21 juin 2024
Création du Bureau des Premiers Peuples, cérémonie de remise de diplômes et formation en langue innue
En cette Journée nationale des peuples autochtones, la direction de l’Université Laval profitait des festivités organisées sur le campus aujourd'hui pour annoncer officiellement la création du Bureau des Premiers Peuples et d'une nouvelle formation en langue innue
Les célébrations ont pris fin avec une cérémonie de remise de certificats, par la rectrice de l’Université Laval, aux 18 finissantes et finissants de la deuxième promotion de gardiennes et gardiens du territoire. Ils proviennent des communautés de Wôlinak, Wolastokuk, Mashteuiatsh, Gesgapegiag, Odanak, Wendake, Ekuanishit, Pessamit, Nutashkuan, Uashat mak Mani-utenam et Pikogan.
La formation de gardiennes et gardiens du territoire vise à former des agents de protection autochtones aptes à intervenir sur les terres, les eaux et les ressources de leur territoire ancestral. Le programme comprend trois blocs de cours donnés à distance. Chacun des blocs est suivi d’un séjour en territoire. Cette année, les deux premiers séjours se sont déroulés dans la communauté innue de Betsiamites sur la Côte-Nord et dans la communauté attikamek de Manawan, dans la région de Lanaudière. Le troisième séjour a eu lieu à la Forêt Montmorency, une forêt de recherche et d’enseignement universitaire au nord de Québec, durant la dernière semaine de formation.
Quelques jours avant la cérémonie, deux de ces personnes ont accordé une entrevue à ULaval nouvelles.
«L’une des meilleures décisions de ma vie»
Jean-Simon Gagné-Nepton est issu de la communauté innue de Mashteuiatsh, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cet étudiant en droit de l’Université Laval dresse un bilan très positif de son expérience. «Ça en valait vraiment la peine, affirme-t-il. Je n’ai aucun regret de l’avoir fait. Ce fut l’une des meilleures décisions de ma vie.»
L’étudiant se dit particulièrement heureux de la contribution de nombreux aînés. «Ils jouent un rôle central dans la formation, souligne-t-il. Plusieurs étaient là avec nous en territoire. Ils sont venus nous enseigner et nous transmettre des connaissances. Ils ont donné des conférences. Ce sont des gens d’expérience qui ont milité bien avant nous pour des causes qui nous tiennent à cœur aujourd’hui. Nous sommes vraiment reconnaissants envers eux.»
Selon Jean-Simon Gagné-Nepton, la formation permet de mieux comprendre la vie en territoire et comment celui-ci se gouverne par les autochtones. «On le comprend plus facilement quand on est sur le terrain, explique-t-il. Les autochtones ont des savoirs et les aînés viennent les enseigner. Dans les deux premiers séjours, on a eu, entre autres, des conférences sur le droit. On comprend que tout est un peu interrelié sur différents aspects de la vie, les animaux. C’est une autre manière de concevoir le droit, mais c’est du droit quand même.»
Il dit avoir particulièrement aimé le cours sur la personnalité juridique des rivières avec, en exemple, la rivière Magpie, sur la Côte-Nord. Son séjour préféré s’est déroulé dans la communauté attikamek de Manawan. «C’était au mois de mai, raconte-t-il. La glace sur les lacs avait fondu. On a fait énormément d’activités sur l’eau. On a pêché, posé des filets, on a appris le rapport qu’entretiennent les Attikamek avec les plans d’eau. Des gens de Manawan agissaient comme guides, ils nous ont montré beaucoup de choses. On a été très bien accueillis. Ma préférence vient du fait que l’activité traditionnelle que je pratique est la pêche.»
La décision de l’étudiant de suivre la formation de gardiennes et gardiens du territoire ne vient pas de ses études en droit, ni de son baccalauréat précédent en science politique. «Je voulais juste être avec des gens, soutient-il, être dans la culture autochtone et développer une approche de gestion du territoire, savoir ce qu’ils font, pour pouvoir devenir moi-même gardien. Et pouvoir transmettre ce que j’apprends.»
En territoire, une expérience qui a du sens
Émie Rainville est chargée de projet en planification communautaire à l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador. Elle est issue de la communauté innue de Pessamit. «J’ai déjà eu la chance de partir en territoire, rappelle-t-elle. Je me suis rendu compte que ce genre d’expérience avait du sens pour une jeune urbaine en recherche de sa culture pour l’approfondir. Même si je vivais en communauté, c’est l’endroit, en territoire, où l’on apprend le plus parce que la culture naît du territoire. Nous avons là nos manières de faire, notre savoir-faire.»
