Une question d'étiquette Lentement mais sûrement, les OGM font le saut dans notre assiette. par Renée Larochelle Faut-il oui ou non rendre obligatoire l'étiquetage des OGM (organismes génétiquement modifiés)? Telle était la question au centre du débat qui a eu lieu dans le cadre du 8e Symposium de la 30e édition de la Semaine de l'agriculture et de l'alimentation, organisé par les étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, les 17 et 18 janvier. Pour Édith Deleury, professeure à la Faculté de droit et présidente du comité de travail sur les enjeux éthiques des OGM à la Commission de l'éthique, de la science et de la technologie (CEST), il ne fait aucun doute que dans une société pluraliste comme le Québec, chaque personne doit pouvoir choisir les aliments qu'elle consomme selon ses principes, ses valeurs et ses craintes quant aux risques qu'un produit peut présenter pour la santé. C'est dans cet esprit que la CEST a recommandé au gouvernement du Québec d'imposer l'étiquetage obligatoire pour tout produit issu de la transgénèse, a expliqué la juriste. "Nos analyses sur les représentations de la place de l'être humain dans l'univers et sa responsabilité à l'égard de la nature, telles que véhiculées dans les grandes religions comme le christianisme, le judaïsme, l'islamisme et dans la culture autochtone, nous ont amenés à constater que la transgénèse mène à des représentations du vivant susceptibles d'entrer en conflit avec les représentations symboliques, culturelles ou spirituelles prévalant dans la société québécoise, ce qui explique en grande partie pourquoi les OMG n'ont pas ou peu la faveur de la population."
La transgénèse mène à des représentations du vivant susceptibles d'entrer en conflit avec des représentations prévalant dans la société québécoise
Une affaire de coût En tant que présidente de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la députée Fatima Houda-Pépin a eu pour mandat d'examiner les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire. Dans son rapport final déposé en juin, cette commission a recommandé que le gouvernement du Québec opte pour l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés. "Nous rejoignons en cela le souhait exprimé par une ferme majorité de citoyens, de souligner Fatima Houda-Pépin. En effet, un récent sondage mené pour le compte de Greenpeace, Option consommateurs et l'Union des consommateurs indique que 87 % des Québécois souhaitent que le gouvernement du Québec impose lui-même l'étiquetage des OMG si le gouvernement fédéral persiste à ne pas le faire. L'un des arguments les plus avancés pour repousser l'étiquetage obligatoire étant une augmentation potentielle des coûts, le gouvernement doit évaluer ces coûts et veiller à ce qu'ils soient financés par tous les intervenants de la chaîne alimentaire, y compris les producteurs, les transformateurs et les consommateurs." Dans cet esprit, le président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec (FPCCQ), Denis Couture, se dit en faveur des OGM, à condition que les producteurs agricoles ne soient pas les seuls à payer la facture. "La base de la recherche en l'agriculture est en train de s'effriter et on ne fait rien pour contrer cela, déplore-t-il. Des centres de recherche ferment, faute d'être soutenus financièrement. Actuellement, tout ce qui compte, ce sont les OGM. Je trouve cela malsain." Nourrir la planète Son de cloche différent chez Mario Dumais, professeur associé à la Chaire de recherche du Canada en développement rural à l'Université du Québec à Rimouski, qui voit de grands avantages dans les biotechnologies en agriculture. Adepte de l'étiquetage volontaire mais non obligatoire, cet économiste estime que les biotechnologies, et en particulier la transgénèse, constituent une avenue prometteuse pour régler le problème de la faim dans le monde. Avec une population mondiale dont la croissance est évaluée à 72 millions de personnes par année, rien n'indique en effet que la Terre pourra subvenir aux besoins de tous ses habitants. Les biotechnologies, qui rendent les terres plus productives, pourraient pallier au manque de nourriture sur la planète. Selon Mario Dumais, le Québec a aussi beaucoup à perdre s'il se tient à l'écart de l'évolution des biotechnologies en agriculture, non seulement des marchés internationaux, mais également sur son propre marché dont plusieurs segments, tels ceux des grains, de la viande porcine ou des produits horticoles, sont complètement ouverts à la concurrence internationale. Enfin, le domaine des biotechnologies offre des emplois rémunérateurs à des personnes hautement qualifiées, ce dont ni le Canada ni le Québec ne peuvent se priver. "Toutes ces considérations devraient être mises de côté si les produits transgéniques étaient nocifs pour la santé, précise Mario Dumais. Jusqu'à présent, on n'a pas pu démontrer que leur consommation par le grand public dans les pays où ils ont été homologués ait eu un quelconque effet sur la santé humaine." | |