Considérant l'effritement constant des revenus publicitaires, quel est l'avenir des chaînes généralistes francophones et des multiples canaux spécialisés?
C'est difficile à dire, car cet avenir dépend largement du comportement du public et de sa consommation télévisuelle. Les jeunes, par exemple, ont tendance à ne pas s'abonner au câble. Souvent, ils n'ont même pas de téléviseur. Pour leur part, les consommateurs plus âgés consacrent davantage de temps aux nouvelles plateformes, comme la tablette ou l'ordinateur. Ils délaissent de plus en plus la télévision. Touchés par cette perte d'audience, les grands réseaux demandent au CRTC un allègement des exigences en matière de production locale et de contenu indépendant. Ils essaient de réduire leurs dépenses, au risque de diminuer la spécificité de la télévision québécoise. De son côté, le gouvernement fédéral semble réinvestir dans la radio et la télévision publiques après 35 ans de déréglementation. Plus exactement, il a annulé les compressions des dernières années. Ça ne suffira peut-être pas. Il faudrait que les pouvoirs publics adoptent un rôle beaucoup plus directif afin de promouvoir et de protéger les productions nationales. Reste à savoir si les auditeurs choisiront ce contenu, même s'il est de qualité.
Quelle place devrait occuper la diffusion numérique pour s'adapter au nouveau paysage télévisuel?
Actuellement, les acteurs du milieu télévisuel cherchent les modèles d'avenir. Ils tâtonnent. Au Québec, Tou.tv fonctionne très bien et il fait concurrence au Club Illico de Vidéotron. À cette offre, s'ajoute aussi Netflix. Dans ce contexte, certains se demandent même s'il ne serait pas préférable de regrouper les contenus sur une seule plateforme québécoise de diffusion. En même temps, Rogers vient de fermer Shomi, qui permettait d'avoir accès à des émissions télévisées et à des films. C'est assez préoccupant. De leur côté, certains diffuseurs utilisent les médias sociaux, comme Facebook, comme des plateformes de promotion. Ils y mettent, par exemple, des capsules d'émission afin d'attirer les auditeurs vers les réseaux numériques ou les chaînes elles-mêmes. On peut s'interroger sur l'efficacité de cette stratégie dans un monde extrêmement concurrentiel, où chacun fait la promotion de ses contenus. Il faut aussi être conscient que généralement les gens préfèrent continuer d'utiliser leur téléphone, leur ordinateur ou leur tablette. Pour ma part, je pense qu'on doit accompagner la transition vers le numérique, tout en conservant aussi une diffusion télévisuelle.
Faut-il miser sur l'exportation des productions québécoises pour favoriser le financement d'émissions et de séries de qualité?
La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, encourage beaucoup les producteurs à regarder vers l'étranger. Par exemple, TFO, la chaîne éducative ontarienne, fournit aux filiales de PBS (NDLR: le réseau américain de télévision publique) des émissions qui facilitent la francisation. Dans l'avenir, je crois qu'on a tout intérêt à miser sur des productions originales et de qualité. De plus, les productions devraient être tournées en région et non plus seulement à Montréal, où se concentrent la plupart des artisans du milieu. Les réalités régionales peuvent toucher le public à l'étranger, car tout le monde ne vit pas dans une grande ville. Cela distinguerait les productions québécoises puisque les grands espaces et la réalité des Premières Nations intéressent beaucoup les spectateurs de l'étranger. Malheureusement, les producteurs d'ici délaissent ce créneau. Le gouvernement souhaite justement encourager l'audace, la prise de risque dans des productions de très grande qualité. Les produits culturels de qualité ont en effet une durée de vie beaucoup plus longue que les autres.