
Depuis 1991, Martine Lapointe est une technicienne hautement appréciée des étudiants et des professeurs du Département des sciences du bois et de la forêt. Elle a d'ailleurs remporté en 2024 le prix Gaston-St-Jacques décerné par l'Association pour l'enseignement de la science et de la technologie au Québec, qui salue les réalisations professionnelles et les qualités humaines remarquables d'un technicien en travaux pratiques.
— Yan Doublet
Bien qu'elle ait croisé des milliers d'étudiants durant ses 33 ans de carrière à l'Université Laval, Martine Lapointe peut encore presque tous les reconnaître et les nommer. «Elle a une mémoire incroyable! Elle se souvient facilement des visages, des noms et de plein d'anecdotes sur les anciens étudiants», raconte le professeur Sylvain Jutras du Département des sciences du bois et de la forêt. Réciproquement, presque tous les ingénieurs forestiers de la province la connaissent. Il faut dire que Martine Lapointe n'est pas une technicienne ordinaire. Profondément engagée dans son milieu de travail, elle effectue ses tâches avec un dévouement exceptionnel, qui lui a d'ailleurs valu d'être nommée lauréate du prix Gaston-St-Jacques en 2024.
Si ses réalisations dans le cadre de son emploi soulèvent l'admiration, Martine Lapointe brille également par l'expertise en botanique qu'elle a développée parallèlement à son travail. Reconnue à l'échelle provinciale comme une spécialiste de l'identification des végétaux, elle a siégé au conseil d'administration de plusieurs associations telles FloraQuebeca et la Société québécoise de bryologie, en plus d'être l'auteure d'un livre de référence vendu à plus de 5000 copies, Plantes des milieux humides et de bord de mer du Québec et des Maritimes.
D'un herbier à l'autre...
Sa passion pour les végétaux débute vers l'âge de 13 ans. Ses parents l'avaient inscrite dans un camp d'été des Frères des écoles chrétiennes, à Lac-Beauport, où l'adolescente est initiée aux sciences naturelles. «J'ai tout de suite adoré ça! C'est à cette époque que j'ai commencé mon premier herbier», se souvient Martine Lapointe.
En 1982, elle s'inscrit en technique forestière au Cégep de Sainte-Foy, où l'un des travaux obligatoires est la création d'un herbier. «On nous demandait 25 spécimens d'arbres et 75 de plantes. J'en ai ramassé beaucoup, beaucoup plus!», révèle celle qui a continué de collectionner les végétaux. Au fil des ans, elle a ramassé entre 300 et 400 spécimens. «Ils s'empilaient dans des boîtes et ne servaient à personne. J'ai donc choisi de faire don de mon herbier à l'Université Laval», confie-t-elle.

Quelques pages de l'herbier que Martine Lapointe a donné à l'Université Laval.
— Herbier Louis-Marie
Après avoir été rigoureusement évalués, les échantillons de Martine Lapointe ont rejoint, en 2016, l'Herbier Louis-Marie, et ils sont maintenant numérisés et accessibles à tous.
Et d'un don à l'autre
En plus de ce geste philanthropique d'envergure, Martine Lapointe contribue depuis longtemps au Fonds d'investissement étudiant (FIE) de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique.
«Pendant une douzaine d'années, je me suis occupée du prêt de matériel dans mon département et j'ai constaté que plusieurs outils étaient désuets. J'ai donc décidé de soutenir le FIE, qui aide à l'achat d'équipement destiné aux étudiants», explique celle qui, pour l'ensemble de ses dons, a obtenu le titre de «gouverneure».

Martine Lapointe est gouverneure de l'Université Laval, notamment pour avoir fait don d'un herbier d'une valeur de quelques milliers de dollars.
— Yan Doublet
«L'Université m'a permis de déployer mes ailes»
Martine Lapointe est devenue, en 1991, la première femme technicienne du Département des sciences du bois et de la forêt. «La première femme professeure, Alison Munson, avait été engagée quelques mois auparavant. Nous étions encore des pionnières», se rappelle-t-elle.
Embauchée pour soutenir le professeur Miroslav Grandtner dans son projet de Dictionnaire mondial des arbres et dans ses cours pratiques, Martine Lapointe est appelée, dès l'année suivante, à participer à différents cours. Au cours de sa carrière, elle participera à plus de 35 cours, où elle s'occupe autant de logistique, de récolte de données que d'enseignement. Elle a, entre autres, géré la logistique d'un cours de foresterie internationale au Népal.
«Au début, je ne parlais pas beaucoup dans les cours, mais avec le temps, les professeurs se sont mis à me faire confiance pour transmettre des connaissances aux étudiants», raconte-t-elle.

