Pour Jessy Lacourse, le Gala Rouge et Or du 3 mai est «la dernière page» de son parcours universitaire. Sa voix se brise et ses yeux s'embuent quand elle évoque le rendez-vous sportif qui vient clore cinq années de performances en athlétisme et cross-country. Celle qui a pratiquement fracassé tous les records d'équipe et remporté tous les honneurs provinciaux et nationaux ajoute à son palmarès le prix d'étudiante-athlète de l'année en sport individuel et d'étudiante-athlète par excellence, soit un doublé en deux ans.
«Je suis tellement nostalgique», confiait-elle à ULaval nouvelles deux jours plus tôt. Nous l'avons rencontrée au Centre de glaces de Québec, où elle s'entraîne sur la piste de 465 mètres qui ceinture les patinoires.
Cette installation et toutes celles du PEPS (le stade TELUS-Université Laval, la salle de musculation, les deux piscines) ont eu, dit-elle, une influence considérable dans son évolution, de même que les services de préparateurs physiques pour les plans d'entraînement, de nutritionnistes, de psychologues, l'accès à des médecins en cas de pépins, à des physiothérapeutes pour prévenir les blessures. «Ça contribue à l'essor des athlètes.»
La jeune femme de 26 ans est très reconnaissante envers l'organisation du Rouge et Or. «Depuis le jour un, ils m'ont accueillie et soutenue, que ça aille bien ou mal», lâche-t-elle dans un sanglot, en se remémorant toutes les tapes dans le dos ou dans la main reçues des uns et des autres.
«Je ne changerais rien»
Jessy Lacourse, qui finit sa maîtrise en psychopédagogie-orthopédagogie, s'est fait courtiser par des universités américaines, mais n'a jamais regretté d'avoir choisi l'Université Laval. «J'aime ça être dans ma communauté, être dans ma langue française, être avec des gens qui me ressemblent, qui partagent notre culture. Ça aurait été une expérience qui m'aurait apporté beaucoup d'aller aux États-Unis, mais je suis tellement contente et satisfaite de ce que j'ai pu vivre ici. Je ne changerais rien.»
Son plus beau souvenir en carrière s'est d'ailleurs déroulé en 2021 sur les plaines d'Abraham. Les équipes féminines et masculines de cross-country de l'Université Laval avaient mis la main sur les deux titres nationaux, et elle-même avait été sacrée championne canadienne. «Je n'avais jamais eu un parcours de cross-country avec autant de monde aux abords qui criaient mon nom. Ç'a été une journée merveilleuse, ensoleillée et c'était la première fois dans l'histoire que les deux équipes, garçons et filles, gagnaient à la maison. Un moment d'équipe et individuel, le plus fort que j'ai connu en émotions.»
Se développer sans se brûler
L'athlète au nom prédestiné court d'aussi loin qu'elle se souvienne. «Ma mère vous dirait que j'étais la première à sortir en courant de la voiture dans les stationnements. Il fallait qu'elle me tienne proche.»
Originaire de Québec, elle a grandi à Victoriaville de 5 à 19 ans. C'est là-bas qu'elle a attiré l'attention de Jacques Hince, un professeur d'éducation physique qui organisait des courses pour les jeunes de la région. Dès la deuxième année du primaire, la petite Jessy participait à sa première course de cross-country. Elle a connu une première victoire en cinquième année, a monté sur le podium en sixième.
«Rendue au secondaire, j'étais en concentration soccer, et cet enseignant m'a recrutée pour l'équipe de cross-country parascolaire en se basant sur mes anciens résultats. J'étais une coureuse ordinaire, mais qui avait beaucoup de persévérance et de passion pour son sport. À force de m'entraîner, tranquillement, je me suis démarquée.»
L'athlétisme s'est ajouté à sa palette en quatrième année du secondaire. À 16 ans, elle s'est classée pour les Jeux du Canada chez les 22 ans et moins, au 5000 mètres et au 2000 mètres steeple. «Ç'a commencé en lion, se rappelle Jessy Lacourse. J'ai eu l'immense chance de tomber sur Jacques, qui m'a développée, sans me brûler.»
