Le courrier
Présence policière sur le campus
J'ai lu les lettres de collègues professeurs et professeures
au sujet de la présence policière sur le campus
dans le numéro du 31 mars du journal Au fil des
événements et je veux leur exprimer mon appui
sans réserves. J'ai aussi été témoin
des faits produits à la cafétéria du pavillon
Charles-De Koninck le 24 février et, pour reprendre vos
mots, je dirais encore une fois: "Ces interventions m'ont
indignée et glacée d'effroi".
Le campus de l'Université Laval devrait être un
espace où le débat des idées politiques
se fasse selon les règles de jeu d'une société
démocratique, la présence répétée
et injustifiée des forces policières et de sécurité
ne fait que miner cette mission première de l'éducation
supérieure.
Nous devons tous nous sensibiliser en faveur d'une pensée
diverse et pluraliste, susceptible de s'exprimer dans la tolérance
et le respect des droits constitutionnels, tout en demandant
à l'administration de l'Université de cesser d'appeler
la police à chaque manifestation politique étudiante.
EMILIA I. DEFFIS
Professeure adjointe au
Département des littératures
Les dirigeants de demain?
Parmi les dirigeants de demain, certains seront fort probablement
des finissants au MBA de l'Université Laval. Et de mon
point de vue, c'est très inquiétant. Que l'égoïsme
et le nombrilisme des dirigeants de l'APMAL (Association des
participants à la maîtrise en administration de
Laval) les incitent à oublier le mot solidarité
en temps de grève envers les moins nantis de leur communauté
universitaire, je n'ai aucun problème avec la chose. Qu'ils
mettent de côté leur soi-disant capacité
d'analyse au point de ne pas se rendre compte que nous sommes
en présence d'une décision politique d'une lâcheté
inégalée, c'est-à-dire de s'attaquer aux
étudiants les plus défavorisés et surtout
les moins nombreux au lieu de répartir le manque à
gagner total sur le nombre total d'étudiants, cela m'est
tout aussi égal.
Qu'ils acceptent de se faire avoir sans rien dire par les baby-boomers
qui ont su accumuler des déficits records au fil des années
et qui veulent maintenant s'en laver les mains en refilant la
facture aux plus jeunes tout en augmentant leur niveau d'endettement
postsecondaire, parfait. Mais qu'ils votent contre le fait de
consulter l'ensemble de leurs membres sur la possibilité
d'une grève qui pourrait mettre fin à ces injustices
en considérant que le refus de 60 personnes sur 2000 est
un nombre représentatif pour leur dénier ce droit,
là, j'ai un problème. Ne permettre qu'une plage
réduite d'une heure par semaine afin de permettre aux
étudiants d'exprimer légitimement leur opinion
est peut-être légal selon les statuts de l'Association,
mais c'est carrément malhonnête, surtout si l'on
considère les moyens technologiques actuels auxquels nous
avons accès.
J'aimerais donc attirer l'attention de ceux qui ont voté
contre le fait que tous les membres devaient avoir le droit de
s'exprimer sur le sujet, et ce, en leur offrant les meilleures
méthodes disponibles garantissant une accessibilité
diligente au vote, qu'ils font preuve d'un profond mépris
pour la démocratie. Cette manière d'agir est digne
des dictatures les plus viles où la consultation populaire
est inexistante et les droits de l'Homme bafoués.
Jean-Philippe Bonneau, président de l'APMAL, nous dit
que c'est avec la plus grande des objectivités qu'il compte
nous faire part des décisions qui ont été
prises à l'assemblée générale de
l'APMAL. Dans son communiqué, par contre, il ne fait aucunement
référence au vote qui s'est tenu afin de ne pas
permettre à tous les membres de se prononcer sur le sujet
en leur refusant le droit de vote. Quelle objectivité,
on dirait la commission Gomery!
Bravo aux dirigeants de demain, ça promet!
