2 juillet 2024
Trois étudiants-athlètes de l’Université Laval participeront aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris
Sous les couleurs canadiennes, la sprinteuse Audrey Leduc, le coureur de demi-fond Jean-Simon Desgagnés et la nageuse Sabrina Duchesne affronteront l’élite mondiale cet été dans la capitale française
Audrey Leduc. Ces derniers mois, ce nom a eu l’effet d’une bombe dans le milieu de l’athlétisme. Fin avril à Baton Rouge en Louisiane, la finissante à la maîtrise en administration des affaires de l’Université Laval, membre du Club d’athlétisme Rouge et Or depuis 4 ans, fracassait la marque canadienne du 100 mètres avec un temps de 10,96 secondes. Un mois plus tard, elle faisait de même à Atlanta en Georgie avec le record canadien du 200 mètres, établissant une nouvelle marque de 22,36 secondes.
La sprinteuse de 25 ans et 1,73 mètre vient de connaître une année de rêve. Cette spécialiste du 60 mètres a réussi les 4 meilleurs temps au Canada dans cette épreuve. Elle est également devenue la Canadienne la plus rapide de l’histoire aux 100 et 200 mètres. Pour couronner le tout, elle a été nommée athlète féminine de l’année par U Sports, l’organisme qui encadre les sports universitaires de premier niveau au Canada.
Du 26 au 30 juin, les essais olympiques et paralympiques d’athlétisme en vue de la constitution de l’équipe canadienne se sont déroulés au Complexe sportif Claude-Robillard, à Montréal. Déjà sélectionnée pour l’épreuve du relais 4x100 mètres, Audrey Leduc a obtenu deux autres laissez-passer pour Paris. Celle qui fut championne canadienne junior au 100 mètres en 2018 concourra dans les épreuves du 100 et du 200 mètres durant les Jeux qui réuniront environ 10 500 athlètes du 26 juillet au 11 août.
Après sa course de 200 mètres, elle a déclaré: «Je ne m’y attendais pas. J’espérais me qualifier pour le relais et le 100 mètres en raison du classement mondial, mais je ne m’attendais pas à parvenir à me qualifier au 200 mètres aussi. Les Jeux olympiques sont simplement la grande chose. Je suis juste excitée d’en être arrivée là. Je vais représenter le Canada du mieux que je peux et courir vite. Sur la piste, je veux me qualifier pour les finales.»
Dans une entrevue qu’elle accordait à Radio-Canada le 7 mai dernier, l’athlète de haut niveau a insisté sur son point fort. «Ma force, a-t-elle expliqué, est la fin de ma course. Dans un 100 mètres, je cours plus vite entre le 60e et le 100e mètre. Ma vitesse n’arrête pas à 60. Je continue à accélérer et à être encore plus rapide.»
Un spécialiste du 3000 mètres steeple
Jean-Simon Desgagnés ira à Paris. C’est maintenant officiel depuis sa course du 27 juin dans le cadre des essais olympiques au Complexe sportif Claude-Robillard. Cette bonne nouvelle vient couronner une année exceptionnelle dans la carrière sportive de ce doctorant en médecine de l’Université Laval et spécialiste du 3000 mètres steeple.
«Ma plus grande réalisation en carrière, raconte-t-il, remonte aux Championnats du monde d’athlétisme, à Budapest en Hongrie, en août 2023, avec une huitième place en finale. Mon temps était de 8:15,58. Ça a été assez exceptionnel de me retrouver parmi le top 10 au monde. C’était parfait. Cela a montré que j’étais capable d’être là.»
Le coureur de 25 ans et de 1,82 mètre se rappelle particulièrement sa deuxième place de sa vague de qualification. «C’était un gros objectif que j’accomplissais, dit-il. Un peu de façon instinctive, j’ai levé les bras en passant la ligne d’arrivée en me disant: “Wow, je suis rendu là”. Ensuite, j’ai réussi à recanaliser mon énergie pour bien performer en finale. J’entendais les 35 000 spectateurs qui grondaient. J’ai utilisé cette énergie pour me propulser. Je me suis dit: “Je suis prêt”. Mes parents étaient dans la foule. C’était un moment exceptionnel. Je vivais des émotions vraiment exceptionnelles.»
L’étudiant-athlète se considère chanceux de pouvoir équilibrer les exigences de son sport avec les exigences de ses études. «Je suis, explique-t-il, super reconnaissant d’avoir eu ce type d’accommodement pour faire mes stages en médecine l’hiver, tout en m’entraînant, et pour me concentrer à 100% l’été sur mon sport à m’entraîner, voyager et performer un peu partout sur la scène internationale.»
