
La force du miroir
Le LANTISS accueille un spectacle éclaté
qui puise ses forces dans la réalité de l'image
et de son double
Pour pouvoir apprécier à sa juste valeur la
performance offerte par 26 étudiants et étudiantes
de l'École des arts visuels le 17 février au Laboratoire
des nouvelles technologies de l'image, du son et de la scène
(LANTISS), il faut laisser ses idées préconçues
sur le théâtre au vestiaire, avoir l'esprit libre
et surtout, être prêt à recevoir des images
aussi fortes que déconcertantes. En effet, les étudiants
qui évoluaient dans le cadre du cours "Arts visuels
et expérimentation théâtrale" y sont
allés à fond de train sur les rails du jeu et de
l'espace scénique, lancés à toute vitesse
sur la voie de la créativité.
"Dès le départ, les étudiants ont
embarqué avec enthousiasme dans le projet", signale
Ludovic Fouquet, professeur invité à l'École
des arts visuels et responsable du cours. "Pour élaborer
le spectacle, ils ont étudié l'histoire de l'image
à travers les siècles. Ils se sont penchés
sur différents concepts comme le double, le miroir, le
visage, le masque et la silhouette, traversant des zones d'ombre
et de lumière, au gré de leurs découvertes.
Les nouvelles technologies leur ont permis de revisiter en quelque
sorte l'image. La performance qu'ils ont donnée le 17
février en est une très belle illustration."
Ombres chinoises, statues égyptiennes, linceuls vivant,
miroirs éteints, photographies anciennes, retours en arrière
sur ce qui a été et sur ce qui n'est plus: voilà
qui résume ce spectacle parfois déroutant mais
vibrant de sensibilité, dont certains passages vont droit
au cur. Par exemple, cette jeune fille qui tient un discours
décousu, tandis qu'apparaît en arrière-plan
une vieille femme aux mêmes propos incohérents.
On devine alors que cette femme aujourd'hui lourdement handicapée
par la maladie mentale a été un jour jeune et belle.
Du reste, rien ne sépare ces deux êtres sauf quelques
années. Elles finiront par se rejoindre dans une douce
folie, ne faisant plus qu'une dans cette amnésie qui les
mènera au bord du gouffre.
L'oubli du blanc
Plus tard, une autre jeune fille présente un cliché
vieux d'un siècle représentant ses ancêtres.
Cette photo lui servira de prétexte à raconter
un événement vécu par une parente décédée
dans des circonstances tragiques. Au fil du récit, un
véritable transfert s'opérera entre celle qui est
et celle qui n'est plus, entre la vie et la mort, abolissant
le fossé des générations. Il faut parler
également de cet étrange ballet d'écrans
où les images s'évanouissent pour mieux renaître
et où des silhouettes venues de nulle part retournent
se perdre dans l'au-delà. Force du miroir, force du double.
"Je marche dans l'oubli du blanc. Ne plus chercher l'ombre
mais le reflet", martèle une voix. Sons et lumières,
musique souvent interrompue. Qui sommes-nous? Quelle est la part
de vérité entrevue dans cette vie? Hypnotisés
par leur image, les êtres humains se croisent sans se toucher,
dans un fondu enchaîné qui s'éternise. Troublant.
Fondé en avril 2004 et situé au pavillon Louis-Jacques-Casault,
le LANTISS est un lieu d'expérimentation de nouvelles
approches combinant arts et technologie. Il abrite des équipements
très sophistiqués comme des systèmes de
captation et de traitement vidéo, de spatialisation sonore
et visuelle, de contrôle des mécaniques de scène
et d'application en robotique, de poursuite d'éclairage
et de projection vidéo guidés par télédétection.
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