
Un bagage pour le succès
Des diplômés de la Faculté
de philosophie échangent sur leur expérience en
milieu de travail
Au bout de quelques mois ou de quelques années, les
étudiants inscrits en philosophie finissent invariablement
par se faire demander à quoi peuvent bien servir leurs
études. À moins qu'eux-mêmes s'interrogent
avec angoisse sur leur avenir au bout du diplôme. C'est
justement pour leur permettre de répondre à quelques-unes
de ces questions et démontrer que cette discipline ouvre
bien des portes que Victor Thibaudeau, directeur des programmes
de premier cycle à la Faculté de philosophie, a
organisé un colloque le 17 février dernier. À
son invitation, des diplômés de la Faculté,
aujourd'hui professeurs, avocat, médecin, conseiller pédagogique,
conseiller en éthique ou coordonnateur scientifique, ont
partagé leur expérience avec des étudiants
et des conseillers d'orientation.
"Gardien de l'émerveillement et de l'étonnement."
Voilà comment Stéphane Giguère résume
le poste de coordonnateur scientifique à l'Astrolab qu'il
occupe au Parc du Mont-Mégantic. Depuis sept ans, il gère
l'animation de ce centre d'activités en astronomie dédié
au grand public. "J'aime amener les gens en voyage en regardant
le ciel étoilé, leur faire découvrir le
miracle du réel dont la vie fait partie", s'enthousiasme
ce diplômé en philosophie. Titulaire d'une maîtrise
portant sur les êtres humains et le cosmos, il pensait
devenir animateur d'un été à l'Astrolab,
mais ses employeurs ont préféré l'embaucher
pour s'occuper de l'ensemble de l'équipe. "Je suis
persuadé que mon baccalauréat en philosophie a
impressionné les gens qui faisaient passer l'entretien,
explique-t-il, car à leurs yeux cela constituait un gage
d'écriture de qualité, de bonne analyse et de perspective
historique."
Très heureux du tournant qu'a pris sa vie, le coordonnateur
scientifique constate que son bagage philosophique lui facilite
grandement la tâche lorsqu'il s'agit de monter des présentations,
d'écrire un synopsis de film ou même d'aider les
autres à clarifier leurs idées lors d'une réunion.
Pierre Villeneuve, médecin à l'urgence de Hôpital
de La Tuque depuis une quinzaine d'années, se félicite
aussi d'avoir commencé sa carrière d'étudiant
par la philosophie. "En médecine, on est constamment
bombardé d'informations, de consignes, on n'a pas vraiment
le temps de développer une réflexion critique,
raconte-t-il. Mon baccalauréat en philosophie m'a aidé
à prendre du recul avant de plonger dans la fosse aux
lions." Cette distance lui sert aujourd'hui lorsque des
policiers amènent dans son service un patient suicidaire
potentiellement violent. Il prend alors le temps de réfléchir
aux droits de celui que les règles en vigueur autorisent
à priver de sa liberté manu militari.
La passion de l'éthique
C'est un cours d'été en philosophie qui a changé
l'orientation professionnelle d'Emmanuelle Trottier, alors que
ses études la portaient jusque-là vers l'international
et la science politique. Sans trop savoir où cela la mènerait,
elle a poursuivi une maîtrise sur les soins palliatifs
et l'euthanasie pour finalement devenir conseillère en
éthique au Conseil de la science et de la technologie.
"Il faut avoir les nerfs solides et confiance en ses choix
quand on étudie en philosophie, remarque la jeune femme,
car c'est difficile de se définir professionnellement.
Mon père m'a encouragée à choisir ce que
j'aimais. Aujourd'hui je suis bien contente, car l'éthique,
j'en mange!" Comme bien d'autres avant elle, elle constate
que la capacité d'analyse développée en
se confrontant aux différentes thèses philosophiques
l'aide grandement lorsqu'il s'agit de bâtir un avis sur
un point d'éthique particulier en combinant le contenu
d'une énorme sélection d'articles et les avis scientifiques.
Une facilité que partage Stéphane Delisle, qui
raconte avoir mené à terme sa maîtrise à
l'École nationale d'administration publique (ÉNAP)
"les yeux fermés". "Mes lectures lors de
mon autre maîtrise en philosophie m'avaient très
bien préparé à l'aridité et à
la complexité de certains textes, ainsi qu'à organiser
mes idées de façon logique", explique cet
agent de recherche en leadership à l'ÉNAP. Après
plusieurs contrats de remplacement au cégep, il a finalement
constaté que l'enseignement ne le satisfaisait pas, et
renoué avec bonheur avec la recherche.
Un choix différent de celui des professeurs Sylvain Auclair
et Sophie-Jan Arriens. Dès la fin de son baccalauréat,
le premier, aujourd'hui professeur de philosophie au Cégep
de Sainte-Foy, a préparé sa future carrière
en donnant des conférences et en fréquentant régulièrement
les salles de cours au collégial jusqu'à ce qu'un
premier poste lui soit offert. Sophie-Jan Arriens a décidé
pour sa part d'opter pour le métier de professeure au
bout de cinq ans de doctorat. "J'ai toujours considéré
mes études très intenses en philosophie comme un
moyen et non une fin, confie cette enseignante à la Faculté
de philosophie de l'Université Laval. Finalement, cela
m'a donné beaucoup de liberté dans ma façon
de travailler." Avec le recul, elle constate toutefois que
ses choix d'étudiante l'ont conduite naturellement vers
l'enseignement. Ses conseils? Obtenir le plus de bourses possible,
confronter ses idées dans d'autres universités,
et surtout entretenir des liens avec les enseignants.

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