
Dessine-moi un peptide
Des chercheurs font appel à un logiciel
de création d'images et à une imprimante à
jet d'encre pour améliorer les greffes de prothèses
artérielles!
Virginie Gauvreau et Gaétan Laroche ont mis au point
une technique qui pourrait imprimer une tournure intéressante
à la recherche sur les biomatériaux. Les deux chercheurs
du Centre de recherche de l'Hôpital Saint-François
d'Assise du CHUQ ont eu la surprenante idée de faire appel
au logiciel de création d'images Adobe Illustrator
et à une imprimante à jet d'encre Hewlett-Packard
pour littéralement créer et imprimer de très
fines couches de peptides (de courtes chaînes d'acides
aminés). Leur but? Tester différents patrons de
peptides afin de trouver celui qui permettra de réduire
les problèmes qui surviennent chez la majorité
des patients à qui l'on implante une prothèse artérielle
de faible diamètre. "Environ 85 % de ces patients
ont des problèmes d'hémocompatibilité dans
les quatre premières années qui suivent la chirurgie
de sorte qu'ils doivent être réopérés",
signale le professeur Laroche.
Les prothèses artérielles sont des tubes faits
d'un polymère de téflon qui a la texture du plastique.
Lorsque le sang entre en contact avec le téflon, un processus
de coagulation s'enclenche, obstruant la circulation sanguine.
Le passage du sang est également entravé par les
cellules musculaires lisses de l'artère qui envahissent
la prothèse plus rapidement que les cellules qui tapissent
normalement les vaisseaux sanguins (cellules endothéliales).
Gaétan Laroche croit qu'il y a moyen de prévenir
ce problème en enduisant l'intérieur des prothèses
artérielles d'une couche de peptides qui favoriserait
la migration, l'adhésion et la prolifération préférentielle
des cellules endothéliales provenant de l'artère
à laquelle elle est rattachée. Une fois installée
dans le corps du patient, la prothèse améliorée
se tapisserait d'une couche de cellules endothéliales
propres au patient, ce qui préviendrait les problèmes
d'hémocompatibilité, explique le professeur de
Département du génie des mines, de la métallurgie
et des matériaux.
Mais encore fallait-il mettre la main sur des films de peptides
capables de faire le travail. "Virginie Gauvreau a eu l'idée
de créer différents micropatrons de peptides à
l'aide du logiciel Adobe Illustrator et de les imprimer
en remplaçant l'encre des cartouches par des peptides
en solution", raconte le professeur. En théorie,
ce procédé permet de déposer 1000 gouttes
distinctes de peptides par centimètre carré.
L'idée tient la route, comme en fait foi l'article que
signent les deux chercheurs dans une récente édition
de Bioconjugate Chemistry. Grâce à leur méthode,
ils ont créé plusieurs types de patrons à
partir de cinq peptides distincts et ils les ont imprimés
sur un film de téflon. Par la suite, ils ont placé
chacun de ces films dans un milieu de culture contenant des cellules
endothéliales. "Nous avons d'abord prouvé
que les cellules croissent mieux sur des peptides disposés
en patrons plutôt qu'aléatoirement, et nous avons
ensuite découvert un micropatron composé de deux
peptides qui favorise l'adhésion et l'étalement
des cellules endothéliales, résume le professeur
Laroche. Il fallait procéder par essai et erreur et nous
avons été chanceux."
Une fois la faisabilité du concept établie, les
chercheurs devaient régler un problème technique
de taille: comment reproduire le patron de peptides à
l'intérieur d'un tube de moins de 5 millimètres
de diamètre plutôt que sur une surface plane? Un
étudiant-chercheur de l'équipe, Louis Gagné,
a trouvé une façon d'y arriver par traitement chimique
de la surface du téflon suivi d'une application aérosol
des peptides.
Les chirurgiens qui utilisent des biomatériaux sont assez
conservateurs, souligne le professeur Laroche qui demeure tout
de même confiant de parvenir à les convaincre de
l'intérêt des prothèses artérielles
enduites de peptides. "Les améliorations apportées
aux prothèses seront imperceptibles par les chirurgiens
et leur protocole opératoire restera le même. Il
ne nous reste plus qu'à trouver un moyen pour réprimer
la croissance des cellules musculaires lisses et nous aurons
quelque chose d'intéressant à leur proposer",
estime-t-il.
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