The Times They Are a-Changin
Bien des choses ont changé en 40 ans,
mais la passion de Dominick Pallotta pour la biologie moléculaire
est demeurée intacte
1965. La structure de l'ADN est connue
depuis douze ans, Bob Dylan a lancé son album The Times
They Are a-Changin il y a un an, les États-Unis envoient
leurs premières troupes au Vietnam et Dominick Pallotta
termine ses études de premier cycle en biologie à
la State University of New York à Buffalo. Deux choix
s'offrent au jeune diplômé: la guerre ou des études
supérieures en biologie. Il choisit la vie. Quarante ans
plus tard, cet increvable chercheur carbure toujours, comme ont
pu le constater la soixantaine de personnes qui se sont massées
dans un trop petit local du Département de biologie le
16 mars pour l'entendre deviser sur les leçons que lui
ont servies ces quatre décennies en recherche.
"Les choses ont beaucoup changé, ne peut que constater
le premier professeur de biologie moléculaire de la Faculté
des sciences et de génie. Dans les années 1970,
le séquençage d'un gène exigeait plusieurs
années de travail et le résultat pouvait faire
l'objet d'un article scientifique. Aujourd'hui, on envoie notre
échantillon dans un service de séquençage
et on obtient les résultats 24 heures plus tard. Par contre,
il faut presque avoir séquencé le génome
complet d'un organisme pour espérer en tirer une publication."
Depuis 30 ans, la biologie moléculaire donne le ton à
l'évolution des sciences biologiques. "Les techniques
de clonage des gènes, les enzymes de restriction et l'ADN
recombinant ont permis une accélération des progrès
de la science, souligne Dominick Pallotta. Elles ont non seulement
été le moteur de la recherche, mais, jusqu'à
un certain point, elles l'ont aussi orientée." Même
s'il n'avait qu'une petite équipe et des moyens financiers
limités, Dominick Pallotta a réussi à faire
sa niche dans cette discipline dominée par de grands laboratoires.
"Il faut avoir beaucoup de détermination, parce que
ça ne va pas toujours bien, et puis un beau jour, tu trouves
quelque chose d'intéressant à travers la scrap."
Il ne cache pas que les sabbatiques ont été sa
planche de salut pour rester dans la course pendant toutes ces
années. "Sans ces séjours dans les grands
centres de recherche étrangers, je n'aurais pas pu suivre
l'évolution de mon domaine", réalise-t-il
aujourd'hui. Le fait d'être titulaire du cours "Progrès
récents en biologie cellulaire et moléculaire"
l'a aussi poussé à rester sur la ligne de front.
Il a donné ce cours pendant 35 ans - il l'a fait encore
cette année même s'il est officiellement à
la retraite - et il ne s'en lasse pas. "C'est intéressant
parce que, forcément, ça change chaque année",
lance-t-il en riant.
Dominick Pallotta a réussi à faire
sa niche dans une discipline dominée par de grands laboratoires
Au moment de son embauche en 1970, certains de ses collègues
actuels du Département de biologie n'étaient pas
encore nés. "Je parlais à peine deux ou trois
mots de français. Deux mois plus tard, je donnais mon
premier cours de laboratoire, et en janvier 1971, je donnais
mes premiers cours magistraux devant 200 étudiants."
La fonction de professeur universitaire a considérablement
évolué depuis, constate-t-il. "On m'avait
engagé pour enseigner la biologie moléculaire,
qui était une discipline toute nouvelle à l'époque.
Si je pouvais faire de la recherche en plus, c'était tant
mieux. Aujourd'hui, dans mon domaine du moins, les professeurs
sont engagés sur la base de leurs compétences en
recherche et on s'attend à ce qu'ils soient productifs
dès leur arrivée. Ce n'est pas facile d'être
un jeune chercheur aujourd'hui. La compétition est forte,
les organismes subventionnaires sont exigeants et la plus grande
partie de l'argent va du côté de la recherche qui
conduit à des applications."
Contre vents et marées, le professeur Pallotta a maintenu
le cap sur la recherche fondamentale. Depuis trois décennies,
il a fait de la levure et du champignon Physarum son pain
quotidien. "Il y a une universalité dans les principes
de fonctionnement des cellules de la levure jusqu'à l'être
humain. C'est ce qui fait la beauté de la vie et c'est
ce qui m'apporte le plaisir de comprendre." Le CRSNG juge
ses recherches toujours pertinentes puisqu'il lui accorde une
subvention de 60 000$ par année, ce qui lui permet de
s'entourer d'une petite équipe d'étudiants-chercheurs.
Dominick Pallotta n'a jamais décroché, ni comme
chercheur ni comme professeur, mais il n'a pas l'intention de
s'accrocher non plus. "La science évolue vite et
je vieillis. C'est essentiel pour moi de sentir que ma contribution
est significative. Je ne sais pas combien de temps je vais continuer,
mais je sais une chose: je refuse de rester pour rester."
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