21 août 2024
S’entraîner à Québec et bien performer aux JO, c’est possible!
L’entraîneur-chef Félix-Antoine Lapointe, qui a encadré les coureurs de demi-fond canadiens aux Jeux de Paris, dresse un bilan positif de la performance des étudiants-athlètes de l’Université Laval
Félix-Antoine Lapointe se souviendra longtemps de l’été 2024. Celui qui fut jusqu’à tout récemment entraîneur-chef de l’équipe de cross-country au sein du club d’athlétisme Rouge et Or de l’Université Laval, avait été sélectionné, ce printemps, comme co-entraîneur des coureurs de demi-fond de la délégation canadienne aux Jeux olympiques de Paris. À peine revenu de France, il annonçait sa démission du Rouge et Or pour se consacrer à temps plein aux athlètes de haut niveau au Centre provincial d’excellence en athlétisme, situé au PEPS de l’Université Laval. Et il vient de retourner en Europe avec deux de ses protégés, Charles Philibert-Thiboutot et Jean-Simon Desgagnés, pour une série de compétitions qui marquera la fin de leur saison de compétitions estivale.
Pour rappel, Félix-Antoine Lapointe a dirigé l’équipe de cross-country Rouge et Or pendant 12 saisons. Durant cette longue période, il a conduit la formation masculine au titre provincial chaque automne, la formation féminine réussissant l’exploit à sept reprises. L’équipe a également remporté le titre universitaire canadien à cinq reprises.
«En athlétisme, dit-il, surtout pour les épreuves d’endurance comme celles du demi-fond, les athlètes se développent tardivement. Règle générale, ils atteignent leur plein potentiel entre la mi-vingtaine et le début de la trentaine. Mon approche avec eux est de penser à moyen et long termes. À l’entraînement, il faut un bon dosage entre intensité et récupération. La charge d’entraînement est quand même assez élevée. Il faut des efforts assez intenses plusieurs heures par semaine.»
Côtoyer les meilleurs
L’entraîneur-chef est revenu «absolument enchanté de l’expérience olympique à Paris». «C’est un moment que les athlètes et moi attendions depuis longtemps et nous n’avons pas été déçus.» Selon lui, côtoyer les meilleurs athlètes et entraîneurs de la planète a toujours un effet motivant.
Aux Jeux de Paris, 10 entraîneurs canadiens ont encadré une quinzaine d’athlètes de demi-fond. En général, deux entraîneurs étaient assignés à chacune des catégories, soit le sprint, le demi-fond, les sauts et les lancers. «Parmi ces athlètes, indique Félix-Antoine Lapointe, il y en avait trois avec qui je travaille au quotidien à l’Université Laval.»
Ces athlètes sont l’étudiant en médecine et spécialiste du 3000 mètres steeplechase, Jean-Simon Desgagnés, l’ancien étudiant de l’Université Laval et spécialiste du 5000 mètres, Thomas Fafard, ainsi que le diplômé de l’Université Laval en administration des affaires et spécialiste du 1500 mètres, Charles Philibert-Thiboutot.
Gérer le stress et l’anxiété
L’entraîneur-chef insiste sur les particularités des Jeux olympiques. «La densité entre athlètes de haut niveau, souligne-t-il, on ne retrouve pas ça ailleurs. Sur la ligne de départ, il y a 15 coureurs d’un niveau presque semblable. En temps normal, l’athlète n’est jamais exposé à autant d’adversaires d’un calibre aussi élevé. Oui, la préparation de l’athlète se fait en partie à l’entraînement ou dans une compétition préparatoire. Mais tant qu’il n’a pas vécu cette situation, il est difficile pour lui de comprendre ce que c’est. L’entraîneur peut tenter de le préparer et de lui inculquer que le stress et l’anxiété vont être élevés. Il s’agit pour lui de trouver la façon d’être serein et de prendre les bonnes décisions. Après une première expérience olympique, l’athlète va être meilleur.»
Selon Félix-Antoine Lapointe, le public français au Stade de France, où se sont tenues les épreuves de demi-fond, était particulièrement intimidant. «Il y avait de l’ambiance dans ce stade de 80 000 places, raconte-t-il. Le public était particulièrement bruyant lorsqu’il y avait des athlètes français. Ils hurlaient et encourageaient leurs compatriotes. C’était quelque chose à gérer pour nos athlètes, même s’ils font parfois des compétitions dans de grands stades. Les préparer à ces situations, comment bien gérer cette pression, fait partie de notre travail.»
