
Univers parallèles
Les voix uniques de trois jeunes diplômés
de l'École des arts visuels
Il suffit de pousser la porte de la Galerie des arts visuels
ces jours-ci pour pénétrer brusquement dans trois
univers artistiques différents. En pleine lumière,
les toiles de grande dimension de Thierry Bossé-Arcand
racontent une histoire très colorée aux accents
de pop art. Au fond de la salle, les tableaux sur bois de Catherine
Hébert préfèrent chuchoter leurs d'états
d'âme, tandis que les compositions de Josée Landry-Sirois
déclinent leurs variations autour du récit amoureux
d'une manière très personnelle. Trois artistes,
trois voix distinctes qui illustrent bien la diversité
de l'art contemporain. Et, surtout, le travail constant pour
se forger un style personnel petit à petit.
D'abord attiré par l'univers de la bande dessinée
et du dessin, Thierry Bossé-Arcand épure de plus
en plus ses tableaux et se concentre sur un seul sujet. Une de
ses toiles représente un bonhomme "Playmobil"
très agrandi aux couleurs éclatantes. Ce jouet
s'est imposé à lui alors qu'il découvrait
avec fascination les nombreux spécimens du fabricant.
"Pour moi, ils représentent le bonheur parfait, l'aspiration
à un monde idéal, avec leur sourire identique,
leurs yeux marron semblables", ironise le jeune homme. À
l'entendre, on devine que cet univers est fragile et tout en
surface puisque le personnage ne nous laisse rien deviner de
ses pensées. D'aspect hyperréaliste et très
précises de loin, ses toiles, vues de près, font
fi d'un certain idéal de façade. L'immense pièce
de viande qui occupe le tableau rouge Steak numéro
3 perd ainsi son aspect carnassier lorsqu'on observe les
volutes de blanc et de rouge composant sa chair. Brusquement,
la couleur reprend ses droits et impose sa vision, sans se soucier
de référer à la vie ou au sang.
Hasards de composition
Cet univers très tonique semble aux antipodes de la
série d'images sur bois à priori très tranquilles
de Catherine Hébert formant une longue ligne sur deux
murs de la galerie. Cette dernière se risque pourtant
dans des sujets graves, comme ce coup d'il dessiné sur
la noyade d'un homme dans un lac. Utilisant des planches trouvées
au hasard de ses promenades, la jeune femme s'inspire des accidents
du bois pour construire ses récits.
Un triangle manquant sur l'un des panneaux devient, par exemple,
l'image d'une montagne sur plusieurs autres supports. Les trous
dans la surface se transforment brusquement en fruits de cet
arbre gravé. Les moitiés d'un visage peint se contemplent
l'une l'autre. À ses yeux, ces images de phares, d'arbres
nus et parfois d'oiseaux de passage représentent autant
d'états d'âme comme la solitude, l'espoir, la fuite
ou l'amour. "Certains pensent que le Sacré-Cur que
je dessine sur plusieurs tableaux symbolise la religion, mais
je ne suis pas marquée par ces références,
confie Catherine Hébert. En fait, pour moi, il s'agit
plutôt de la vie, de l'amour." Un thème que
Josée Landry-Sirois connaît bien. Elle parsème
ses compositions, constituées de photographies et d'images
reproduites, de symboles amoureux comme des chandelles, des curs,
des mots tendres. "Parfois, c'est la répétition
d'un même mot comme "amour" qui finit par devenir
dérisoire, souligne-t-elle, comme ces papiers trouvés
dans les biscuits chinois qui disent: "Vous êtes unique
parmi tant d'autres". Bien sûr, cela peut paraître
futile mais, en même temps, c'est plein d'espoir."
Comme le Petit Poucet, l'artiste parsème ses oeuvres d'objets
déjà utilisés, accumulés parfois
depuis des années comme ces papiers de bonbon ou ces allumettes
à moitié brûlées. Des traces, à
l'entendre, de ces petites fins qui jalonnent sa vie, de moments
qui ne se reproduiront plus. Une horloge en forme de cur et faite
d'allumettes usagées, tracée sur le mur, capture
les moments intenses tout comme ceux qui s'éteignent.
Au public de trouver sa place sur la roue chiffrée du
tendre.
L'exposition "Vous êtes uniques parmi tant d'autres"
se tient jusqu'au dimanche 12 mars à la Galerie des arts
visuels, édifice de la Fabrique, 255 boulevard Charest
Est, du mercredi au vendredi de 11 h 30 à 16 h 30 et les
samedi et dimanche de 13 h à 17 h.
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