Pôle position Radio-Canada nomme l'océanographe Louis Fortier "Scientifique de l'année 2004" par Jean Hamann L'équipe des Années lumière, l'émission scientifique de Radio-Canada, a décerné le titre de "Scientifique de l'année de Radio-Canada pour 2004" à l'océanographe Louis Fortier. Professeur au Département de biologie et directeur scientifique du groupe interuniversitaire de recherche Québec-Océan, Louis Fortier se voit attribuer cet honneur "pour sa contribution remarquable à la connaissance des impacts des changements climatiques dans l'Arctique". Radio-Canada décerne le prix du Scientifique de l'année à un chercheur qui, au cours de l'année écoulée, s'est illustré dans sa discipline par une découverte, une publication ou une réalisation remarquable, de nature scientifique et de portée nationale ou internationale.
Après 15 années de travail, le patient et enthousiaste engagement du professeur Fortier à l'endroit de l'océanographie arctique a culminé, en 2004, avec les missions CASES et ArcticNet. Au cours de ces expéditions, plus de 200 chercheurs de 11 pays sont montés à bord du brise-glace océanographique Amundsen pour étudier les impacts du réchauffement climatique sur les écosystèmes de l'océan Arctique et ses répercussions sociales sur les populations qui l'habitent. Agréablement surpris de recevoir cet honneur, Louis Fortier estime que l'équipe des Années lumière récompense surtout les remarquables efforts de réseautage et d'organisation de la recherche arctique qu'ont nécessités les projets CASES et ArcticNet. "Sur le simple plan logistique, maintenir pendant 390 jours une plate-forme de recherche dans l'océan Arctique se compare, si on considère la complexité de l'opération et le budget dont nous disposions, à envoyer une sonde sur Mars!, lance le responsable de l'opération. Il a fallu une gymnastique complexe et une orchestration formidable avec nos partenaires de la Garde côtière canadienne pour assurer le roulement des équipes et l'approvisionnement du bateau."
Même si le gros de l'analyse des données amassées en 2003 et 2004 reste encore à faire, la couverture médiatique accordée aux deux missions a déjà permis d'attirer l'attention de la population sur la problématique du réchauffement climatique dans l'Arctique et sur l'urgence de s'y préparer, ajoute-t-il. Plume agile Ce que le chercheur passe sous silence est que ce prix vient aussi reconnaître le rôle de leader qu'il a joué dans ces deux vastes projets, de même que dans la relance de l'océanographie arctique canadienne qui traversait des temps durs à la fin des années 1980. Pour y arriver, Louis Fortier a d'abord fait ses classes avec des chercheurs allemands et japonais dans le cadre de deux projets internationaux menés sur les polynies - des régions des mers arctiques toujours libres de glace - au début des années 1990.
L'expérience et la reconnaissance internationale que lui ont apportées ces travaux l'ont placé à l'avant-scène de l'océanographie au pays. Lors d'un atelier présenté à Halifax en 1995, il est désigné pour coordonner une demande de financement touchant une étude sur la polynie du Nord-Ouest, située entre la Terre d'Ellesmere au Canada et la côte ouest du Groenland. La première demande est refusée. "Pour réussir dans le rôle de leader, j'ai appris qu'il ne faut jamais se décourager. Il faut faire preuve d'abnégation, d'obstination et d'endurance." Il revient donc à la charge et le CRSNG accorde près de 5 M$ au projet. En 1998 et 1999, pendant près de 170 jours, une soixantaine de chercheurs canadiens et étrangers participent à l'étude de la polynie du Nord-Ouest.
"À partir de là, on sentait que le momentum était bon pour obtenir du financement d'Ottawa pour des projets encore plus importants", souligne-t-il. On ne saurait mieux dire. Louis Fortier pilote successivement les demandes pour un brise-glace de recherches océanographiques (27,5 M$), pour le projet CASES (10,5 M$) et pour le réseau de centres d'excellence ArcticNet (26 M$). "J'ai développé un certain talent pour rédiger des demandes de subventions", concède ce chercheur à la plume agile. Son secret? "Toutes les bonnes demandes de subventions sont valables sur le plan scientifique. Pour se démarquer, il faut y mettre à la fois de la conviction, de la passion, de la perspective et de l'urgence." Année polaire Les choses vont plutôt bien pour Louis Fortier. Le financement du brise-glace de recherche, d'ArcticNet et de sa Chaire de recherche du Canada est assuré pour 13 ans encore, "ce qui m'amène presque à l'âge de la retraite", calcule sans grande conviction le chercheur de 51 ans. "Les grands projets sont en marche et je veux retourner à mes recherches personnelles. Ce qui me donne le plus de satisfaction dans mon travail est lorsqu'un étudiant m'apporte des résultats inattendus et qu'on en discute. Ces moments sont devenus plus rares depuis que je m'occupe davantage d'administration de la recherche."
On a peine à croire que l'océanographe qui a piloté tous ces grands projets puisse du jour au lendemain se retirer dans ses terres. "Je veux retourner à mes recherches, mais je veux aussi que les grands programmes continuent à se développer, nuance-t-il aussitôt, en soulignant l'avènement de l'Année internationale polaire en 2007-2008. "Ça va être fantastique, annonce-t-il, la tête visiblement remplie de projets. Nous voulons servir de catalyseur à la communauté universitaire canadienne pour maximiser le financement accordé à la recherche arctique." Les plans de retraite attendront.
La récompense rattachée au prix que Louis Fortier vient de recevoir prix est une longue entrevue avec le journaliste Yanick Villedieu. L'entrevue fleuve accordée par Louis Fortier sera diffusée sur les ondes de Radio-Canada lors de l'émission du 23 janvier.
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