ou 20 ans… mais, il n'est jamais trop tard pour faire des études», affirme avec conviction Benjamin Vézina Boily.
De charpentier-menuisier à bachelier en foresterie
À la fin de son secondaire, Benjamin Vézina Boily voyait une seule avenue devant lui: apprendre un métier. Il a opté pour la charpenterie-menuiserie, un domaine dans lequel il a travaillé une dizaine d’années.
Toutefois, il ressentait parfois un sentiment d’inachevé. «Mais c’est seulement quand j’ai rencontré ma conjointe actuelle que je me suis mis à penser à un retour aux études. C’est elle qui m’a convaincu que c’était possible, malgré mon cheminement scolaire chaotique et difficile», explique-t-il.
Tout en travaillant à temps plein le jour, il s’inscrit à l’éducation aux adultes le soir pour parfaire ses connaissances de base, notamment en mathématiques et en sciences. Parallèlement, il consulte un orienteur pour l’aider à choisir un programme collégial. «Je me suis d’abord inscrit en techniques de physiothérapie, mais j’ai vite compris que ce programme n’était pas pour moi. Je suis ensuite allé vers la technologie forestière», raconte-t-il.
Pour Benjamin Vézina Boily, fréquenter le cégep a été une grosse étape, qui a apporté son lot d'angoisses «Allais-je être capable?», s'est-il fréquemment demandé. Finalement, tout s'est bien passé. «J'ai même découvert un grand intérêt pour la littérature et la philosophie, des matières que je pensais ne jamais étudier», ajoute-t-il.
Exilé au Saguenay pour ses études collégiales, il éprouve le besoin de revenir dans la région de Québec avant la fin du programme. Avec un DEC entamé qu'il ne peut terminer à Québec, Benjamin ne sait quoi faire. «Pourquoi ne pas m'inscrire en foresterie à l'université?», se convainc-t-il alors. Il suit donc tous les cours collégiaux préalables, puis commence, en 2021, un baccalauréat de quatre ans, qu'il terminera en juin.
«Quand je suis entré à l'université, j'étais hésitant. J'avais peur de ne pas réussir. Je me rends compte aujourd'hui que c'est moi-même qui me suis longtemps mis des bâtons dans les roues en ce qui concerne les études», confie-t-il.
Un coup de pouce à un ado qui lui ressemble un peu
«C'est ma conjointe qui m'a proposé d'être bénévole pour DAM. J'ai trouvé que c'était une bonne idée de devenir le tuteur d'un jeune qui vit des difficultés similaires à celles que j'ai vécues. Il y a certains points communs entre l'ado que j'ai été et le jeune que j'aide actuellement. Je peux comprendre sa réalité», explique Benjamin Vézina Boily.
L'organisme DAM a été fondé par Béatrice Turcotte Ouellet en 2012, alors qu'elle était étudiante à l'Université Laval. Il vise à utiliser la pratique d'un sport d'équipe comme outil de persévérance au secondaire. Pour obtenir du temps de jeu, les jeunes doivent se responsabiliser et démontrer un engagement dans leurs études, notamment en participant à des séances de tutorat.
L'organisme soutient actuellement environ 1000 jeunes dans 5 écoles partenaires de la région. Tout au long de l'année scolaire, quelque 300 tuteurs bénévoles, comme Benjamin Vézina Boily, accompagnent ces jeunes dans leur étude, à raison d'une heure par semaine.
«Le jeune que j'aide est actuellement en 2e secondaire et j'ai bien l'intention de l'accompagner jusqu'à la fin de son secondaire, s'il le veut bien. On a développé une belle relation. D'ailleurs, j'encourage les étudiantes et étudiants universitaires à s'impliquer comme tuteurs DAM. Pour un adolescent, la complicité peut être plus grande avec un jeune adulte qu'une personne plus âgée», conclut Benjamin Vézina Boily.
Mille mercis à Benjamin Vézina Boily pour son engagement à contrer le décrochage scolaire, à démontrer que les études universitaires sont accessibles, malgré les difficultés scolaires, et à prôner qu'il n'y a pas d'âge pour un retour aux études!
Pour en savoir plus sur l’organisme Le diplôme avant la médaille, visionnez la vidéo soulignant son 10e anniversaire, en 2022:
Témoignage
Environ 65% de nos tuteurs proviennent de l’Université Laval. C’est intéressant un petit écart d’âge entre le jeune et son tuteur. Ça peut aider l’élève à visualiser son parcours pour les années toutes proches à venir. Les jeunes tuteurs, comme Benjamin Vézina Boily, sont des modèles pour les adolescents.
Benjamin, en particulier, a réussi à établir une relation très positive avec le jeune qu’il aide. C’est important pour ce dernier d’avoir quelqu’un qui croit en lui comme ça. Ça lui permet de trouver une motivation pour persévérer à l’école.
Les tuteurs bénévoles sont très importants pour le fonctionnement de notre organisme. Ils sont des piliers pour l’engagement et la persévérance scolaires. D’ailleurs, depuis 2012, Benjamin et 939 autres tuteurs ont soutenu 2202 jeunes étudiants-athlètes. En tout, ce sont plus de 16 000 heures de tutorat qui ont été offertes. La générosité des tuteurs bénévoles est loin d’être vaine. Présentement, 97% des jeunes qui ont été soutenus par le programme DAM ont obtenu leur diplôme d’études secondaires ou sont en voie de l’obtenir.
Béatrice Turcotte Ouellet, fondatrice et directrice générale de l’organisme Le diplôme avant la médaille