Sa relation avec le sport, Jean-Simon Desgagnés la qualifie de «très saine». «C’est quelque chose que j’adore, affirme-t-il. Le sport me permet de m’accomplir dans autre chose, ce n’est pas uniquement mental ou cérébral. J’avance dans ma vie d’étudiant et de sportif et j’obtiens de bons résultats. Pour moi, ça fonctionne.»
Les haies et la fosse d’eau, un défi supplémentaire
La discipline du 3000 mètres steeple a ceci de particulier que les coureurs doivent sauter par-dessus 4 haies par tour en plus de franchir une fosse d’eau. «Avoir des obstacles à franchir ajoute un défi intéressant, indique-t-il. Cela change de la monotonie habituelle de la course à pied qui est plus rectiligne. Les haies ajoutent un défi technique qui me rejoint beaucoup. Bien passer les obstacles, je trouve ça extrêmement intéressant. Il peut y avoir des rebondissements, des chutes.»
Pour avoir du succès dans cette discipline, il faut pouvoir fournir un effort de vitesse pendant de longues minutes. Une bonne puissance musculaire est aussi nécessaire. «Franchir un obstacle, c’est comme si on repartait un petit peu la course, souligne-t-il. Il faut avoir une habileté technique avec les obstacles. La plupart des coureurs ont tendance instinctivement à ralentir. Moi, c’est comme le contraire. C’est une de mes forces. Je pense qu’au niveau international, je me situe dans les meilleurs pour cette qualité technique.»
Lorsqu’on pense à la vie d’un athlète de haut niveau, le mot «sacrifices» vient à l’esprit. Jean-Simon Desgagnés, lui, préfère dire que tout athlète fait sa vie par choix, que ce ne sont pas vraiment des sacrifices. «Ce choix n’est pas négatif, malgré qu’il soit difficile, poursuit-il. Je suis en paix avec ce choix parce qu’il est fait en fonction de la performance. Par exemple, partir loin de sa famille et de ses amis pendant des mois pour s’entraîner et compétitionner, sont des choses difficiles, mais qui nous permettent aussi de vivre des choses exceptionnelles, de ressentir des émotions qui sont tout simplement incroyables.»
Une spécialiste du crawl
Sabrina Duchesne est inscrite au baccalauréat en criminologie à l’Université Laval. Dans quelques semaines, cette nageuse spécialiste du 400 mètres style libre crawl prendra part aux Jeux paralympiques de Paris. Ces Jeux réuniront plus de 4400 athlètes du 28 août au 8 septembre.
À la mi-juin, la para-athlète de 23 ans et de 1,61 mètre est rentrée d’Europe avec son entraîneur Emmanuel Vergé. Elle venait de participer à deux compétitions de la Coupe du monde de natation paralympique, la première à Berlin en Allemagne, la seconde à Limoges en France. «Les choses se sont super bien passées au 400 mètres aux deux endroits, raconte-t-elle. C’était le plus important parce que c’est avec cette discipline que j’ai été sélectionnée pour les Jeux.»
La nageuse connaît bien le milieu des Jeux paralympiques. Dès l’âge de 15 ans, elle faisait partie de l’équipe paralympique canadienne aux Jeux de Rio au Brésil. Cinq ans plus tard, elle était aux Jeux de Tokyo au Japon.
«À Rio, dit-elle, j’ai terminé neuvième au 400 mètres. J’ai bien performé. À Tokyo, j’ai atteint la finale aux 100 mètres, aux 400 mètres ainsi qu’au relais. Un des moments en carrière dont je me rappelle le plus est ce relais avec mes amies. C’est encore ma seule médaille paralympique.»
Depuis 2015, Sabrina Duchesne a remporté trois médailles de bronze lors de compétitions internationales, d’abord aux Jeux parapanaméricains de Toronto, alors qu’elle n’avait que 14 ans, ensuite aux Jeux de Tokyo en 2021, puis aux Championnats du monde de paranatation en 2023, à Manchester au Royaume-Uni.
Avancer dans l’eau seulement avec ses bras
Son handicap de naissance, la dyparésie spastique des membres inférieurs, est une forme de paralysie cérébrale qui n’affecte que ses jambes, surtout la gauche qui marche davantage vers l’intérieur. «Je me déplace sans problème, souligne-t-elle. C’est vraiment une question de démarche et d’équilibre, lequel n’est pas à 100%.»