Depuis sept ans, Félix-Antoine Lapointe, entraîneur-chef du cross-country à l'Université Laval et de l'équipe du Québec de haut niveau, a pris la relève. «Il me connait mieux que je me connais moi-même», dit-elle en ajoutant qu'il lui donne la confiance dont elle a besoin.
Études et sports, un «beau combo»
Coiffer les deux chapeaux d'étudiante et d'athlète allait de soi pour la jeune femme. «Le sport a rendu mes études tellement plus belles, tellement plus divertissantes. J'avais le goût de poursuivre mes études, j'avais du plaisir à m'entraîner. C'est un beau combo!»
Oui, il y a eu des périodes plus difficiles où elle devait choisir entre un camp d'entraînement et ses cours. Elle remercie ses professeurs, qui ont été accommodants et compréhensifs. Celle qui a fait son baccalauréat en enseignement au primaire avant sa maîtrise a décidé de suivre sa formation sans l'étirer. Sa motivation était de rester avec ses amies, qui lui ont permis de suivre le programme, même quand elle ne pouvait pas assister à ses cours. «J'avais une belle grande gang de filles au baccalauréat, puis on s'est retrouvées trois à la maîtrise. On s'est beaucoup aidées», glisse Jessy Lacourse qui, elle, trouvait le temps de faire des résumés de lecture.
Alors que ses stages sont terminés, elle réalise que la persévérance développée avec le sport, cet élan de ne pas lâcher quand c'est dur, de recommencer quand ça ne marche pas, sont des valeurs qu'elle aime transmettre aux élèves, souvent en difficulté en orthopédagogie.
Le sport fait tellement partie de sa vie, qu'elle s'en est aussi inspiré pour son projet de recherche de maîtrise, qu'elle rendra fin mai. Elle a voulu voir les effets de la pratique de l'activité physique au quotidien par les enseignants titulaires sur les apprentissages des élèves, en particulier ceux en difficulté. «J'ai été contente de constater que les deux tiers des enseignants qui ont répondu à mon sondage bougent avec les élèves, au-delà de faire des maths et du français, ce qui n'était pas une tendance si on recule à 10, 20 ou 30 ans.»
L'activité physique est tellement essentielle, dit-elle en énumérant les bienfaits psychologiques, physiques, les répercussions sur la mémoire de travail et sur les fonctions exécutives.
Rêve olympique
Bientôt sur le marché du travail à temps partiel, elle veut profiter de la fenêtre de temps qu'il lui reste pour être aussi une athlète à temps plein. Le 6 mai, elle sera à Los Angeles pour faire une compétition, puis ira ensuite à New York. «Ça bougera pas mal pendant l'été.»
Celle qui accroche son maillot du Rouge et Or regarde vers les Jeux olympiques de Paris, en 2024, en se croisant les doigts. «On va voir comment ça se passe. L'an dernier je me suis blessée sur le steeple, ma distance de prédilection, dit-elle en parlant de la course de 3000 mètres, soit sept tours et demi de piste avec obstacles, dont des haies à franchir et une barrière avec une fosse remplie d'eau. On espère que cette année, à mon retour, les bobos seront guéris et la peur aussi de retourner dans la fosse.»
Qualifiée d'athlète générationnelle, Jessy Lacourse s'est toujours plutôt perçue comme une étudiante et une athlète semblable aux autres, qui fait ce qu'elle aime par passion. «Ça adonne que je me démarque un peu plus. C'est le fun, mais j'espère qu'il y en aura d'autres qui vont suivre.»
Jamais elle n'aurait pu prédire sa trajectoire. «Quand je suis entrée dans le Rouge et Or, je ne m'attendais pas à être la Jessy que je suis aujourd'hui. Je ne visais pas nécessairement d'avoir les records du 1000 mètres au 3000 mètres, en ayant gagné je ne sais pas combien de médailles au Championnat canadien universitaire. Mais on ne peut jamais rêver trop loin. On ne sait jamais ce qui nous attend, et parfois, on peut être surpris.»
C'est ce qu'on lui souhaite pour la suite des choses.