
Messe pour le temps présent
Un premier spectacle présenté au Laboratoire
des nouvelles technologies de l'image, du son et de la scène
par Renée Larochelle
À quoi peut-on s'attendre quand 21 étudiantes
et étudiants en théâtre, en musique, en cinéma
et en arts de la scène sont lâchés comme
des fauves en liberté dans l'univers des possibles que
leur offre le Laboratoire des nouvelles technologies de l'image
et du son et de la scène (LANTISS)? À tout, bien
entendu. À cet égard, le public qui a assisté
à l'exercice le 25 novembre a eu droit à un spectacle
se situant à des années-lumière du théâtre
traditionnel. N'ayant cure de la réalité mais épris
de rêves, les étudiants du cours Atelier spécial
- Théâtre et technologies ont livré une histoire
lumineuse soutenue par les clairs-obscurs de l'inconscient, sur
le thème éclaté de la projection. Au bout
de l'aventure, il y aura eu le moment présent ouvrant
la voie au futur, à tout ce qui gronde et tout ce qui
bouge, pendant que d'imposants échafaudages se faisaient
et se défaisaient, que les structures s'ouvraient et se
refermaient, au gré des états d'âme et des
corps en mouvement.
"Dans un tel spectacle, il faut que le spectateur laisse
au repos son cerveau gauche, celui qui veut tout savoir, tout
saisir et tout relier, explique tranquillement Robert Faguy,
metteur en scène et responsable de l'atelier. Il s'agit
d'un théâtre de l'image, où mécaniques
de scène, espace technologique, images et principes ludiques
se conjuguent pêle-mêle. On efface le texte, ou plutôt
sa position hiérarchique, afin de favoriser le développement
des langages traditionnellement périphériques,
ceux des espaces visuels mais aussi sonores, dans la mesure où
ils sont d'excellent générateurs d'images. À
partir de ces rencontres se tisse le fil des possibles et des
croisements complexes. Au spectateur de créer un tout."
Temps Pi est le premier spectacle théâtral
présenté au LANTISS depuis son inauguration en
avril. Niché au pavillon Louis-Jacques-Casault, le LANTISS
constitue un véritable lieu d'expérimentation de
nouvelles approches combinant art et technologie. Laboratoire
unique au Québec, pourvu d'équipements à
la fine pointe de la technologie, ce vaste espace high tech
s'est associé avec deux partenaires majeurs de Québec:
le groupe Ex Machina et le Centre d'artistes AVATAR, membre de
la coopérative Méduse. C'est donc dire que le théâtre
qu'on y présente sort résolument des sentiers battus.
Retour vers le futur
Comme idée de départ pour ce spectacle, Robert
Faguy avait soumis aux étudiants la finale d'une oeuvre
musicale de David Byrne: In the Future. Sa démarche
a consisté à guider les étudiants sur une
notion globale, celle de la projection, qui avait l'avantage
de pouvoir s'appliquer à chacun des volets de création
comme les images, les sons, l'éclairage, l'espace physique,
etc. Si les étudiants ont embarqué timidement au
début, c'est avec une assurance grandissante qu'ils ont
finalement vaincu "leur peur des machines", et qu'ils
ont apprivoisé des processus de création. "Ce
qui me fait plaisir, révèle Robert Faguy, c'est
de constater la gratification et la chimie des rencontres quelquefois
musclées mais surtout multidisciplinaires, qui se sont
produites avec des étudiants de premier cycle en théâtre,
en musique, en cinéma et en arts visuels avec des étudiants
de deuxième cycle en arts de la scène."
S'il ne s'agit pas d'un spectacle achevé, à l'instar
du théâtre de Robert Lepage, le rideau est pourtant
bel et bien tombé sur Temps Pi, exercice pédagogique
oblige. Mais ce retour vers le futur aura permis à une
vingtaine d'étudiants de surmonter les problèmes
techniques inhérents à ce genre de production et
d'apprendre des nouveaux procédés technologiques
dans un environnement riche, non seulement sur le plan du sens
mais aussi sur le plan des moyens techniques et financiers mis
à leur disposition. "Avec LANTISS, dit Robert Faguy,
les étudiants peuvent se consacrer à l'apprentissage
de la grammaire du théâtre, sans avoir à
se préoccuper d'autre chose. S'ils possèdent cette
grammaire, ils ne perdront pas leur temps à trouver des
moyens, plus tard."

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