Depuis qu'elle est toute petite, Alicia Guay rêve d'être médecin. Après avoir étudié avec acharnement, elle a été admise en médecine dès la fin du cégep dans le contingent des candidats des Premières Nations et des Inuit. Bien consciente que ses origines autochtones ont joué un rôle dans son admission au programme, elle s'est donné pour mission de faire honneur à toutes les communautés autochtones et d'œuvrer à améliorer la santé et le bien-être des membres des Premiers Peuples.
Native de Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean, Alicia Guay a grandi à des centaines de kilomètres de sa communauté, Kitigan Zibi, en Outaouais. Sa mère d'origine anishnabe a gardé relativement peu de contacts avec la communauté. «J'ai toujours su que j'étais membre des Premières Nations et j'avais un grand respect pour mes racines. Nous participions parfois à des pow-wow à Mashteuiatsh, mais ma connaissance de la culture autochtone allait bien peu au-delà. C'est vraiment en entrant à l'université avec le contingent autochtone que j'ai ressenti le besoin de mériter ce privilège en reconnectant avec mes racines», raconte la jeune étudiante. Un défi qu'elle a plutôt bien relevé!
S'engager pour découvrir son identité
En quête de son identité, Alicia Guay souhaite collecter des informations sur sa communauté et les autres Premières Nations du Québec. Elle choisit donc de s'engager dans des projets et des comités du campus en lien avec les Premiers Peuples. Ça a été une révélation!
«En découvrant cette partie de moi, j'ai tellement grandi. Mon passage à l'Université Laval ne m'aura pas apporté que des connaissances et des compétences théoriques et pratiques pour devenir médecin, il m'aura aussi révélé qui je suis et qui je veux être. Ça aussi, ça fera de moi une meilleure médecin. La découverte de ma culture a vraiment enrichi mon parcours universitaire», confie-t-elle.
La jeune femme s'est, entre autres, impliquée dans le comité organisateur des Mini-écoles des sciences de la santé. Ce projet permet à des étudiants de différents programmes de se rendre dans une communauté autochtone pour promouvoir l'adoption de saines habitudes de vie chez les élèves de niveau primaire et secondaire, ainsi que pour inviter la jeunesse autochtone à envisager des carrières dans le monde de la santé. De leur côté, les étudiants bénévoles s'imprègnent des réalités autochtones et reçoivent une formation unique en matière de compétence culturelle et de responsabilité sociale. «Le but, dit-elle, c'est de créer un véritable échange entre la communauté et les étudiants. On souhaite que les uns s'ouvrent aux réalités des autres et que tous y gagnent quelque chose.» Pour sa part, Alicia Guay a pu participer à des mini-écoles sur la Côte-Nord, de Pakuashipi à Unamen Shipu.
L'étudiante a aussi été membre du Groupe d'intérêt en santé autochtone (GISA), dont la mission est de sensibiliser les étudiants en sciences de la santé aux enjeux de santé autochtone. «On voit un peu de santé autochtone dans nos cours en médecine mais, selon moi, pas encore suffisamment. Ce n'est donc pas si simple de savoir comment pratiquer en communauté. De plus, toutes les communautés autochtones sont différentes. Chacune a ses difficultés et ses enjeux et l'accès aux soins peut être très différent d'un endroit à l'autre. Le GISA propose donc aux étudiants de se familiariser avec certaines réalités des Premiers Peuples. Nous organisons des conférences ou créons des infographies pour mieux faire connaître leur culture. Il y a deux ans, nous avons fait un lexique sur l'inuktitut. Présentement, nous en préparons un sur l'atikamekw», révèle Alicia Guay.
Dynamiser la culture autochtone sur le campus
De fil en aiguille, Alicia Guay a rencontré beaucoup d'étudiants autochtones sur le campus – dont certains de sa communauté – qui ont pu lui faire découvrir des aspects méconnus de leurs traditions. Pour favoriser les rapprochements entre eux et aider à l'intégration des nouveaux étudiants autochtones, elle a décidé, avec huit collègues, de redonner de la vitalité à l'Association étudiante autochtone de l'Université Laval (AEA), tombée en dormance avec la pandémie. Elle a été élue présidente de ce regroupement en 2023.
«L'Association se veut un groupe très ouvert et inclusif. Tous les étudiants autochtones, qu'ils s'auto-identifient comme tels ou non, sont les bienvenus. Elle n'est pas non plus restreinte aux membres des Premières Nations et Inuit. Les Autochtones d'Amérique centrale ou d'Amérique du Sud par exemple sont, eux aussi, les bienvenus. Nous voulons rassembler toutes les diversités autochtones», déclare Alicia Guay.
Le regroupement se donne aussi pour mission de valoriser et faire connaître aux étudiants allochtones ces riches diversités culturelles. «Nous organisons sur le campus des activités culturelles ouvertes à tous. Par exemple, nous projetons des films ou tenons des ateliers d'initiation à l'artisanat autochtone. Pour ma part, j'aime beaucoup le perlage et la confection de capteurs de rêves. J'organise donc ces ateliers-là», indique l'étudiante autochtone, qui caresse également l'idée d'organiser un grand rassemblement entre les associations autochtones universitaires du Québec. «Ce serait bien de tous se parler et de voir, ensemble, comment améliorer notre visibilité sur les campus», soutient-elle.
