D’abord, le bronze, ensuite l’argent et, enfin, l’or. Aux Jeux paralympiques de Paris, il y a quelques semaines, la nageuse québécoise Aurélie Rivard a fait écarquiller bien des yeux, l’étudiante en droit de l’Université Laval récoltant pas moins de trois médailles en finale du 50 mètres style libre, du 200 mètres style libre et du 400 mètres style libre.
«Ma médaille la plus satisfaisante a été l’or au 400 mètres, explique-t-elle dans une entrevue bilan à ULaval nouvelles. Pas parce que c’était l’or, mais surtout à cause de la façon dont je m’étais préparée et dont j’ai fait ma course.»
Il faut rappeler que, dans cette discipline, l’étudiante-athlète avait remporté l’or en 2016 aux Jeux de Rio et l’or en 2020 aux Jeux de Tokyo. Mais en 2022, une crise de panique en pleine course de la finale du 400 mètres aux Championnats du monde de paranatation a tout remis en question.
Cette réaction violente, elle ne l’a pas vue venir du tout. «C’est la première fois que ça m’arrivait, raconte-t-elle, et je pensais que je faisais une crise cardiaque. Ce que j’ai réalisé par la suite est que ce n’est pas rare du tout. Le problème est que personne n’en parle. Au début, j’étais extrêmement gênée de ça. Je pensais que j’étais la seule au monde à en souffrir. Mais beaucoup d’athlètes m’ont écrit après pour me dire qu’ils avaient vécu la même chose. Par exemple, à Tokyo, la gymnaste Simone Biles s’était retirée des Jeux pour des raisons de santé mentale.»
Ces deux dernières années, l’étudiante-athlète les a passées à se reconstruire. «J’ai dû rebâtir au complet ma confiance, poursuit-elle. J’ai fait un pas de géant en deux ans. J’avais pensé ne plus jamais faire le 400 mètres. Le plus grand défi à Paris a été de terminer ma course. Quand je suis sortie de la piscine, j’ai comme vu mes deux dernières années défiler très rapidement dans ma tête. Avoir réussi ma course a été un moment émotif.»
Un handicap de naissance
Aurélie Rivard vit avec un handicap depuis sa naissance: il lui manque les cinq doigts de la main gauche. Cette limitation s’est développée dans le ventre de sa mère. «Il n’y avait pas assez de place pour ma jumelle et moi, dit-elle, et mon bras a manqué d’oxygène pour se développer.»
Dans la piscine, l’étudiante-athlète doit compenser avec le bas de son corps pour être stable dans l’eau. «À l’œil d’un non-nageur, poursuit-elle, cela ne paraît pas tant que ça. C’est comme si vous nagiez avec une seule palme. Je ne tourne pas en rond, je ne suis pas sur le côté, il n’y a rien de majeur. Et pour rééquilibrer un peu tout ça le plus possible, ma jambe gauche travaille beaucoup plus fort que ma jambe droite. Ça va me permettre de rester bien positionnée sur l’eau. Beaucoup ne voient pas mon handicap dans la piscine parce qu’il ne paraît pas. Je n’ai jamais connu autre chose, donc mon corps s’est habitué naturellement.»
Plus de 25 heures d’entraînement chaque semaine
Aurélie Rivard a 28 ans. Elle poursuit ses études de baccalauréat à la Faculté de droit de l’Université Laval. Son entraînement, elle le fait dans les installations du PEPS. Du lundi au samedi, elle consacre entre 4 et 5 heures par jour à la natation, à la musculation et à la course à pied.
«J’ai toujours eu un horaire chargé, dit-elle. Pour la conciliation études-natation, je peux compter généralement sur les professeurs pour m’envoyer des notes de cours, enregistrer les cours au besoin et même déplacer des examens. Mon but est de terminer le plus tôt possible avec l’horaire extrascolaire que j’aurai. Une fois diplômée, mon but sera de trouver un emploi qui me permettra de combiner le domaine juridique et celui du sport. Ce sont mes deux passions. Je vise une spécialisation dans le droit civil, non contentieux.»
Depuis son retour de Paris, elle est en mode vacances sur le plan sportif, et ce, jusqu’au mois de janvier. Même chose pour ses études qu'elle reprendra en janvier. «J’ai pris la session de congé pour pouvoir me reposer un petit peu, pour me remettre de mes émotions, explique-t-elle. Je suis aussi en mode réflexion quant à mon avenir. Est-ce que je continue ma vie d’athlète encore un peu, est-ce que je fais un autre cycle paralympique, ou bien est-ce que j’arrête? Je ne suis pas prête à prendre cette décision.» Sa vie d’étudiante, elle, a recommencé. «Mon objectif, indique-t-elle, est de terminer mes études. Je prévois que ce sera fait dans la prochaine année.»
Treize médailles aux Jeux paralympiques
La jeune Aurélie Rivard a été initiée au sport de compétition vers 11 ans. «Après ma première grosse compétition en 2010, raconte-t-elle, j’ai pris goût au sport et à tout ce qui vient avec, au style de vie du sport de haut niveau. J’en voulais tout le temps plus.»
La carrière sportive de l’étudiante-athlète a été parsemée de succès. C’est à 16 ans, à Londres, qu’elle entreprend son parcours paralympique. Son entrée en scène est fracassante. L’adolescente remporte la médaille d’argent au 400 mètres style libre, en plus d’atteindre la finale dans quatre autres épreuves. Quatre ans plus tard, à la première journée de compétition aux Jeux de Rio, elle décroche l’or au 50 mètres style libre. «Pour la première fois, je montais sur la plus haute marche du podium paralympique, souligne-t-elle. Ma vie a changé à Rio. Il y a eu un avant et un après. Ma médaille a été extrêmement satisfaisante. Je venais de beaucoup m’investir dans mon sport.»
À ce jour, Aurélie Rivard a remporté 13 médailles aux Jeux paralympiques. Elle a aussi décroché 19 médailles aux Championnats du monde.
Cette spécialiste du crawl nage sur trois distances, le 50 mètres, le 100 mètres et le 400 mètres. Aux Jeux de Rio, elle a établi deux records du monde. À son arrivée à Paris, elle détenait pas moins de quatre records mondiaux. «J’en ai perdu un cet été», dit-elle.
Elle insiste sur l’élément fatigue dans la vie d’une athlète de haut niveau. «Cela existe, explique-t-elle, surtout en vieillissant. L’intensité physique est toujours là, mais on a besoin de plus de temps pour récupérer.»
Selon elle, les Jeux paralympiques représentent une épreuve en soi. «Les Jeux durent plusieurs jours, indique-t-elle. Ce qui est difficile est de se préparer et d'être la meilleure pour la première course. Après ça, il faut recommencer la préparation pour une autre course qui s’en vient. Bref, il faut être à son meilleur tout le temps parce que tout est accéléré. Le grand défi est de comment récupérer d’une course en peu de temps. Il faut se remettre rapidement de ses émotions et se reposer pour être encore à son meilleur.»
Le plus beau sport
La natation, est-ce le plus beau sport pour elle? «C’est sûr que je vais dire oui!, répond-elle. Plus jeune, ce qui m’accrochait le plus au sport, ce que j’ai le plus aimé, est comment je me sentais dans l’eau. On se sent tellement léger. Ce n’est pas le même sens de la gravité. J’aime aussi l’aspect d’être avec moi-même dans la piscine pendant un moment. Sinon, je me suis toujours bien sentie dans l’eau. J’ai une connexion émotionnelle avec ce sport.»