
Accoucher ou se faire accoucher?
La femme qui s'apprête à donner
naissance à un enfant a des droits qu'il faut respecter
"Nul ne peut être soumis sans son consentement
à des soins, quelle qu'en soit la nature, qu'il s'agisse
d'examens, de prélèvements, de traitements ou de
toute autre intervention", stipule l'article 11 du Code
Civil du Québec. La femme qui se prépare à
accoucher est-elle suffisamment respectée dans ce droit?
La situation de vulnérabilité particulière
dans laquelle elle se trouve vient-elle brimer son droit à
l'autonomie et à l'information quant aux soins qui lui
seront prodigués?
C'est cette question qu'examine Marlène Cadorette, dans
sa thèse de doctorat en droit portant sur les images de
l'implication des femmes dans les décisions des soins
lors de l'accouchement. Pour les fins de son étude, la
juriste a demandé à 16 primipares ayant accouché
depuis 6 à 9 semaines de faire le récit de leur
accouchement. Elle a également mené des entrevues
auprès de soignants en obstétrique (médecins
et infirmières). "Pour qu'un consentement soit libre
et éclairé, on ne doit exercer aucune pression
sur la patiente, explique Marlène Cadorette. Cette pression
peut parfois prendre des formes très subtiles."
Et de citer cet exemple où une femme ayant demandé
à changer d'infirmière parce que celle-ci lui parlait
trop fort, lui touchait souvent au ventre et lui faisait mal,
a vu son désir relégué aux oubliettes. Ou
cette autre femme qui s'est résignée à accepter
l'épidurale, l'infirmière insistant sur la lenteur
des contractions et sur le fait que sa patiente semblait beaucoup
souffrir. Ou cette autre encore qui finira par dire oui à
la césarienne, sous la pression du personnel soignant
qui la juge trop épuisée pour poursuivre l'accouchement
de façon naturelle. "Les femmes m'ont affirmé
qu'elles n'avaient pas toujours le contrôle de la situation",
révèle Marlène Cadorette, qui convient toutefois
que le médecin est tout à fait en droit d'intervenir
quand la santé de la mère ou du ftus est en danger.
"Elles disent également manquer d'informations, ajoute-t-elle.
Dans ce processus exigeant qu'est l'accouchement, les femmes
souhaitent recevoir une information juste et claire, et ce sans
qu'elles aient toujours à le demander expressément,
sur l'avancement du travail, l'état de l'enfant, les effets
secondaires des interventions et des médicaments prescrits
pendant l'accouchement, etc. C'est une question d'autonomie."
Cochez oui, cochez non
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les femmes
n'arrivent pas également informées lorsqu'elles
se présentent à l'hôpital pour accoucher,
toutes n'ayant pas suivi des cours prénataux. D'où
l'importance d'un suivi adéquat du médecin durant
la grossesse qui devra prendre le temps de répondre à
toutes les questions de sa cliente. Selon Marlène Cadorette,
l'un des outils permettant aux femmes d'améliorer leur
consentement libre et éclairé lors de l'accouchement
est le plan de naissance, document où elles indiquent
objectivement le type d'expérience qu'elles souhaitent
vivre, à l'abri de toute pression extérieure.
Pour avoir la chance d'être suivi, note cependant Marlène
Cadorette, ce plan doit être proposé aux femmes
enceintes à partir du milieu où elles accoucheront,
la chercheure ayant remarqué des réticences chez
certains soignants face à ce document et à son
contenu, lorsqu'il provient d'un autre centre hospitalier. "L'accueil
favorable d'un plan de naissance constitue un excellent point
de départ pour l'établissement d'une confiance
réciproque dans un contexte où, très souvent,
la soignée et le soignant ne se connaissent pas",
estime Marlène Cadorette.
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