L'empreinte du vivant
La Galerie des arts visuels rend hommage
à René Taillefer
Enfant, René Taillefer habitait non loin de la rivière
Mille-Iles, puis il vécu à portée de vue
du fleuve dans le Vieux-Québec, ensuite près du
Lac Saint-Jean, et aujourd'hui il coule des jours heureux à
l'Ile d'Orléans. Cet environnement aquatique marque sans
conteste ses sculptures. D'abord ces grandes formes en bois faites
de planches assemblées comme autant de rappels des coques
des navires couchées sur la grève. L'artiste a
longtemps rêvé d'en faire des blocs pleins, avant
de se résoudre à les fabriquer en boîtes
vides en usant d'un stratagème. Les plans droits suggèrent
un espace vide, tandis que les courbes laissent penser que la
sculpture constitue un volume plein. Au mur, ces lamelles de
bois qui jaillissent d'une pièce massive évoquent
aussi l'empreinte de la nature et de l'eau. Elles ressemblent
aux branches de ces arbres solitaires qui luttent seuls face
au vent sur le bord des rivières ou des plages. Une image
que le sculpteur a décliné dans plusieurs pièces
de dimensions variées en songeant peut-être aussi
aux bonsaïs qu'il fait pousser dans son atelier.
La nature inspire donc une grande partie du travail de René
Taillefer, mais aussi l'architecture, qu'elle soit romane, gothique,
ou précolombienne. Ainsi, sollicité pour habiller
l'espace public face à l'Anglicane à Lévis,
il a imaginé une sculpture en forme d'arbre rappelant
l'ogive d'une des baies vitrées de la salle de spectacles
devant laquelle l'oeuvre a pris racine. "La sculpture permet
un rapport entre le spectateur et l'oeuvre, confie-t-il, un
rapport au corps. Je réalise donc souvent des pièces
de plusieurs dimensions pour disposer de sculptures à
hauteur d'homme." Partisan d'un art public, installé
dans les jardins ou la rue, René Taillefer a ainsi conçu
ces trois grands carrés de bois empilés, que surplombe
un gros bloc de bois à moitié évidé,
oscillant au gré de l'humeur des visiteurs. Un contact
tactile qui correspond bien à la philosophie de création
de ce pédagogue dans l'âme, ouvert aux multiples
désirs de création de ses élèves
alors qu'il enseignait à l'École des arts visuels
de 1974 à l'an 2000.
Sensible au passage du temps sur la Terre, l'artiste collectionne
des pierres depuis plusieurs décennies, et visite fréquemment
les sites préhistoriques avec une prédilection
pour les alignements de dolmens. Les hautes falaises de Gaspésie
ou les châteaux médiévaux, juchés
au sommet de pitons vertigineux, l'impressionnent beaucoup également.
Fréquemment on retrouve dans ses oeuvres des petits blocs
de rochers plantés sur un socle ou mêlés
à des baguettes de bois comme autant d'hommages aux forces
de la nature, et à la façon dont les hommes au
fil du temps ont habité leur coin de pays. L'une de ses
sculptures, "La folle du logis", constituée
de blocs de bois comme autant de briques d'une maison monumentale
a des airs de forteresse imprenable. Le haut déchiqueté
de sa tourelle illustre bien par contre l'abandon de sa propriétaire.
Ni tout à fait figurative, ni tout à fait abstraite,
les sculptures de René Taillefer racontent donc la vie
qui passe, au gré de l'imagination de celui ou de celle
qui les regarde.
L'exposition "Contrepoints" est présentée
jusqu'au 17 avril à la Galerie des arts visuels, située
au 255 boulevard Charest Est. La Galerie des ouverte de 11 h
30 à 16 h 30 du mercredi au vendredi et de 13 h à
17 h le samedi et le dimanche.
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