L’aspect qu’elle a le plus apprécié des séjours en territoire tournait autour de la manière de vivre traditionnelle en forêt. «On vit au rythme de la nature de façon circulaire, dit-elle, on apprend à prendre notre place à travers des pratiques traditionnelles. Les aînés donnent l’enseignement dans lequel on se reconnaît.»
Elle souligne la présence majoritaire des femmes parmi les aînés. «Il est important, affirme-t-elle, de redonner aux femmes ce rôle sacré de transmission du savoir.» Sur les aînés hommes et femmes, elle dira la nécessité de les honorer dans leur expérience, de valoriser leur rôle de détenteurs du savoir, d’insister sur le fait qu’on apprenne énormément d’eux.
Selon Émie Rainville, le programme de gardiennes et gardiens du territoire lui a permis de renforcer son identité. «À cause du colonialisme et des pensionnats autochtones, explique-t-elle, nous avons été coupés de notre culture et de notre fierté. Le programme est un rappel. Il est une occasion de pouvoir retrouver notre fierté et de valoriser notre culture. Ce savoir a toujours caractérisé nos nations et a toujours permis de se rappeler qui on est. S’affirmer en tant que nation crée énormément de résilience.»
Le plan d’action En action avec les Premiers Peuples se déploie
En octobre 2019, l’Université Laval confiait à Michèle Audette un rôle stratégique de conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation autochtone. L’année suivante, en décembre 2020, l’Université Laval dévoilait son plan En action avec les Premiers Peuples. Une équipe s’est alors progressivement formée pour donner vie à ce plan, qui est notamment à l’origine de la création d’un Cercle des Premiers Peuples, d’un programme de certification pour gardiennes et gardiens du territoire, de bourses de 3e cycle offertes à des personnes autochtones au doctorat et de nombreux événements rassembleurs sur le campus.
La rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours, salue le chemin parcouru ces dernières années avec les Premières Nations et Inuit. «Plusieurs personnes autochtones et non autochtones nous permettent de parcourir le long chemin vers la réconciliation et l’autodétermination des Premiers Peuples depuis l’adoption de notre plan d’action, en 2020, et nous tenions à annoncer la création du Bureau des Premiers Peuples en cette journée très symbolique », souligne la rectrice. «Les activités organisées aujourd’hui sont d’autres occasions de créer des rapprochements entre les différentes nations qui composent la communauté universitaire, dans un environnement sécurisant et accueillant, qui permet d’intégrer une dimension autochtone à notre milieu de vie et d’enseignement.»
Depuis l’adoption du plan, on compte 356 personnes issues des Premiers Peuples diplômées de l’Université Laval, toujours sur une base d’auto-identification. Dorénavant officiel, le Bureau des Premiers Peuples a pour mandat de poursuivre son accompagnement de l’ensemble des services, unités et facultés du campus dans la mise en place de moyens concrets pour favoriser l’accès aux études supérieures et de stratégies pour la réconciliation.
La directrice du Bureau des Premiers Peuples, Nadine Rousselot, se réjouit également des avancées récentes. «C’est grâce à nos jeunes que nous sommes là. C’est très significatif de leur remettre un diplôme parce qu’ils ont réussi leur certification universitaire. C’est une journée de célébration et de rassemblement, autour de la culture et des langues issues des Premiers Peuples. Tous ensemble, nous honorons l’héritage transmis par nos ancêtres pour le transmettre à notre tour. Faisons vibrer le campus au rythme de nos chants et de nos tambours afin que le savoir de nos peuples se dépose sur le site universitaire.»
Membres du Bureau des Premiers Peuples
Suzie Perron (Essipit), conseillère aux étudiantes et étudiants
Yves Sioui (Wendake), conseiller aux étudiantes et étudiants
Marie-Claude Sioui (Wendake), responsable des partenariats et des événements
Marie-Josée Dupuis, coordonnatrice aux affaires autochtones
Alexandre Dumais Dubé (Kitigan Zibi), agent de recherche et de planification
Jacynthe De Rocker (Odanak), technicienne en administration
Marie-Noëlle Charlebois, chargée de communication
Nadine Rousselot (Pessamit), directrice du Bureau des Premiers Peuples
Michèle Audette (Uashat mak Mani-utenam), adjointe à la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes et conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation des Premiers Peuples