
Pourquoi la Grande-Bretagne ne s'entend-elle toujours pas avec l'Union européenne à un mois de la date butoir pour appliquer le Brexit?
Pour bien comprendre, il faut revenir un peu en arrière. Déjà, durant les négociations, plusieurs dossiers ont posé problème. Tomber d'accord sur les sommes que doit payer le Royaume-Uni pour se retirer des programmes européens dans lequel ce pays est engagé depuis longtemps n'a rien de simple. Ensuite, l'enjeu des ressortissants européens installés au Royaume-Uni et celui des Britanniques habitant en Europe demeurent très importants. Et enfin, la question de l'avenir de l'Irlande du Nord dans un Royaume-Uni hors Union européenne suscite beaucoup de questions. Je vous rappelle que cette province britannique a vécu un conflit armé et de nombreux actes terroristes durant de longues années. L'accord du Vendredi, Saint de 1998, facilité par l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, a considérablement apaisé le climat et ramené la paix. La frontière avec la République d'Irlande s'est beaucoup fluidifiée. Actuellement, 30 000 travailleurs transfrontaliers circulent le long de cet axe de 500 kilomètres, percé de 400 passages routiers. Or, si le Royaume-Uni sort de l'Accord de libre-échange de l'Union européenne sans aménagements particuliers, cela rétablit une barrière matérielle avec des contrôles entre les deux pays. Cela inquiète à la fois les Européens et les Britanniques, qui craignent une résurgence du conflit.
Quelle solution l'Union européenne a-t-elle proposé pour sortir de l'impasse?
Les Européens ont suggéré de mettre en place le backstop ou «filet de sécurité». Les textes prévoient la mise en place d'une union douanière entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, et ainsi notamment entre l'Irlande du Nord et l'Irlande. Il s'agit d'une période transitoire jusqu'en 2020 ou même plus. Le but est d'assurer un accès au marché unique, notamment aux biens, en donnant un statut particulier à l'Irlande du Nord, qui serait du coup plus proche de l'Union européenne. On s'assure ainsi de protéger la fluidité de la frontière avec l'Irlande du Sud. Or, les députés britanniques, tant pro qu'anti-Brexit, ont rejeté cette solution. Plusieurs refusent d'avoir à respecter des règles communes avec l'Europe pour leur commerce extérieur, tandis que d'autres s'inquiétaient de la possibilité de l'instauration d'une zone de contrôle entre le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord. Ils font aussi remarquer que cette solution transitoire n'a pas d'échéance. Si les négociations traînent, le pays risque de rester longtemps dans cette union douanière. Une union douanière qui empêche d'ailleurs le Royaume-Uni de négocier ses propres tarifs douaniers avec des pays tiers, comme les États-Unis. Voilà donc pourquoi la première ministre britannique investit autant d'efforts actuellement pour continuer les négociations avec les instances européennes.
Les représentants de l'Union européenne ont pourtant répété à plusieurs reprises que les discussions étaient terminées…
C'est vrai. Cependant, Theresa May a été déjà été reçue en fin de semaine dernière tant par Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, que par Donald Tusk, président du Conseil européen. Ce lundi, elle rencontrait Michel Barnier, responsable des négociations avec l'Union européenne. Tout cela illustre que des discussions existent, ce qui est bon signe. Il faut comprendre que si le Brexit entre en vigueur sans un accord préalable, donc sans le backstop, les règles de l'Organisation mondiale du commerce s'appliquent. Cela provoquerait d'énormes problèmes pour l'Union européenne, mais surtout pour le Royaume-Uni. L'économie britannique pourrait subir des pénuries de certains biens. Sans parler du rétablissement d'une frontière avec la République d'Irlande, des annulations d'investissements financiers et de la délicate question des citoyens européens en Grande-Bretagne et des Britanniques en Europe. Personne n'a intérêt à arriver au 29 mars, date d'entrée en vigueur du Brexit, sans un accord transitoire. Le coût serait trop énorme.