Toujours enthousiaste à participer à de nouvelles expériences pour mettre en valeur la richesse culturelle des Premiers Peuples, Alicia Guay a, en outre, récemment coanimé une soirée culturelle autochtone, un événement artistique multidisciplinaire organisé par le Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones (CIERA) et l'AEA au Musée de la civilisation.
Soutenir l'inclusion, la diversité et la philanthropie
L'engagement d'Alicia Guay à l'Université Laval va aussi au-delà des enjeux autochtones. Pour elle, l'inclusion de toutes les minorités et la promotion de la diversité sont primordiales. Elle a donc contribué aux travaux du Comité d'appui à la diversité et lutte contre la discrimination et le racisme de la Faculté de médecine, qui visaient l'adoption d'un vocabulaire commun afin de promouvoir le respect des différences. La Terminologie en appui à l'équité, la diversité et l'inclusion a été publiée à l'été 2022. Forte de cette première expérience, l'étudiante siège actuellement à un autre comité voué à lutter contre le racisme à l'échelle de l'Université Laval.
Au printemps, la future médecin a également plongé dans le milieu philanthropique en devenant l'une des têtes d'affiche de la Campagne Communauté ULaval (CCU). Seule étudiante parmi les trois ambassadeurs 2024 de la CCU, elle tenait à s'impliquer pour tous les bienfaits que les dons peuvent apporter aux Premiers Peuples. «Pour sa création, dit-elle, le Cercle des Premiers Peuples, qui est un lieu de rencontre et de soutien extraordinaire pour les étudiants autochtones, a bénéficié de dons. Je trouvais donc tout naturel d'exprimer ma gratitude en acceptant d'être ambassadrice.»
Un grand intérêt pour la santé autochtone
Alicia Guay se prépare actuellement à l'externat. Son stage en médecine familiale se fera à Chibougamau, ce qu'elle envisage avec joie. «J'aurai probablement la chance d'y développer mes compétences en santé autochtone, que j'ai notamment acquises lors de stages à Opitciwan et à Obedjiwan», souligne-t-elle. Ses compétences en santé autochtone dépendent aussi, d'une manière plus large, d'un stage d'observation à la 16e session du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, réalisé à Genève à l'été 2023, grâce à une bourse du CIERA. «J'ai beaucoup aimé m'initier au droit autochtone. Je pense peut-être l'inclure dans ma pratique future. Le respect des droits des Autochtones est intimement lié à leur santé et à leur bien-être», affirme-t-elle.
Bien qu'elle reste ouverte à toutes les possibilités de spécialisation en médecine, la jeune femme avoue être très intéressée par la pratique en milieu autochtone. «J'ai eu la chance de côtoyer quelqu'un qui pratiquait la médecine traditionnelle, avec les plantes médicinales et les tentes de sudation. J'ai trouvé très stimulant de voir comment ces savoirs étaient transmis de génération en génération. Il est important de respecter ces savoirs ancestraux et surtout la détermination des gens qui se soumettent à ces traitements. Le processus complet des tentes de sudation est très long et lourd. Ça prend du courage pour chercher la guérison dans ce processus, qui en est également un de purification et de ressourcement. Dans le futur, j'ai envie d'accompagner les membres des Premiers Peuples à trouver le juste milieu entre rituel et médecine moderne», conclut celle qui, toujours reconnaissante d'avoir réalisé son rêve d'étudier en médecine, a l'intention de continuer à redonner longtemps aux Autochtones.
Mille mercis à Alicia Guay qui a rendu le campus plus respectueux et inclusif, qui a fait rayonner la culture des Premiers Peuples et qui a contribué à enrichir la formation des étudiants en sciences de la santé!
Témoignage
«Je suis contente de témoigner pour Alicia, car c’est une étudiante qui a travaillé fort et qui a démontré beaucoup de persévérance, surtout au début de ses études en médecine. Je trouve qu’elle est un beau modèle pour tous les étudiants.
Elle fait aussi preuve de beaucoup d’initiative et elle est très impliquée dans l’Association autochtone de l’Université Laval. C’est une vraie perle, cette petite perleuse! Perleuse, car elle adore le perlage!
Elle a, en effet, un sens artistique très développé. Elle fait beaucoup d’artisanat et a gagné le concours artistique organisé par le CIERA et la Bibliothèque. On pourra voir son œuvre à la Bibliothèque dans une exposition à venir mettant en valeur les Premiers Peuples. Elle fait aussi de la danse et du sport. En fait, c’est une personne accomplie dans tous les domaines.
Toutefois, ce qui la distingue vraiment, c’est sa continuelle bonne humeur, sa générosité et son engagement sans faille dans les causes qu’elle soutient. C’est une personne très humaine, toujours à l’écoute des autres, toujours à vouloir aider son prochain. Elle a choisi une carrière qui lui convient bien: prendre soin des gens. Elle a le cœur sur la main et fera une médecin extraordinaire.»
Suzie Perron, conseillère aux étudiants au Vice-rectorat aux études et aux affaires étudiantes