Péril en la demeureGhislain Picard sonne l'alarme pour la survie des Premières Nations par Renée LarochelleOriginaire de la communauté montagnaise de Betsiamites sur la Côte-Nord, Ghislain Picard se souvient des commentaires désobligeants dont il faisait l'objet, alors qu'il étudiait au secondaire dans une école "blanche", au début des années 1970. "Les autres me considéraient comme un être malfaisant et je me percevais de la même façon, par le fait même", rappelle le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. "Aujourd'hui, les jeunes autochtones sont plus fiers de ce qu'ils sont, mais le mythe de l'autochtone bon à rien et fauteur de troubles persiste dans la tête des gens." Invité par le Centre de recherche sur l'adaptation des jeunes et des familles à risque (JEFAR) et l'Association des étudiants des Premières Nations (AÉPN), le 29 novembre, Ghislain Picard devait parler du développement durable chez les Premières Nations du Québec. Mais de développement durable, il ne fut pas question de toute la conférence, pour une raison que l'homme a révélée, non sans une certaine lassitude dans le ton et le discours. "Cela ne sert à rien de parler de développement durable, social et économique si les individus n'ont pas la capacité de se prendre en main, a-t-il expliqué. Depuis les 50 dernières années, toutes les tentatives visant à redresser la condition économique et sociale des autochtones et à leur donner un statut comparable au reste de la population ont échoué." Sans aller jusqu'à reléguer aux oubliettes la question de l'autodétermination du peuple autochtone, ses "décideurs" souhaitent maintenant investir dans le renforcement des communautés, renforcement qui passe par une meilleure estime de soi chez l'individu. Car là réside la solution: reprendre sa vie en main afin de redonner vie à sa nation. "On sous-estime les difficultés et les bouleversements
qu'ont connus les Premières Nations depuis 400 ans, a
poursuivi Ghislain Picard. Tout cela a créé un
malaise qui se traduit aujourd'hui par l'alcoolisme, la drogue
et le suicide. Il semble que, lorsque les choses se règlent
pour une communauté, les choses s'aggravent dans l'autre,
comme si on se passait le flambeau, en quelque sorte." Qui
plus est, rien ne va plus du côté de la fonction
publique autochtone, victime plus souvent qu'à son tour
de détresse psychologique et complètement désemparée
devant les problèmes sociaux qui fourmillent. Ainsi, les
travailleurs sociaux doivent souvent être disponibles 24
heures sur 24 et deviennent incapables de suffire à la
tâche, pour ne citer que cet exemple. D'où la nécessité
vitale de se doter d'une administration publique pouvant répondre
aux besoins, selon Ghislain Picard. |