Ne touchez pas au système
La compassion, l'hospitalité et la solidarité
doivent continuer à guider les intervenants du réseau
québécois de la santé
Depuis des années au Québec, les partis politiques
qui aspirent à prendre le pouvoir tablent sur l'amélioration
du système de santé public pour remporter la faveur
des électeurs. Mais les gouvernements se succèdent
et le problème des listes d'attente et des urgences débordées
subsiste. De commission en commission et de groupe d'experts
en groupe d'experts, le débat sur les services de santé
n'est pas facile à aborder, comme s'il touchait une corde
sensible. Selon Jacques Racine, professeur à la Faculté
de théologie et de sciences religieuses, les discussions
en cours et les virages amorcés ne doivent pas nous faire
oublier que c'est au nom de l'hospitalité et de la compassion
envers l'être vulnérable que sont le faible et le
malade que s'est construit, au cours des siècles, le système
de santé québécois; d'abord privé,
sous l'égide de l'Église, et ensuite public, sous
la gouverne de l'État.
"Depuis la fin de la reconnaissance de la dualité
canadienne et le choix du multiculturalisme, la grande distinction
des Canadiens avec leurs voisins américains est le système
canadien de santé universelle, piloté et normé
par le gouvernement canadien", a souligné Jacques
Racine, lors d'un colloque ayant pour thème "La notion
de santé: nouvelles figures, nouvelles promesses, nouvelles
alliances" qui a eu lieu les 25 et 26 août au pavillon
la Laurentienne. "J'oserais dire que ce qui est devenu important,
ce n'est pas la santé, mais le système", poursuit
ce spécialiste de l'éthique sociale. Selon Jacques
Racine, le plus grand obstacle à l'avancement des discussions
entourant la santé au Québec et au Canada tient
au fait que le système de santé est devenu, depuis
les années 1970, "le lieu de construction de l'identité
canadienne, un lieu symbolique sinon sacré, intouchable
sinon immuable".
L'autre obstacle nuisant au débat sur la santé
et, par là, à l'établissement de priorités
en la matière, est que le secteur s'avère un domaine
important de développement économique et d'enrichissement.
"De fait, a rappelé Jacques Racine, les gouvernements
et les citoyens se sont mis en position difficile considérant,
d'une part, qu'il faut à tout prix promouvoir l'établissement
des industries pharmaceutiques et biotechnologiques en leur accordant
des privilèges qui sont directement portés aux
coûts du système de santé et, d'autre part,
que les fonds de retraite collectifs et personnels doivent tirer
profit de ces industries comptant parmi les plus sûres
et les plus performantes en bourse. Ils oublient que les gains
ainsi réalisés se font au détriment du coût
des médicaments, des fournitures médicales et chirurgicales
qui font augmenter ainsi le coût des assurances personnelles
et collectives."
Des praticiens citoyens
De son côté, même s'il déplore
"la contamination importante de la pharmaceutique dans le
réseau québécois de la santé et ses
effets pervers sur le système", le doyen de la Faculté
de médecine, Pierre J. Durand, s'est dit optimiste devant
l'avenir, allant dans le même sens que son collègue.
"Au Québec, plus qu'ailleurs au Canada et en Amérique
du Nord, a-t-il insisté, le réseau de santé
s'est développé sur la base de la compassion. Il
y a eu intégration naturelle du concept de solidarité.
Ces valeurs demeurent très fortes chez les gestionnaires."
Quant aux futurs médecins, croit le doyen, ils doivent
devenir des "praticiens citoyens" dédiés
au bien-être et à la santé des personnes.
"Je sens chez nos étudiants beaucoup d'idéalisme.
En tant qu'universitaires, nous portons le flambeau et nous avons
la responsabilité d'offrir à nos étudiants
des programmes de formation bien adaptés à la réalité
et aux besoins de leurs futurs clients."
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