«Pertinence»! C'est le mot qu'a employé Nancy Gélinas, doyenne de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, pour qualifier la création de la Chaire de recherche en partenariat en études indopacifiques, annoncée le 5 octobre au pavillon La Laurentienne. «Les défis géopolitiques et géoéconomiques sont plus importants que jamais, en témoigne l'actualité. Comme société nous devons trouver une façon intéressante de s'y intéresser, comme institution d'enseignement et de recherche, nous devons trouver des voies de passage vers une paix sociale et économique pour le plus grand bénéfice de la population», a-t-elle dit.
Frédéric Lasserre, titulaire de la Chaire, professeur au Département de géographie et directeur du Conseil québécois d'études géopolitiques, s'y emploie activement. À travers ce «foyer de réflexion», il souhaite renforcer les réseaux de chercheurs sur le sujet, diffuser les connaissances et former les étudiants aux réalités de cette région en mutation.
Si l'on parle beaucoup de la dégradation des relations entre le Canada et l'Inde, depuis qu'Ottawa a allégué que le gouvernement indien était lié au meurtre d'un leader sikh en Colombie-Britannique, l'intérêt pour la zone indopacifique est beaucoup plus large, décrit-il en marge de l'annonce. Il évoque la montée en puissance de la Chine et de l'Inde, la réorientation du Japon, le repositionnement de l'Asie du Sud-Est.
«C'est important de comprendre les impacts de ce qui se passe dans cette région qui semble très, très loin, mais qui a de plus en plus de conséquences sur nos vies. Parce que c'est un acteur économique de premier plan, parce qu'il y a de plus en plus d'exportation de nos produits qui se fait là-bas, parce qu'il y a des investissements de compagnies asiatiques qui se font en Amérique du Nord et en Europe, parce que les relations politiques orientent aussi les décisions politiques des gouvernements au provincial ou au fédéral.»
Le professeur Lasserre, qui a déjà vécu au Japon, ajoute les préoccupations environnementales, à l'heure des changements climatiques. «C'est un phénomène global dans lequel les acteurs asiatiques ont un rôle majeur, à la fois parce qu'ils émettent de plus en plus de gaz à effet de serre et à la fois parce qu'eux aussi poussent pour qu'on trouve des solutions, qui ne sont pas les mêmes mises de l'avant par les Occidentaux. Il y a tout un dialogue qui essaie de se mettre en place.»
Des nouvelles routes de la soie à la gouvernance de l'eau
La Chaire planche déjà sur plusieurs projets de recherche. Son titulaire nomme l'étude des nouvelles routes de la soie, soit les routes de la soie continentales entre la Chine et l'Europe à travers l'ensemble de l'Asie, et les routes de la soie maritime. «C'est un gros projet chinois dont on parle depuis plusieurs années. Ce qu'on observe, c'est que la Chine essaie de développer les échanges commerciaux maritimes et de développer plusieurs ports en Asie, en Amérique latine, en Afrique. Elle essaie de se positionner comme un acteur majeur dans la dynamique économique et commerciale mondiale.»
Le professeur Lasserre et son équipe se pencheront aussi sur le soft power, c'est-à-dire «tous les outils d'influence qu'essaient de déployer les différents pays asiatiques», sur la façon dont ils se déclinent et diffèrent de ceux des Occidentaux. Les chercheurs ont également dans la mire les différends frontaliers et territoriaux en Asie – notamment en mer de Chine du Sud, avec toute la question de l'appartenance de centaines d'îlots, atolls et récifs qui fait régulièrement les manchettes. «La gouvernance de l'eau fait aussi partie des sujets qui nous intéressent. Il y a beaucoup de problématiques: assurer la sécurité de l'approvisionnement en eau pour l'agriculture, les industries, les villes, en Asie.»
Internationale et pluridisciplinaire
Ce champ de recherche touche une multitude de disciplines. Frédéric Picard, vice-recteur adjoint aux services à la recherche, à la création et à l'innovation par intérim, a souligné que la nouvelle chaire s'inscrit dans le projet de Carrefour international Brian-Mulroney, «pôle d'excellence en recherche et en enseignement pluridisciplinaire sur les enjeux internationaux», qui permettra de «cristalliser le caractère international» de l'Université. Il a ajouté que le professeur Lasserre est membre de l'École supérieure d'études internationale qui sera hébergée par le Carrefour et l'un des 70 professeurs de 6 facultés qui la composent.
Gabriel Chartier, directeur Indo-Pacifique du ministère des Relations internationales et de la Francophonie au ministère des Relations internationales et de la Francophonie, a quant à lui confirmé un engagement de 1M$ pour les cinq ans d'activité prévus de la Chaire, disant souhaiter que ces actions «permettent de renforcer la compréhension des Québécois à l'endroit de cette région».
Le nouveau Consul du Japon à Montréal, Akihiko Uchikawa, était aussi de passage sur le campus, où se déroule le colloque Réalités plurielles de l'indopacifique jusqu'au 6 octobre. Il a salué le moment très à propos pour annoncer la nouvelle chaire de recherche, alors que cette année, «la délégation générale du Québec installée à Tokyo célèbre son 50e anniversaire». Il a aussi souligné l'habituelle coopération de son consulat avec l'Université Laval dans le cadre de séminaires.
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