Lorsqu’elle nage, elle utilise beaucoup le haut de son corps pour maintenir sa stabilité dans l’eau et pour garder ses jambes à la surface. «Ce ne sont pas mes jambes qui vont me faire avancer, indique-t-elle. Autant au gymnase qu’en piscine, je fais beaucoup plus travailler mes bras que mes jambes.»
Enfant, l’étudiante a d’abord eu recours à la physiothérapie pour son handicap. Ensuite, elle s’est retrouvée en piscine avec une physiothérapeute. Puis, vers six ou sept ans, celle-ci lui a fait connaître le club-école du Rouge et Or natation pour les plus jeunes. Son affiliation avec le programme Rouge et Or se poursuit depuis ce temps. Si elle a choisi ce sport, c’est parce qu’elle n’avait plus à faire de physio. «Ce sport très complet permet de renforcer tous les membres du corps, soutient-elle. Tranquillement, j’ai aimé ça. Une fois dans l’équipe canadienne, le feeling et l’expérience étaient tellement différents et enrichissants que j’ai voulu continuer, en faire plus. J’adore m’entraîner et surtout faire des compétitions.»
Pour elle, être dans l’eau, c'est être dans un élément ou elle se sent bien, où tout est possible. «Quand je ne me sens pas bien, explique-t-elle, que j’ai un mal de tête, un rhume, mal à un bras, peu importe le mal, je sais que je vais me sentir mieux après avoir fait quelques longueurs dans l’eau. Avec un handicap comme le mien, être dans l’eau est également une façon pour moi de me sentir en meilleur contrôle de mon corps. Il n’y a pas de perte d’équilibre ou de surface glissante dans l’eau, ce sont seulement mes bras qui travaillent. Entre mes jambes et mes bras, c'est aux bras que je fais confiance d’une certaine façon, alors être dans l’eau en piscine me donne un sentiment de sécurité.»
La paranageuse s’entraîne actuellement au rythme de six séances en piscine par semaine auxquelles s’ajoutent trois à quatre séances au gymnase. Sa principale qualité athlétique est l'endurance de ses bras. «Mes bras sont assez forts, souligne-t-elle. Un nageur sans handicap fait un entraînement entre 5000 et 6000 mètres par séance avec beaucoup de travail des jambes. Je fais en moyenne 4000 mètres avec juste des bras et du crawl. Mes bras sont capables d’endurer tout seuls.»
Un des aspects qu’elle travaille beaucoup à l’entraînement sont ses virages lorsqu’elle arrive au bout du bassin. «Ce n’est vraiment pas le moment de ralentir, dit-elle, c’est ce qui nous donne un départ vers une autre longueur. Un virage lent, ce sont des secondes perdues tellement facilement. Même chose en touchant le mur. On a souvent tendance à ralentir en le touchant.»
Des anciens du Rouge et Or à Paris
Trois anciens étudiants de l’Université Laval ont poursuivi à un haut niveau la pratique de leur sport après leurs études universitaires. Dans le cas de Charles Philibert-Thiboutot, un spécialiste du 1500 mètres, les essais olympiques au Complexe sportif Claude-Robillard ont tranché: il sera de la partie dans la capitale française. Il avait atteint les demi-finales de sa discipline aux Jeux olympiques de 2016. En 2023, il a terminé premier de l’épreuve du 1500 mètres aux Jeux panaméricains, à Santiago au Chili. Le triathlète Charles Paquet ira également à Paris, lui qui a obtenu à la mi-mai 2024 une cinquième place à Yokohama au Japon, en Série de championnats du monde de World Triathlon. Sa sélection par Triathlon Canada et le Comité olympique canadien remonte au 17 juin. Enfin, Thomas Fafard, un spécialiste des courses de fond, concourra aux Jeux olympiques. Sa sélection a été annoncée le 2 juillet. Le 19 mai en Allemagne, il avait remporté l’épreuve du 5000 mètres du Internationales Pfingstsportfest de Rehlingen.
Mentionnons, en terminant, la présence aux Jeux olympiques de Paris de deux employés de l’Université Laval. Le premier, Michael Morin, un physiothérapeute de la Clinique du PEPS, fera partie de l’équipe médicale de la délégation canadienne. Le second, Félix-Antoine Lapointe, l’entraîneur-chef du club de cross-country Rouge et Or, sera membre de l’équipe d’encadrement du Canada en athlétisme.