
Mémoires vives Le souvenir de la photographe Ginette Bouchard, décédée en avril dernier, se fait présent à la Galerie des arts visuels par Pascale Guéricolas Même au soir de son existence, en avril dernier, la photographe Ginette Bouchard aura poursuivi sa quête de plusieurs décennies, celle de fixer sur ses oeuvres la trace du passage du temps. En témoigne cet ultime "scan" de fleurs, de feuilles, de bijoux, de photos anciennes directement réalisé depuis son ordinateur personnel, et bien d'autres oeuvres présentées jusqu'au 19 décembre à la Galeries des arts visuels, dans le cadre de l'exposition "Mémoires vives".
C'est Clément Leclerc, responsable de la Galerie, qui a eu l'idée de rendre hommage à cette professeure qui a enseigné la photographie à l'École des arts visuels pendant plus de vingt ans. Son époux Claude Cadieux, ainsi que Mélanie Blais, une amie de longue date, ont donc choisi quelques-unes de ses séries parmi ses nombreux clichés, afin de mettre en lumière la persistance de thèmes comme le temps, la mémoire, la beauté à travers son oeuvre.
"Je suis une artiste visuelle qui étudie la photo", expliquait Ginette Bouchard il y a quelques années lors d'une exposition conjointe avec une amie peintre. Les magnifiques paysages urbains ou encore ses gros plans de poissons, de feuilles mortes, de tiges de maïs, épurés sur fond blanc, témoignent ainsi de son souci de la composition et du détail. Dans la série Urbania, par exemple, la photographe souligne la trace de la main de l'homme sur la nature en mettant de l'avant un quai encombré de tôle tordue ou deux malheureux arbres enracinés sur un banc public. Non loin, l'agrandissement d'une pièce d'eau aux allures très zen côtoie un kimono japonais ondulant doucement dans la série Nature, le tout baignant dans une atmosphère de vert délicat. "Ginette Bouchard mettait beaucoup de soin à choisir les couleurs de ses clichés avant leur impression au jet d'encre, explique Mélanie Blais, professeure d'histoire de l'art au Cégep du Vieux Montréal. Elle prenait ses photos en noir et blanc avec un appareil conventionnel, puis choisissait les teintes les plus appropriées, assez froides pour Urbania où les bleus dominent, plus chaudes dans Nature."
À l'exception des objets scannés dans les dernières semaines de sa vie, les oeuvres de la photographe demeurent dans les tons sépias, comme un rappel de son intérêt pour les procédés anciens de développement et de tirage sur lesquels elle a longtemps travaillé. Avec Paysages nocturnes , réalisé en 1981, elle a par exemple utilisé une solution avec du sélénium, en laissant le cliché se révéler grâce à la lumière du soleil, une technique qui augmente considérablement le temps de conservation. La scène croquée témoigne aussi du passage du temps puisque la photographe a planté son appareil sur une plage, et laissé la trace d'un bateau à l'horizon s'imprimer sur la pellicule longuement exposée. Même si Urbania et Nature utilisent des technologies bien plus récentes comme la numérisation, certains des sujets photographiés comme ces poissons asiatiques centenaires rappellent la pérennité de la nature face à la brièveté de la vie humaine. Heureusement, l'oeuvre demeure. Les magnifiques paysages de Ginette Bouchard nous permettent donc de bénéficier encore de sa présence artistique.
La Galerie des arts visuels est située au 255, boulevard Charest Est. Heures d'ouverture: de 11 h 30 à 16 h 30 du mercredi au vendredi, de 13 h à 17 h le samedi et le dimanche. 
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