Martine Lapointe est une référence en matière de cartographie numérique au Département des sciences du bois et de la forêt. «Les professeurs m’ont incitée à découvrir des domaines en émergence et à y développer une expertise», confie-t-elle en entrevue.
— Yan Doublet
Aux dires des professeurs qui l'ont côtoyée, Martine Lapointe se distingue par son ouverture à acquérir de nouvelles compétences, notamment technologiques. Elle est, par exemple, une référence en matière de cartographie numérique. «C'est vrai que la nouveauté me stimule. Les professeurs m'ont incitée à découvrir des domaines en émergence et à y développer une expertise. J'ai pu mettre à profit ma créativité et mon autonomie. Bref, l'Université Laval m'a permis de déployer mes ailes», témoigne-t-elle.
L'Université aura également été l'occasion pour la technicienne de s'impliquer dans la cause syndicale et la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie. «J'ai été membre du comité de perfectionnement du SEUL. C'était très motivant de favoriser la formation continue de mes confrères et consœurs», affirme la femme passionnée qui a elle-même toujours eu soif d'apprendre.
Une photographe devenue auteure
Outre son engagement dans des associations syndicale et de botanique, Martine Lapointe consacre aussi beaucoup de temps à un passe-temps qu'elle adore: la photographie. Au cours des années, elle a pris des milliers de clichés, dont plusieurs lors d'escapades en nature ici et à l'étranger. «Lorsque je voyage, je photographie les plantes et les arbres, puis je les identifie grâce à des applications. C'est une autre façon de collectionner les végétaux», indique celle dont les œuvres ont été publiées dans des revues, dont Nature sauvage, et primées dans des concours.

Une photographie signée Martine Lapointe, tirée de son portfolio en ligne (sur le site Zenfolio).
C'est de cette immense galerie de photos qu'est né son projet de livre sur les plantes des milieux humides. «Je faisais des activités d'interprétation avec des amateurs de botanique, et je me rendais compte de l'absence d'un ouvrage pour l'identification de ces plantes. Je disposais déjà des photos. Il ne me restait plus qu'à ajouter de courtes descriptions», déclare-t-elle.
Malgré le syndrome de l'imposteur qui l'a hantée au début, Martine Lapointe est considérée comme une référence au Québec. La preuve, c'est que le nanoprogramme sur la caractérisation des milieux humides, auquel elle est étroitement associée, affiche souvent complet. «Et c'est notamment en raison de la renommée de naturaliste de Martine! Les participants lui demandent de dédicacer leur exemplaire de son livre», révèle Sylvain Jutras.
Une autre preuve, c'est qu'en plus d'avoir collaboré à l'ouvrage À la découverte des mousses et autres bryophytes, Martine Lapointe offre depuis deux ans, à titre de consultante, des formations sur l'identification des arbres et des plantes à l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. «C'est un contrat qui me plaît beaucoup. Et il me permet de retrouver mes anciens étudiants!», s'exclame avec joie la technicienne experte, qui a toujours su établir de riches et belles relations avec la communauté étudiante.
Mille mercis, Madame Lapointe, pour votre travail auprès des étudiants et des professeurs de foresterie, pour votre engagement philanthropique et syndical et pour vos contributions aux connaissances en botanique.
Pour admirer le portfolio de Martine Lapointe
Témoignage
J’ai d’abord côtoyé Martine en tant qu’étudiant. Mon premier cours avec elle portait sur la cartographie numérique, qui était à ses balbutiements en 1997. Tous les étudiants du programme ont reçu ses conseils judicieux en cartographie, mais aussi en informatique, en inventaire forestier, en identification de plantes, en écologie et dans plusieurs autres domaines. Toujours disponible, elle se révélait souvent d’une aide plus précieuse que certains professeurs dans les tâches techniques.
Depuis 2010, année de mon embauche comme professeur, j’ai la chance de voir le rôle de Martine sous une autre perspective. Toujours dynamique et efficace, j’ai pu bénéficier de son aide précieuse dans un projet de recherche que j’ai lancé en début de carrière.
Parallèlement à son emploi, Martine a développé une expertise en botanique qui rejaillit sur la Faculté. Sa réputation est telle que, récemment, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs a octroyé à notre faculté un contrat avec l’exigence explicite que la tâche soit effectuée par Martine. Ce contrat visait à réviser le statut hydrique des 4216 plantes vasculaires du Québec. D’une importance capitale pour la gestion des projets d’autorisation environnementale au Québec, cette tâche colossale a été menée de main de maître par Martine, puis validée par une dizaine de spécialistes. Rares sont les personnes qui peuvent accomplir de telles tâches avec autant de brio!
Sylvain Jutras, professeur au Département des sciences du bois et de la forêt