La série Échantillons de la recherche raconte l'expérience de membres de la communauté étudiante en recherche. Ils partagent un aperçu de leur projet aux cycles supérieurs.
C'est alors qu'elle était travailleuse sociale que Sophie Parent a commencé à s'interroger sur les différents arrangements familiaux. Cette curiosité l'a poussée à retourner aux études, d'abord pour une maîtrise à l'Université de Sherbrooke, puis pour un doctorat à l'Université Laval.
«Je suis tombée en amour avec la recherche et avec l'enseignement. Ma “petite maîtrise” s'est rapidement transformée en “gros doctorat”», raconte celle qui veut d'ailleurs poursuivre une carrière universitaire après ses études.
Pour son projet de recherche, sous la direction du professeur Kévin Lavoie, elle s'intéresse aux familles polyparentales, c'est-à-dire les familles formées de plus de deux parents et dans lesquelles les parents sont en relation polyamoureuse.
«Il y a des relations amoureuses qui lient tous ces adultes supplémentaires. Et quand on sort de la norme du couple, il y a des enjeux au niveau du rapport aux institutions», soutient Sophie. Elle ajoute que ces réalités sont déjà très stigmatisées socialement, mais quand il y a un enfant en plus, les jugements sont aggravés. «Juste d'avoir à expliquer cette réalité familiale à des milieux comme l'école, la garderie, ça devient vite complexe», précise la doctorante, aussi membre du Centre de recherche Jeunes, familles et réponses sociales (JEFAR).
Un enjeu qui revient souvent auprès de ces familles est le manque de reconnaissance légale des parents et les répercussions que cela peut avoir. «L'intérêt de l'enfant est un élément central dans les batailles juridiques, mais c'est un concept très flou avec plusieurs subtilités qui laissent place à l'interprétation.»
Sophie donne l'exemple d'un cas de décès ou de séparation. «Les parents qui ne sont pas légalement reconnus peuvent être éjectés de la vie de l'enfant. Mais cet enfant a créé des liens d'attachement. Ça peut être traumatique de perdre un adulte dans sa vie», souligne-t-elle.
Un sujet à explorer
Actuellement à sa deuxième année au doctorat, elle a posé les assises théoriques de son projet et a pu constater l'état de la recherche. «C'est un sujet très marginal et il existe peu d'études là-dessus.» Étant elle-même une personne polyamoureuse, elle ne se sentait pas vraiment représentée dans la recherche.
Elle entamera sous peu son travail de terrain, qui se déroulera en deux temps. Pour son premier volet, elle souhaite rencontrer des parents de familles polyparentales. «Je veux voir comment se passe la gestion au quotidien, s'il y a des parents principaux et secondaires, quels sont les enjeux et les défis auprès des différentes institutions? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré, notamment pour la reconnaissance de cette dynamique familiale?»
La doctorante précise que les familles polyparentales ne sont pas nécessairement visibles, «Elles ne choisissent pas toutes d'habiter sous le même toit. Ça peut davantage ressembler à une dynamique de famille recomposée.»
Pour recruter les familles, Sophie Parent prévoit utiliser les réseaux sociaux, puisqu'il existe plusieurs groupes Facebook liés à cette réalité. Elle va également solliciter différents organismes et regroupements comme la Coalition des familles LGBT+ et le Regroupement des personnes polyamoureuses du Québec pour diffuser son appel de participation. «Je sens qu'il y a un besoin pour ces parents polyamoureux d'être entendus.»
Dans son second volet, elle veut sonder des professionnels qui sont intervenus auprès de ces familles polyparentales pour comprendre leurs pratiques, leurs défis, leurs besoins de formation. «C'est là que mes racines en travail social jouent un rôle, pour déterminer quelles seraient les pratiques d'intervention inclusives qui permettraient à ces familles d'exister sans avoir à se cacher.»