En juin 2014, le nouveau gouvernement a ajouté, dans le cas de l'Université Laval, un autre manque à gagner récurrent de 42M$ pour l'année 2014-2015. Il s'agit là de la plus importante compression budgétaire gouvernementale de l'histoire de l'Université Laval. C'est un désengagement gouvernemental dans l'enseignement supérieur équivalant, en moyenne, à 1200$ de moins par étudiant à temps plein par année, ce qui représente environ 42% des revenus provenant des droits de scolarité.
Compte tenu de l'objectif d'assainissement des finances publiques, l'Université Laval a proposé au cours des derniers mois une série d'approches contribuant à l'atteinte des cibles budgétaires. Dans ce contexte, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science a fait preuve d'ouverture et de souplesse quant à certaines solutions proposées, ce qui a permis à l'Université de faire des choix budgétaires en lien avec les attentes gouvernementales de transfert du déficit de l'État dans les comptes des universités.
Toutefois, le Conseil du trésor est venu anéantir tous les efforts consentis pour contribuer à l'équilibre budgétaire. Ainsi, contre toute attente, le Conseil du trésor a refusé un élément clé du plan de l'Université. L'Université Laval proposait, à coût nul pour l'État, de reporter certains investissements immobiliers (rénovation de parements extérieurs de certains pavillons, travaux de climatisation, signalisation, etc.), de façon à dégager 10M$ par année pour, entre autres, couvrir des dépenses en infrastructures technologiques et en achats de volumes de la Bibliothèque. Ce faisant, cette solution corrigeait une décision du Conseil du trésor très discutable prise dans les années 2000 et qui force les universités à payer certaines dépenses d'investissement (infrastructures technologiques, volumes de la Bibliothèque, mobilier et équipement, etc.) à même leur budget de fonctionnement. Pour les autorités de l'Université, il semblait pourtant logique d'équilibrer les coupures gouvernementales demandées entre les sommes d'argent disponibles pour le fonctionnement de l'institution et celles associées aux infrastructures de façon à privilégier la mission universitaire plutôt que des investissements moins prioritaires dans le béton.
Au-delà du fait que le refus de la solution proposée par l'Université Laval soit étonnant, car elle ne coûtait rien à l'État et respectait les règles comptables, la raison invoquée pour justifier la non-acceptation de cette solution «gagnant-gagnant» est difficile à comprendre. En effet, pour le Conseil du trésor, les temps ne sont pas à la flexibilité et le fait de permettre à une université de réduire et de moduler, dans le temps, ses investissements en infrastructures – pour préserver sa mission – a été considéré comme une façon d'éviter les coupures gouvernementales. Pourtant, au contraire, l'Université Laval travaillait à planifier des coupures de l'ordre de 42M$ dont 32M$ dans son budget de fonctionnement.
En plus de fixer des cibles budgétaires qui accélèrent le dé-financement chronique des universités et fragilisent la réalisation de leur mission, le Conseil du trésor fixe des règles spécifiques aux universités qui nuisent à l'atteinte de l'équilibre budgétaire. L'Université Laval comprend mal pourquoi la solution qu'elle propose, laquelle ne demande aucune somme additionnelle gouvernementale, est rejetée. Le manque de flexibilité du Conseil du trésor, l'inefficacité du mode de financement des universités et les innombrables règles administratives imposées au fil des années mettent à risque non seulement la qualité de la formation universitaire, mais aussi l'accessibilité aux études supérieures de même que la capacité d'innovation du Québec, si essentielle à la santé de son économie et de son développement.
Éric Bauce
Vice-recteur exécutif et au développement
Université Laval