Le gouvernement a donné peu de détails sur la mission au Mali, hormis le déploiement d'hélicoptères. Qu'en pensez-vous?
L'envoi de cette force opérationnelle aérienne, composée de quatre hélicoptères d'escorte Griffon et de deux hélicoptères Chinook pour le transport de troupes, est très important. Le Mali est un très grand pays. Le Nord, où se trouvent une grande partie des 14 000 soldats et policiers de la mission de maintien de la paix de l'ONU, constitue une zone désertique ou semi-désertique. En ayant accès aux hélicoptères canadiens, la MINUSMA va accroître sa mobilité sur le théâtre des opérations. Il s'agit d'une contribution majeure, car peu de pays membres de cette mission disposent d'appuis technologiques spécialisés comme le Canada. Les Chinook permettront le transport de personnel et d'équipements. Ils pourront aussi effectuer des évacuations médicales dans une zone où circuler sur les routes peut s'avérer très dangereux. Depuis le début de la mission, en 2013, 162 soldats sont morts. Cela fait de la MINUSMA la mission actuelle des Nations unies la plus dangereuse. Lorsque les soldats risquent d'être attaqués ou de sauter sur une mine en se déplaçant par voie terrestre, mieux vaut pouvoir utiliser un hélicoptère.
En plus des forces de la MINUSMA, 4 000 soldats français sont déjà au Mali et d'autres troupes du groupe G5 Sahel vont bientôt arriver. Faut-il craindre une certaine confusion sur le terrain?
Il va falloir s'appuyer sur une solide coordination pour éviter ce qu'on appelle dans le jargon militaire du «blue on blue», autrement dit des tirs provenant de troupes amies. Ceci dit, même si les missions diffèrent, l'objectif reste le même: stabiliser la situation au Mali et dans la région. On devra aussi former les forces militaires du pays, comme le Canada l'a fait en Afghanistan dans les années 2000. Il faut qu'elles atteignent les standards de la communauté internationale. C'est un travail de longue haleine qui requiert beaucoup de ressources. Pour l'instant, on ignore combien de soldats le Canada va déployer sous l'égide des Nations unies, mais il pourrait s'agir de 200 à 250 personnes. Ce premier engagement significatif avec les Nations unies depuis plusieurs années faisait partie des promesses électorales du Parti libéral. En 2015, les Libéraux promettaient un retour du Canada sur la scène internationale. L'année suivante, le gouvernement annonçait un programme pour la stabilité et les opérations de paix. Il laissait entendre que 600 soldats et 150 policiers seraient mis à la disposition des Nations unies. Il dévoilait aussi un budget de 450 M$, répartis sur 3 ans. J'ai l'impression que l'on assiste actuellement à la phase 1 de l'engagement du Canada envers les Nations unies.
Plusieurs analystes jugent que la sécurité intérieure se dégrade au Mali depuis que l'État y est moins présent….
Je vous rappelle qu'en 2012, l'armée malienne s'est rebellée contre le gouvernement en place, avant de finalement retrouver sa place au sein de l'État. Cependant, les insurgés et les terroristes ont profité de cette période pour augmenter leurs actions, surtout dans le Nord du pays. Les tensions sont ressenties aussi dans la capitale, Bamako, où j'ai séjourné en juillet. Les hauts militaires maliens, que j'ai pu rencontrer à cette occasion, ont cependant vraiment à cœur la reconstruction de l'État. Le conflit auquel fait face le Mali n'a rien de simple, car il implique des organisations terroristes et des insurgés locaux. De plus, les problèmes ne se limitent pas aux frontières territoriales. Une grande partie des troupes liées à la MINUSMA viennent de pays africains. L'État voisin, le Burkina Faso, a envoyé près de 1 700 soldats au Mali. Le contingent canadien semble plus modeste, mais il ne faut pas oublier l'excellence de la formation de nos militaires. Il se peut très bien que les Canadiens se retrouvent dans la chaîne de commandement, comme officiers au quartier général pour appuyer la mission de l'ONU.