
Des restes dans le frigo
Des sociologues dressent pour la première
fois un inventaire potentiel des sites abandonnés d'exploration
minière au Nunavik
Avant l'adoption de la Loi sur la qualité de l'environnement,
en 1976, au Canada, les compagnies minières qui venaient
faire de la prospection au Nunavik n'étaient pas tenues
de nettoyer les sites exploités et pouvaient y laisser
de l'équipement lourd sans s'inquiéter des conséquences
de leurs actes sur la nature. Avec le résultat qu'aujourd'hui,
des tonnes de déchets de toutes sortes jonchent le sol
du Nunavik. La liste de ce que ces compagnies ont laissé
derrière elles fait frémir: cabines de forage,
tracteurs, motoneiges, câbles, camions, boîtes de
conserve, sans compter des produits toxiques comme l'huile, l'essence
et le kérosène.
En 1999, trois membres de la Chaire de recherche du Canada sur
la condition autochtone comparée, Gérard Duhaime,
Nick Bernard et Robert Comtois, ont mis sur pied un projet pilote
afin d'identifier ces sites pouvant représenter un danger
pour la santé humaine et pour l'environnement. Leur but:
discuter avec le gouvernement fédéral des impacts
potentiels associés aux sites et entreprendre des actions
afin de limiter les dégâts. "Nous voulions
obtenir le plus de renseignements possible afin de déterminer
le nombre de sites abandonnés, leur localisation et, surtout,
cibler ceux qui contenaient des substances toxiques, explique
Nick Bernard. Mais comme le Nunavik, avec ses 500 000 km2, est
un territoire immense aussi vaste que l'Espagne, la chose était
loin d'être facile." Le survol aérien et l'imagerie
par satellite s'étant avéré des opérations
coûteuses et parfois fastidieuses - le couvert de neige
rendant problématique l'identification des sites
ce sont les témoignages d'informateurs clés recrutés
parmi les habitants des municipalités, conjugués
aux données figurant dans le Catalogue des gîtes
minéraux du Québec qui ont mis les chercheurs sur
la piste des sites potentiels.
Des bombes à retardement
Le Nunavik compte actuellement 595 sites potentiels d'exploration
minière contenant de l'équipement lourd et toutes
sortes de déchets ayant été abandonnés
durant les travaux menés avant 1976. De ce nombre, 196
sites comportent de gros barils d'huile. "On ne peut certifier
vraiment si ces barils sont pleins, précise Nick Bernard.
Mais s'ils le sont et qu'ils se brisent, ce pourrait être
une véritable bombe à retardement. L'huile pourrait
se répandre dans la nappe phréatique, avec toutes
les conséquences d'un tel déversement sur l'environnement
et sur la santé des humains. Et on peut sans peine imaginer
que d'autres types de produits chimiques pourraient se déverser
dans la nature."
Depuis 2000, plusieurs groupes environnementalistes demandent
que le gouvernement fédéral entreprenne des actions
afin de nettoyer les sites, de rappeler Nick Bernard. En 2004,
le gouvernement fédéral a débloqué
des fonds pour nettoyer les sites. "Notre inventaire suggère
qu'il reste beaucoup à faire pour redresser les négligences
du passé et harmoniser le développement économique
avec des enjeux sociaux et environnementaux", conclut Nick
Bernard.

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