La phase finale de préparation
Deux semaines avant les Jeux, durant la phase finale de préparation, les athlètes peuvent commettre une erreur typique, c’est-à-dire faire trop d’efforts trop intenses à l’entraînement. «Règle générale, explique l’entraîneur-chef, notre rôle consiste à leur faire comprendre que le travail est déjà fait. Oui, tu es en forme; oui, tu as eu de super bons résultats cette année; oui, il faut maintenir cette forme; mais on veut que tu arrives reposé aux Jeux. Tu t’es qualifié, assure-toi d’arriver à la compétition dans de bonnes dispositions et d’apprécier vraiment l’expérience. On voit des athlètes sur la ligne de départ qui sont trop anxieux, alors que d’autres sont contents d’être là et sont confiants en leurs moyens. Ça fait toute la différence.»
Il cite la sprinteuse Audrey Leduc en exemple. Cette étudiante en administration des affaires à l’Université Laval, qui a pulvérisé les records canadiens du 100 mètres et du 200 mètres ce printemps, s’était qualifiée pour ces deux épreuves aux Jeux de Paris. «Son horaire était très chargé, rappelle Félix-Antoine Lapointe. Après s’être rendue en demi-finale à ces deux épreuves, elle a pris le départ de la finale du relais 4 x 100 mètres. Quelques jours avant la première compétition, la stratégie des entraîneurs du sprint a consisté à dire que le 100 mètres à l’entraînement ne soit pas trop intense et que les athlètes s’entraînent bien sur la piste. En plus de ce dosage, l’approche consistait à s’assurer que les athlètes soient heureux et en confiance pour être prêts à bien performer.»
Le plus beau métier du monde
L’entraîneur-chef se considère privilégié de faire ce qu’il décrit comme «le plus beau métier du monde». «C’est un métier atypique, indique-t-il, dans lequel on partage des moments intenses avec les athlètes, parfois dans les joies et les succès, parfois dans les déceptions, car cela arrive dans une carrière. On a aussi la chance de voyager partout à travers le monde. Aussi la chance de bâtir des relations à long terme avec les athlètes, par exemple avec Charles Philibert-Thiboutot. Je suis son entraîneur depuis mon arrivée à l’Université Laval. On a traversé des défis ensemble.»
Une pépinière d’athlètes
À Paris, Jean-Simon Desgagnés a terminé son parcours avec une treizième place lors de la finale du 3000 mètres steeplechase. Thomas Fafard, lui, a pris la vingt-deuxième place de la finale du 5000 mètres. Et Charles Philibert-Thiboutot s’est rendu en demi-finale du 1500 mètres. Quant au quatuor où prenait place Audrey Leduc, il a pris la sixième place en finale du relais 4 x 100 mètres. Enfin, le triathlète Charles Paquet, étudiant en administration des affaires, a terminé en treizième position de sa discipline.
«Je dirais que le bilan des performances des athlètes provenant de l’Université Laval est globalement positif, soutient Félix-Antoine Lapointe. De voir qu’ils n’ont pas été là comme des figurants pour être éliminés en première ronde est une belle satisfaction. Des finalistes, on aurait souhaité en avoir un peu plus. Mais il faut savoir apprécier ce qui a été accompli. C’est déjà un pas de géant en termes de succès par rapport aux Jeux de Tokyo il y a trois ans.»
Selon lui, Audrey Leduc sera particulièrement à surveiller dans l’avenir. «Son apprentissage s’est fait à grande vitesse cette année, explique-t-il. Il est très impressionnant qu’elle soit restée concentrée et qu’elle n’ait pas été impressionnée d’être sur la ligne de départ face aux meilleures au monde. Il y a quelques mois, c’était impensable d’imaginer à quel point elle évoluerait cette année. J’ai particulièrement hâte de voir son évolution pour la suite. Espérons que 2024 soit le début de quelque chose de grand pour elle.»
Dans une discipline comme le 3000 mètres steeplechase, particulièrement dominée par les nations africaines, il souligne qu’il est assez rare de voir un Canadien se faufiler en finale. «Chapeau à Jean-Simon!», dit-il. L’entraîneur-chef qualifie, par ailleurs, Charles Philibert-Thiboutot de «beau modèle de persévérance, de détermination et de résilience», lui qui n’avait pas réussi à se qualifier pour les Jeux de Tokyo. «À 33 ans, ajoute-t-il, il termine sa carrière sur une belle note avec sa qualification aux Jeux de Paris. Il a pavé la voie aux plus jeunes.»
Félix-Antoine Lapointe dit souhaiter que les Jeux de Paris «puissent devenir le début d’une belle tradition sportive à l’Université Laval.» «C’est possible comme étudiant de l’Université d’aspirer aux plus hauts succès en sport, poursuit-il. Il y a une décennie, il était presque impossible d’imaginer que des étudiants de chez nous, sans s’exiler à l’extérieur du Québec, puissent se rendre aux Jeux olympiques. Or, nous avons développé cette expertise chez nous. De voir que nous avons maintenant plusieurs athlètes qui peuvent se qualifier pour les Jeux, je trouve ça inspirant.»