Une région à rebâtir par le savoir En trois ans, la Chaire multifacultaire de recherche et d'intervention sur la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine a mené une dizaine de projets à terme. Une demi-douzaine d'autres sont en cours de réalisation. Marie-Élise Roy est étudiante à la maîtrise en sciences forestières. Dans le cadre du mémoire qu'elle vient de déposer, elle a conçu une grille d'analyse qui peut permettre l'implantation, en forêt publique, de fermes forestières en métayage. Sa recherche s'est déroulée en partie au sein de la Chaire multifacultaire de recherche et d'intervention sur la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine où elle a bénéficié de données relatives au projet "Estran-Agenda 21". Ce projet de longue haleine de la Chaire met en commun citoyens et universitaires dans la recherche de solutions de développement. Il vise la revitalisation sociale, économique et environnementale, par la concertation et l'éducation, de l'Estran, un territoire côtier long d'une cinquantaine de kilomètres compris entre les municipalités de Manche-d'Épée et de Saint-Yvon où vivent quelque 3 000 personnes. "L'approche développée par l'étudiante est très novatrice, indique Laval Doucet, professeur à la retraite de l'École de service social et titulaire de la Chaire. En Gaspésie, on se prépare maintenant à voir comment passer de l'idée sur papier à sa matérialisation sur le terrain." Des propositions facultaires Avec la participation de professeurs et d'étudiants, la Chaire mène divers projets d'étude, de recherche et d'intervention sur le terrain à partir de propositions facultaires. Elle a vu le jour en décembre 2002 avec la contribution de quatre facultés, soit celle d'Aménagement, d'architecture et des arts visuels, son port d'attache, et celles des Sciences de l'administration, de Foresterie et de géomatique, et des Sciences de l'agriculture et de l'alimentation. "La Chaire s'ouvre à d'autres facultés, souligne Laval Doucet. Des pourparlers sont en cours avec des professeurs de la Faculté des sciences et de génie, plus précisément du Département de génie mécanique et du Département de génie électrique, relativement à l'industrie éolienne de plus en plus présente en Gaspésie." Les activités de la Chaire comprennent un important volet consacré aux stages ainsi qu'un volet incitatif qui, en partenariat avec la Fondation communautaire Gaspésie-Les Îles, facilite l'installation, dans ces régions, de diplômés de cégep et d'université.
En trois ans, une dizaine de projets ont été menés à terme. Deux d'entre eux provenaient de la Faculté des sciences de l'administration. Ils ont porté, d'une part, sur l'établissement de diagnostics d'entreprise et, d'autre part, sur l'identification des besoins prioritaires de dirigeants d'entreprises. "En un an et demi, soit jusqu'en décembre dernier, 36 équipes d'étudiants de premier et de deuxième cycles représentant près de 160 personnes ont visité 36 entreprises de la Gaspésie et des Îles, explique Laval Doucet. À l'origine, il ne devait y avoir que 12 entreprises visitées. Mais le succès des premières interventions fut tel que nous avons obtenu l'argent nécessaire de la Fondation pour répéter l'opération à deux reprises. Les étudiants ont identifié certains problèmes prioritaires, principalement dans le domaine de la gestion, proposé des possibilités de solution et fait des suivis de la mise en place de ces solutions."
Le deuxième projet s'est déroulé l'été dernier. Au moyen d'un sondage scientifique, 601 entrevues téléphoniques ont été réalisées auprès de dirigeants d'entreprise dans le but de connaître leurs besoins et leurs aspirations. "Cette étude révèle des préoccupations de différentes natures comme le développement de nouveaux marchés et l'insuffisance des clientèles, souligne Yvon Gasse, professeur au Département de management et directeur du Centre d'entrepreneuriat et de PME à la Faculté des sciences de l'administration (FSA). Il ressort, entre autres, une problématique au niveau de la relève. Plusieurs des entreprises ont entre 20 et 25 ans d'existence. Or, bien souvent, les enfants ne sont pas intéressés à prendre la relève de leur père ou mère à la tête de l'entreprise. Ou bien, les dirigeants ne trouvent pas de personnes intéressées à racheter l'entreprise." Le manque de main-d'uvre qualifiée constitue un deuxième problème. "Ce problème est en général celui des PME, précise le professeur, mais en Gaspésie il apparaît beaucoup plus crucial, entre autres chez les fabricants d'éoliennes qui ont besoin de soudeurs pour monter leurs tours. Mais ce type de formation n'est pas valorisé en Gaspésie." Un troisième problème consiste en l'éloignement géographique. "Les entrepreneurs disent que le transport et les communications leur coûtent plus cher qu'ailleurs parce qu'ils sont loin des marchés et des fournisseurs. Ils demandent l'aide des gouvernements sous forme de crédits d'impôt." Agriculture multifonctionnelle, village-parc et "paysage humanisé" Une demi-douzaine de projets sont actuellement en marche à la Chaire. Le plus considérable rallie 12 partenaires pour une mise de fonds et des services professionnels totalisant plus d'un quart de million de dollars. Il consiste en la mise en valeur de l'espace rural de la MRC Rocher-Percé par la multifonctionnalité de l'agriculture. Un autre projet vise à concevoir et à mettre en place un village-parc qui prolongerait le Parc de la Gaspésie jusqu'à la mer, en jouxtant la municipalité de Mont-Saint-Pierre. "Ce projet constitue l'aboutissement d'un travail qui remonte à plus d'un an et demi en vue d'implanter un Agenda-21 en Haute-Gaspésie, indique Laval Doucet. Au début de la semaine de lecture, nous avons rencontré les représentants de la municipalité et les choses s'annoncent très bien." Un troisième projet vise, à terme, à implanter un premier "paysage humanisé" au Québec. Un "paysage humanisé" a pour objectif de protéger certains territoires habités remarquables tout en permettant la poursuite et l'évolution des activités humaines. Le projet consiste à déterminer la faisabilité, dans l'Estran, d'un tel concept. Le projet-pilote est financé en partie par le ministère québécois du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Le concept avait fait l'objet du mémoire de maîtrise de Véronique Audet à l'École supérieure d'aménagement et de développement.
De septembre 2004 à septembre 2005, plus de dix projets de recherche et d'intervention, dont six de la Faculté des sciences de l'administration, ont suivi leur cours en Gaspésie et aux Îles. Les engagements financiers totalisaient près de 900 000 $. La Chaire a ouvert un bureau régional durant cette période au Cégep de Gaspé. Durant cette période également, Laval Doucet s'est rendu à seize reprises sur le territoire pour un séjour total de 88 jours. "J'ai toujours hâte de me rendre là-bas, dit-il. On sent que les décideurs, au niveau intermédiaire comme au niveau supérieur, sont derrière nous. Les directeurs généraux des quatre constituantes du Cégep agissent comme nos agents de liaison. Notre crédibilité me semble bonne et je suis très optimiste pour l'avenir." Pour plus d'information sur les travaux de la Chaire: www.gaspesie-les-iles.chaire.ulaval.ca/ | |