21 novembre 2024
Entretien avec Cathia Bergeron à propos de l’aide financière accordée pour des stages
La vice-rectrice assure que l’Université Laval est très sensible à la réalité des stagiaires et qu’elle remplit son rôle, complémentaire à celui des associations étudiantes, auprès de l’ensemble des acteurs
Plusieurs associations étudiantes réclament une juste rémunération pour les stages effectués dans le cadre des études, car 84% d'entre eux ne reçoivent pas une pleine rémunération, selon une étude de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques publiée en octobre 2023. Depuis le 4 novembre, un mouvement de contestation a donné lieu à des manifestations et à des grèves dans maints établissements postsecondaires à la grandeur du Québec.
«L'Université Laval est très attentive aux revendications concernant un soutien financier pour la réalisation des stages dans le secteur public. Nous savons qu'environ 70% des personnes étudiantes de notre université travaillent à temps partiel durant leur parcours universitaire et qu'un bon nombre d'entre elles doivent concilier les études, la vie personnelle ainsi que des contraintes financières qui peuvent parfois peser lourdement», souligne d'entrée de jeu Cathia Bergeron, vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes.
ULaval nouvelles l'a rencontrée pour qu'elle s'exprime sur les demandes étudiantes et les actions posées par l'Université Laval pour favoriser l'aide financière pour les stages étudiants.
Avez-vous rencontré les associations étudiantes et que pensez-vous de leurs revendications?
Oui, j'ai rencontré les personnes représentant la CADEUL, car je trouve important de les écouter. Elles ont des choses très importantes à dire et l'Université est très sensible à la réalité financière des personnes en stage ainsi qu'au bien-être physique et psychologique des étudiantes et étudiants.
Je le dis de façon très ouverte et affirmée, j'ai beaucoup de sensibilité pour leurs préoccupations quant à un soutien financier pendant les stages. J'envisage toujours cette question sous l'angle de l'appui à la réussite. Ma plus grande préoccupation, c'est de m'assurer que les conditions optimales sont réunies pour que nos étudiantes et étudiants puissent persévérer et réussir.
Or, c'est vrai que certains membres de la communauté étudiante ont un emploi par nécessité, pour subvenir à leurs besoins de base, comme se nourrir et se loger. Lorsqu'ils doivent effectuer un stage à temps plein pendant une période prolongée, il est possible qu'ils aient de la difficulté à maintenir cet emploi. Ils font alors face à un choix déchirant avec lequel ils ne devraient jamais être aux prises: effectuer le stage ou se nourrir. Ce n'est pas tous les étudiants et étudiantes qui se trouvent dans cette situation, mais pour certains, c'est une réalité. Je trouve important de leur dire que je reconnais qu'il y a des situations très difficiles, que je suis à leur écoute et que tous les étudiants et étudiantes devraient avoir la possibilité de réussir leurs études.
Pour ma part, j'ai un discours un peu plus nuancé quant aux conditions de réussite et je trouve que ces nuances sont aussi importantes. Les représentantes et représentants de la CADEUL m'ont écoutée, et je leur en suis très reconnaissante. Le dialogue est toujours ouvert entre nous.
Quelles sont ces nuances que vous trouvez importantes?
Tout d'abord, je préfère parler d'aide financière aux stages étudiants plutôt que de rémunération. Je pense que le soutien financier doit être perçu plus largement puisqu'il peut passer par différents moyens, notamment les bourses. Il existe d'ailleurs actuellement des programmes de bourses pour aider les étudiantes et étudiants pendant leur parcours universitaire. Les bourses Perspective Québec, à elles seules, peuvent représenter 15 000$ pour un baccalauréat de 3 ans et 20 000$ pour un de 4 ans. Il y a aussi le programme de Bourses de soutien à la persévérance et à la réussite des stagiaires pour certaines formations des domaines de l'éducation et de la santé et des services sociaux.
