
Quand l'ARN se tait
Le chercheur Martin Simard publie dans Science
un poster sur des molécules qui réduisent l'ARN
au silence
Lorsqu'on l'interroge sur les raisons qui ont amené
la revue Science à le contacter pour la production
d'un poster sur les petits ARN non codants, Martin Simard hésite,
brode, tourne autour du pot. Le jeune chercheur du Centre de
recherche en cancérologie prend tous les détours
possibles pour ne pas admettre qu'il est l'un des experts du
domaine. Pourtant, s'il ne l'était pas, pourquoi diable
Science lui aurait-il confié la tâche titanesque
de résumer schématiquement toutes les connaissances
importantes touchant ces molécules qui révolutionnent
la biologie cellulaire depuis quelques années?
Il y a un peu plus d'un an, les responsables de Science,
qui préparaient un dossier spécial sur l'ARN, ont
invité Martin Simard et György Hutvagner, de l'University
of Dundee School of Life Sciences en Écosse, à
produire, avec l'aide d'une équipe de la revue, une synthèse
visuelle des connaissances sur les petits ARN non codants, des
molécules particulièrement chaudes en biologie
moléculaire. Le résultat, paru dans l'édition
du 2 septembre de la revue américaine, est un grand poster
détachable qui pourrait bien se retrouver sur les murs
de nombreux labos à travers le monde sous peu. "Ça
a été une super expérience, mais il a fallu
y mettre beaucoup plus de temps que prévu, admet le chercheur
rattaché à la Faculté de médecine.
Nous avons travaillé l'équivalent d'un mois à
temps plein pour rassembler toutes les connaissances sur le sujet
et pour peaufiner la présentation. Comme pour un article
scientifique, le travail a été revu par des arbitres
qui ont suggéré des corrections."
Le poster décrit les fonctions et les modes d'action de
deux classes de petits ARN non codants, les microARN (miRNA)
et les coARN interférents (siRNA). Ces courts segments
de nucléotides, qui se trouvent aussi bien chez la plus
humble des levures que chez le plus prétentieux des hommes
- une preuve manifeste de leur rôle fondamental dans la
cellule interagissent avec l'ARN qui transporte l'information
génétique entre le noyau et le site de production
des protéines. Du coup, ils contrôlent l'expression
des gènes. On leur attribue également des fonctions
dans la stabilité du génome et dans la protection
contre les virus. Côté recherche, la synthèse
d'ARN non codants en laboratoire a fait exploser l'étude
de la fonction des gènes depuis cinq ans. Côté
médical, on envisage leur recours pour interférer
avec la progression de certaines maladies, notamment les cancers.
Martin Simard admet avoir beaucoup appris en réalisant
cette synthèse visuelle qui donne une vue d'ensemble de
toutes les fonctions connues des petits ARN non codants, et qui
met également en lumière les questions névralgiques
encore sans réponse. "Je crois que le poster sera
utile aux chercheurs qui s'intéressent déjà
au sujet, et j'espère qu'il incitera les autres chercheurs
à se poser des questions sur le rôle que les petits
ARN non codants peuvent jouer dans les sentiers métaboliques
qu'ils étudient."
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