Dans la caverne d'Ali Baba
Les réserves des Collections de
l'Université renferment d'étonnants trésors
Si les visiteurs qui franchissent la porte du local 0743 du
pavillon Casault devaient décrire en un seul mot leur
première impression, des termes comme bric-à-brac
et capharnaüm viendraient sûrement à l'esprit
de plusieurs. Pourtant, celle qui règne sur ces lieux
depuis presque trente ans, Gisèle Deschênes-Wagner,
peut retrouver en moins de deux minutes n'importe lequel des
500 000 objets et spécimens que renferment les réserves
des Collections de l'Université. Tout y est religieusement
rangé, selon un système de classement qu'elle a
elle-même élaboré à son arrivée
sur le campus en 1978. Pour l'instant, seulement une fraction
de ces objets est numérisée. Heureusement, tout
le reste est bien gravé dans son esprit. Elle est la mémoire
vive des Collections.
Outil d'enseignement, de recherche et de conservation du patrimoine
de l'Université, les réserves des Collections ont
des allures de caverne d'Ali Baba. Dans ce lieu où l'air
est chargé du poids de l'histoire et de vapeurs de boules
à mites s'empilent des trésors hétéroclites
que les professeurs et étudiants de l'Université
ont rapportés de leurs expéditions aux quatre coins
du globe depuis la fondation de l'Université en 1852,
et des objets encore plus anciens légués par le
Séminaire de Québec. Fossiles, insectes, oiseaux,
mammifères y côtoient des objets de valeur archéologique,
anthropologique et ethnologique, des oeuvres d'arts et des instruments
scientifiques anciens.
Du fossile à l'alambic
On trouve vraiment de tout dans ces réserves. Le plus
ancien spécimen? Un fossile de mollusque qui date de 347
millions d'années. Le plus vieux spécimen biologique?
Un insecte récolté au Québec en 1843 par
le naturaliste américain William Cooper. L'objet le plus
inusité? Une rondelle de hockey que l'astronaute Marc
Garneau avait apportée avec lui dans l'espace. Le plus
ancien objet de fabrication humaine? Des outils en silex qui
datent d'environ 100 000 ans trouvés lors de fouilles
effectuées en France dans les années 1910. Les
objets dont la provenance est la plus lointaine? Des météorites.
L'oeuvre d'art la plus précieuse? La troisième
partie d'un triptyque de Jean Dallaire, prêtée au
Musée national des Beaux Arts du Québec. L'objet
le plus souvent emprunté? Un geai bleu, utilisé
comme modèle dans les cours de dessin. Les spécimens
scientifiques les plus en demande? Les 1 100 espèces-types
d'insectes découvertes et décrites par l'abbé
Léon Provancher, qui servent de référence
aux entomologistes à travers le monde. L'objet le plus
illicite? Un alambic fabriqué par un professeur. "L'objet
est fiché par la Gendarmerie royale du Canada et nous
n'avons pas le droit de le laisser sortir des réserves",
précise la conservatrice. Le plus beau spécimen?
"Je les aime tous, mais j'ai un faible pour un oiseau, le
savacou huppé. Il a un air coquin. On dirait un gendarme!"
Les réserves accueillent, bon an mal an, quelque 150 chercheurs
et étudiants qui viennent consulter les collections. "La
demande croît continuellement", signale la conservatrice.
Les objets et spécimens ne servent pas uniquement à
l'enseignement et à la recherche. À l'occasion,
certains sont prêtés à des musées
le temps d'une exposition. C'est ainsi que l'an dernier, des
vitraux médiévaux, achetés en France dans
les années 1970 par deux professeurs, et des lampes hellénistiques
se sont retrouvés dans les expositions Gratia Dei
et La lumière au Musée de la civilisation.
Une centaine d'objets sont ainsi prêtés chaque année,
estime la conservatrice. À l'occasion, Gisèle Deschênes-Wagner
accepte de faire visiter les lieux à des petits groupes
d'intéressés. "Les collections suscitent la
curiosité, mais il faut garder à l'esprit que nous
ne sommes pas un musée, mais bien des réserves."
Sur le plan administratif, cette unité relève de
la Bibliothèque. Tout le travail est assuré par
une petite équipe de trois personnes: la conservatrice,
la secrétaire Dyane Marcotte, et le professeur Jean-Marie
Perron, qui agit comme conservateur associé bénévole
depuis son départ à la retraite en 1996.
Même si la cour est pleine, les Collections continuent
de s'enrichir année après année. En 2005,
quelques centaines d'oeuvres d'art et 15 000 nouveaux insectes
se sont ajoutés à ce patrimoine. La conservatrice
fait elle-même un peu de prospection. "L'équipe
d'entretien ménager du Service des immeubles m'avise lorsque
son personnel découvre des instruments scientifiques qui
pourraient avoir une valeur patrimoniale dans les poubelles du
campus". Pour être intégrés aux Collections,
les objets doivent toutefois répondre aux critères
énoncés dans la Politique d'acquisition et de conservation
des oeuvres d'art de l'Université, précise-t-elle.
"Nous n'acceptons que les objets qui ont une valeur patrimoniale
ou scientifique et qui sont en lien avec nos programmes d'enseignement
et de recherche." À noter que, comme il n'y a pas
de budget d'acquisition, tous ces "nouveaux" objets
proviennent de généreux donateurs qui veulent assurer,
à leur façon, la suite du monde.
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