Ensuite, les stages ne doivent pas être pris en bloc. Il en existe différentes sortes, comme des stages d'observation dès la première année d'université, qui peuvent durer seulement une semaine. Il y a aussi des stages en entreprise privée qui sont généralement rémunérés. La discussion actuellement concerne des stages en particulier, c'est-à-dire des stages, habituellement terminaux, qui s'effectuent à temps plein de manière continue pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans le système public.
Il faut comprendre que ce n'est pas l'Université qui décide des conditions financières liées aux stages. Notre travail, c'est de trouver un nombre suffisant de stages de qualité dans une diversité de milieux. J'insiste d'ailleurs sur la diversité des milieux. Pour la qualité de la formation, l'Université a le devoir d'offrir des stages dans tous les milieux, ce qui inclut des milieux où les ressources sont plus limitées comme des OBNL ou le réseau public de la santé et de l'éducation.
Toutefois, même si l'Université Laval ne contrôle pas l'aide financière associée aux stages, elle a tout de même un rôle très important à jouer dans le dossier. Et c'est un rôle qu'elle remplit déjà. Avec nos partenaires du Bureau de coopération interuniversitaire, nous travaillons à sensibiliser les autorités ministérielles sur les défis que vivent les stagiaires. Nous avons aussi le devoir de proposer et de travailler à mettre en place, avec des intervenantes et intervenants de plusieurs ministères, des solutions pour appuyer la réussite de nos étudiantes et étudiants. Et l'appui à la réussite comprend bien sûr la sécurité financière, mais aussi bien d'autres facteurs qui doivent tous être considérés.
Vous affirmez que l'Université Laval collabore avec le gouvernement et les milieux de stage pour mettre en place des mesures pour soulager la pression financière sur les étudiantes et étudiants stagiaires. Avez-vous des exemples concrets à donner?
Oui, bien sûr! Le premier exemple concerne les finissantes et finissants du doctorat en psychologie clinique. Ce programme est long et exigeant. Il se termine par une année d'internat, pendant laquelle les étudiantes et étudiants sont en stage à temps plein. Les internes offrent, sous la supervision de psychologues, des services et des traitements à une clientèle. Longtemps, ces stagiaires n'ont bénéficié d'aucun soutien financier. Toutefois, il y a quelques années, avec les autres universités offrant le programme, nous avons sensibilisé le gouvernement à la situation et il existe maintenant le Programme de bourses pour les internats en psychologie.
Le deuxième exemple est plus interne. Les finissantes et finissants en enseignement doivent, eux aussi, effectuer des stages terminaux s'étirant sur plusieurs semaines. La Faculté des sciences de l'éducation a revu le programme du baccalauréat en enseignement pour leur permettre de bénéficier d'un stage en emploi. En d'autres mots, si l'étudiante ou l'étudiant, lors de sa dernière année d'études, obtient un contrat d'enseignement dans un milieu scolaire, la Faculté s'engage à faciliter la conciliation études-travail. C'est une mesure qu'on a proposée aux ministères de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur pour contribuer à résoudre à la fois le problème de pénurie d'enseignantes et enseignants et celui du soutien financier aux stagiaires. Ici, il ne s'agit pas d'un programme gouvernemental. C'est vraiment une solution mise en place par l'Université Laval au terme d'un long et ardu travail. Nous sommes toutes et touts fiers de ce résultat.
En terminant, que souhaitez-vous dire aux étudiantes et étudiants qui revendiquent actuellement pour une rémunération des stages?
Je salue votre engagement à faire entendre votre voix auprès des élus. Je veux aussi vous assurer que l'Université Laval joue un rôle complémentaire au vôtre auprès de l'ensemble des acteurs. Nous poursuivrons nos efforts pour mettre en place des mesures au sein de nos programmes afin de mieux soutenir les stagiaires lorsque les conditions le permettent. Nous continuerons également à collaborer avec le gouvernement pour trouver des solutions d'appui à la réussite.