ALEXANDRE GIASSON
Étudiant au MBA - comptabilité
Lettre ouverte au ministre de l'Éducation
Monsieur le Ministre,
Nous sommes cinq étudiantes et étudiants inscrits
aux deuxième et troisième cycles à la Faculté
des sciences de l'éducation de l'Université Laval.
Au cours du trimestre passé, nous avons eu l'occasion
d'analyser, dans le cadre du Séminaire sur l'enseignement
supérieur, un corpus composé d'articles scientifiques
en sciences sociales (2001, 2002 et 2004) portant sur la réussite
éducative en enseignement postsecondaire. Même si
la majorité de ces articles portait sur des systèmes
d'éducation étrangers (États-Unis, France,
Royaume-Uni et autres pays), nous pensons que l'analyse de ce
corpus peut nous apporter un éclairage sur les revendications
formulées par les diverses parties impliquées dans
la grève étudiante actuelle.
Tout d'abord, la population postsecondaire n'est pas un groupe
homogène. Les origines socioéconomiques, le sexe,
la nationalité, l'âge et le statut parental sont
autant de facteurs qui influencent les possibilités de
poursuivre et de réussir des études. Il en est
de même pour le programme dans lequel s'inscrit l'étudiante
ou l'étudiant ainsi que l'établissement fréquenté.
Nous pouvons ajouter à cela les conditions matérielles
et sociales dans lesquelles évoluent les étudiantes
et étudiants. Par exemple, le soutien financier et moral
des parents, la valeur accordée par les proches à
l'enseignement postsecondaire et la présence de personnes
et de ressources matérielles significatives les aidant
dans leur cheminement sont autant de facteurs qui favorisent
la réussite éducative.
La définition de la réussite présentée
dans le corpus sélectionné dépasse les simples
indicateurs que sont l'excellence scolaire, le taux de diplomation,
ou encore le délai nécessaire à la diplomation.
Bien que la réussite éducative soit synonyme d'apprentissage
de compétences et d'habiletés, il se dégage
des écrits que la réussite inclut également
l'acquisition de compétences sociales, la conscientisation
aux responsabilités civiles et la construction de l'identité,
lesquels se concrétisent par la confrontation à
diverses idées et expériences en enseignement postsecondaire.
La persévérance dans les cheminements scolaires
en enseignement postsecondaire est diversifiée selon les
groupes sociaux. Les seules aptitudes scolaires, malgré
leur importance, ne sont pas suffisantes pour définir
les probabilités de réussite éducative et
certaines populations sont plus vulnérables durant leur
enseignement postsecondaire. Pensons entre autres aux personnes
de première génération à l'université
ou à celles qui ont des enfants, en particulier des étudiantes
chef de famille monoparentale, aux adultes qui effectuent un
retour aux études, aux étudiantes et étudiants
des Premières Nations, aux immigrantes et aux immigrants.
Notons par exemple que les représentations sont cruciales
dans la poursuite et la persévérance aux études.
Des recherches (Archer, Pratt et Phillips: 2001) réalisées
auprès d'étudiantes et d'étudiants en Angleterre
ayant décidé de ne pas poursuivre leurs études
au collégial ont montré que leur manque d'intérêt
était dû entre autres au fait qu'ils ne s'identifiaient
pas à des systèmes scolaires élitistes et
à la population étudiante qui les fréquentait.
Le système québécois d'enseignement postsecondaire
étant moins élitiste, il serait dramatique que
cette population plus vulnérable, dans la conjoncture
actuelle de non-recevoir des revendications étudiantes,
se trouve confortée dans cette représentation.
Le statut d'étudiant à temps partiel est aussi
un élément particulièrement problématique
pour la poursuite et la persévérance aux études
postsecondaires. C'est pourtant actuellement la situation d'un
grand nombre d'étudiantes et d'étudiants québécois.
Quels que soient les motifs pour lesquels la personne s'inscrit
à temps partiel (enfants, emploi, besoins financiers),
elle éprouve davantage de difficultés à
terminer ses études.
Les diverses équipes de recherche manifestent de l'inquiétude
pour ce qui est de la démocratisation de l'enseignement
postsecondaire. L'augmentation des prêts en défaveur
des bourses est une tendance qui n'est pas unique au Québec
et, dans tous les pays représentés par notre corpus,
les chercheuses et chercheurs en sciences sociales appliquées
à l'éducation s'inquiètent des conséquences
de la diminution de l'aide financière et de l'accroissement
de l'endettement étudiant sur l'accessibilité aux
études. La déréglementation des frais de
scolarité préoccupe également et l'expérience
ontarienne est révélatrice: la population étudiante
fréquentant des programmes professionnels plus coûteux
a radicalement changé depuis la déréglementation.
À titre d'exemple, à l'University of Western Ontario,
la composition du bassin étudiant en médecine s'est
transformée. Le revenu familial moyen des familles de
ce groupe était de 80 000 $ en 1998; en 2000, il atteignait
140 000 $. Pour la même période, la proportion de
cette population étudiante provenant d'une famille disposant
d'un revenu familial inférieur à 60 000 $ par année
a chuté de 36 % à 15 % (Fine 2001: 90 dans Quirke
et Davies 2002). Nous pouvons également émettre
l'hypothèse que l'accroissement de l'endettement étudiant
et l'augmentation des frais de scolarité aura une influence
sur l'ensemble des programmes, même les moins élitistes,
surtout pour certains groupes d'étudiantes et d'étudiants
qui sont plus vulnérables du fait de leurs caractéristiques
économiques et sociales.
Cette déréglementation possible des frais de scolarité
par programme ou par faculté a des impacts sur la stratification
interne des établissements et sur les enjeux de financement.
Sur le plan institutionnel, le manque de ressources financières
en enseignement se répercute sur l'embauche de nouvelles
et nouveaux professeurs et sur les ressources mises à
la disposition de la population étudiante. Par exemple,
le temps consacré à la supervision, le nombre de
cours offerts, le ratio par cours, les ressources professionnelles
d'aide à la réussite ainsi que les ressources documentaires
(bibliothèques) sont autant de facteurs qui permettent
de mesurer l'impact de la situation financière précaire
dans laquelle se trouvent les collèges et les universités
québécoises aujourd'hui.
Si nous souhaitons, en tant que société, offrir
un accès à une éducation de qualité
et favoriser la réussite éducative au plus grand
nombre d'étudiantes et d'étudiants sans contrainte
des limites inhérentes aux diverses origines et appartenances
sociales, nous nous devons d'agir maintenant. Nous insistons
sur la nécessité de maintenir la distinction québécoise
qui fait qu'aujourd'hui nous avons la possibilité de poursuivre
nos études de maîtrise et de doctorat à l'Université
Laval. Nous sommes tous et toutes des étudiants de première
génération à l'université. Trois
d'entre nous sont des étudiants étrangers (Burkina
Faso, Mexique et France) et deux proviennent de régions
du Québec où les formations universitaires offertes
sont restreintes. Nos parcours et les diverses mesures institutionnelles
qui les ont favorisés témoignent de l'importance
de maintenir un accès équitable à l'enseignement
postsecondaire et de favoriser la réussite éducative.
Nous vous encourageons donc, Monsieur le ministre de l'Éducation,
à saisir l'occasion qui vous est offerte actuellement
pour mettre en place des mesures qui non seulement préserveront
la spécificité québécoise en termes
d'accès à l'enseignement postsecondaire, mais qui
permettront d'atténuer au maximum les facteurs empêchant
la persévérance aux études et la réussite
scolaire pour de nombreux étudiantes et étudiants,
dont le fardeau de l'endettement.
DOMINIQUE TANGUAY, VIRGINIE DUCLOS,
VÉRONIQUE BARRIAULT,
OSCAR CASTILLO IBARRA et LAGI ZOUNDI
Étudiants à la Faculté des sciences de l'éducation
|